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15/12/2022 | FRANCE | N°18VE01557

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 15 décembre 2022, 18VE01557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société entreprise d'assainissement et de voirie (EAV) a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'association foncière urbaine autorisée " Les Tuileries " (AFUAT) à lui payer, d'une part, la somme de 15 419,79 euros toutes taxes comprises (TTC) sur la base des devis du 5 novembre 2012 et du 9 avril 2013 et, d'autre part, la somme de 747,37 euros au titre d'une facture du 21 juillet 2014, correspondant à la réalisation de travaux de pompage et de nettoyage du bassin de rétention des

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société entreprise d'assainissement et de voirie (EAV) a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'association foncière urbaine autorisée " Les Tuileries " (AFUAT) à lui payer, d'une part, la somme de 15 419,79 euros toutes taxes comprises (TTC) sur la base des devis du 5 novembre 2012 et du 9 avril 2013 et, d'autre part, la somme de 747,37 euros au titre d'une facture du 21 juillet 2014, correspondant à la réalisation de travaux de pompage et de nettoyage du bassin de rétention des eaux d'orage de l'AFUAT, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juillet 2013, et d'appliquer une pénalité de 20 % par an sur ces sommes conformément aux conditions générales de vente, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 août 2014.

L'AFUAT a conclu au rejet de la demande et a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société EAV à lui verser la somme de 7 484,99 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2013.

Par un jugement n° 1406043 du 5 mars 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la société EAV, a rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par l'AFUAT et a mis à la charge de l'AFUAT et de la société EAV, à hauteur de 50 % chacune, les honoraires et frais de l'expertise ordonnée le 9 juillet 2013, liquidés et taxés à la somme de 20 920,40 euros TTC.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 mai 2018, 26 octobre 2018, 29 novembre 2019, 3 juillet 2020 et 12 novembre 2020, la société Entreprise d'assainissement et de voirie (EAV), représentée par Me Dagorne, avocat, demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;

2°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande ;

3°) de condamner l'association foncière urbaine autorisée " Les Tuileries " (AFUAT) à lui verser les sommes de 15 419,79 euros TTC et de 743,37 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 5 juillet 2013 et d'appliquer une pénalité de 20 % par an sur ces sommes avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 août 2014 ;

4°) de rejeter les conclusions reconventionnelles présentées par l'AFUAT ;

5°) de mettre à la charge de l'AFUAT la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal administratif n'a pas répondu aux moyens développés dans ses mémoires ;

- ce jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il répartit les frais et honoraires d'expertise exclusivement entre l'exposante et l'AFUAT alors que l'expertise a porté sur l'intervention de plusieurs prestataires lors de la construction et de l'exploitation du bassin de rétention ;

- il méconnaît l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'ordonnance de taxation des honoraires et frais d'expertise prise par le président du tribunal administratif de Versailles le 11 mars 2014 et devenue définitive ;

- il méconnaît le principe du contradictoire et l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que le tribunal administratif ne l'a pas mise en mesure de contester la répartition des frais d'expertise entre les parties ;

- le tribunal administratif a statué ultra petita en se prononçant sur les frais et honoraires d'expertise alors qu'aucune des parties ne demandait la répartition de ces frais et honoraires ;

- le tribunal a, à tort, fait un lien entre le rapport d'expertise et la demande de l'exposante et a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation en mettant à sa charge la moitié des honoraires et frais d'expertise alors que le rapport d'expertise retenait la responsabilité de l'AFUAT en qualité de maître d'ouvrage dans les dysfonctionnements du bassin de rétention et qu'il ne portait pas sur les prestations de pompage et de nettoyage du bassin de rétention que l'exposante a réalisées mais sur les modalités de construction et d'exploitation du bassin de rétention ;

- elle est fondée à solliciter le paiement des prestations de pompage et de nettoyage du bassin qu'elle a réalisées, en dehors du contrat d'entretien annuel du bassin de rétention précédemment conclu en 2004 avec l'AFUAT, sur la base de deux devis distincts émis le 5 novembre 2012 et le 9 avril 2013 ; les prestations réalisées sur le fondement de ces deux devis acceptés par l'AFUAT ne présentaient pas le caractère de travaux supplémentaires mais avaient pour objet d'exécuter un nouveau contrat ayant un objet différent de celui prévu dans le contrat d'entretien conclu en 2004 ; par ailleurs, les prix prévus dans les deux devis constituaient une estimation globale des prestations et non un marché à prix forfaitaire, de sorte que le paiement de ces prestations pouvait être demandé ; la quantité de boues enlevées, leur consistance et le temps de travail effectif sont justifiés par la production des bons de pesées, du planning de rotation des camions ainsi que des feuilles de journée des techniciens ; elle n'a pas pu procéder à l'évacuation de 35 tonnes de boues par journée, comme elle l'estimait initialement dans son devis du 9 avril 2013, dès lors que la densité du sable dans les boues pompées était moins importante que celle envisagée et que des tonnes de déchets verts ont également dû être enlevés à la main ; l'AFUAT a attendu plus de six semaines après l'achèvement des travaux pour les contester, alors que l'article 10 des conditions générales de vente prévoyait que les réclamations éventuelles devaient être adressées au plus tard dix jours après la fin des travaux ; en acceptant les devis, l'AFUAT a donné son accord à la réalisation des travaux ; contrairement à ce que prétend l'AFUAT, les devis et les conditions générales de vente ne conditionnaient pas la facturation à l'acceptation des feuilles d'intervention mais à la présentation des bons de pesée ;

- elle est également fondée à demander l'application de l'article E des conditions générales de vente, qui étaient annexées aux deux devis, prévoyant l'application de 20 % de pénalités par an à défaut de règlement des sommes dues, soit la somme de 6 167,91 euros sur la première facture et la somme de 148,66 euros sur la deuxième facture.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 septembre 2018, 27 septembre 2019, 3 avril 2020 et 19 août 2020, l'association foncière urbaine agrée " Les Tuileries " (AFUAT), représentée par Me Versigny, avocate, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société EAV ;

2°) par la voie de l'appel incident, de condamner la société EAV à lui payer la somme de 6 322,48 euros TTC au titre d'un trop-perçu de rémunération ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener le solde de la créance de la société EAV à la somme de 2 984,37 euros TTC et de rejeter le surplus de sa demande de paiement ;

4°) de mettre à la charge de la société EAV la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le devis du 9 avril 2013 a annulé et remplacé le devis du 5 novembre 2012 en revoyant à la baisse les conditions d'intervention de la société requérante ;

- la société EAV n'a pas réalisé la totalité des prestations dont elle demande le paiement ; les camions ont travaillé à sept reprises et non trois sur une demi-journée ; un seul camion est intervenu sur trois autres jours ; elle a évacué un tonnage de 17 tonnes par jour, soit inférieur à celui de 35 tonnes par jour sur lequel elle s'était engagée aux termes de son devis du 9 avril 2013 ; le volume de déchets verts enlevés n'a pas été aussi important que celui évoqué par la société EAV ; en tout état de cause, l'enlèvement des déchets verts à la main ne l'a pas empêchée de pomper l'eau et ne devait pas être facturé ; la société EAV ne justifie pas que la société Ecopur assurait le traitement des déchets sableux en l'état des bons de pesée qu'elle a produits ; le volume de déchets traités par la société d'épuration d'Evry s'élève à 138,565 tonnes et non 240 tonnes, soit un coût de traitement de 12 470,85 euros hors taxes ; à supposer que tous les déchets enlevés aient été traités, ce qui n'est pas justifié, le prix du traitement s'élevait à 20 113,65 euros hors taxes et non 21 690 euros hors taxes réclamé par la société EAV ;

- la société EAV aurait dû lui transmettre, avant de procéder à la facturation, ses feuilles de travail et ses bons de pesée pour validation, ce qu'elle n'a pas fait ; elle n'a transmis l'ensemble de ses feuilles d'intervention que le 7 juin 2013, date à laquelle l'exposante a pu vérifier la réalité des travaux facturés ;

- la facture de 743,37 euros TTC ne peut être réglée dès lors que le contrat d'entretien renouvelé le 9 septembre 2010 était arrivé à expiration le 23 septembre 2013 ;

- la société EAV ne justifie pas que les conditions générales de vente étaient annexées aux devis ; le devis du 9 avril 2013 transmis ne constitue pas l'exemplaire unique au sens de l'article 106 du code des marchés publics ; ce devis n'engage pas les parties car il n'est pas accompagné d'un bon de commande ainsi que le prévoit son article 7 ; en outre, les pénalités ne peuvent être appliquées dès lors que la créance n'était pas certaine, liquide et exigible ; en tout état de cause, les pénalités contractuelles pourront être modulées par le juge dès lors qu'elles sont manifestement excessives.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le décret n° 2006-304 du 3 mai 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Dagorne, pour la société Entreprise d'Assainissement et de Voirie.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 2 avril 1991, le préfet de l'Essonne a autorisé la constitution de l'association foncière urbaine autorisée " Les Tuileries " (AFUAT) ayant pour objet, en application de l'article L. 322-2 du code de l'urbanisme, le remembrement des parcelles des associés ainsi que la réalisation de travaux d'équipement et d'aménagement nécessaires à l'urbanisation des terrains concernés. Le plan de remembrement ayant imposé aux propriétaires de l'AFUAT la création d'un bassin de rétention des eaux d'orage et sa cession à compter du 21 septembre 2013 à la commune de Ballainvilliers, l'AFUAT a chargé le cabinet Egis de dresser un état de l'ouvrage lequel a été jugé non conforme. Sur le fondement de devis signés les 5 novembre 2012 et 9 avril 2013, l'AFUAT a confié à la société entreprise d'assainissement et de voirie (EAV), déjà en charge de l'entretien d'une partie de l'ouvrage, des travaux de pompage et de nettoyage du bassin de rétention des eaux d'orage, qui ont été réalisés entre le 8 et le 23 avril 2013. A l'issue de ces travaux, la société EAV a adressé le 24 avril 2013 à l'AFUAT une facture s'élevant à la somme de 62 610,60 euros, que l'AFUAT n'a réglée que partiellement en versant la somme de 47 190,81 euros. Par une ordonnance du président du tribunal administratif de Versailles du 9 juillet 2013, un expert a été désigné, à la demande de l'AFUAT, afin de décrire l'état de l'ouvrage et de rechercher les causes des désordres l'affectant. Après dépôt du rapport de l'expert le 7 mars 2014, le président du tribunal a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 20 920, 40 euros TTC et les a mis à la charge de l'AFUAT. Le 30 juillet 2014, la société EAV a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'AFUAT à lui verser la somme de 15 419,79 euros TTC au titre des deux devis du 5 novembre 2012 et du 9 avril 2013 et la somme de 743,37 euros au titre d'une facture du 21 juillet 2014, correspondant à des travaux de pompage et de nettoyage du bassin de rétention des eaux d'orage, outre une pénalité de 20 % par an en application des conditions générales de vente. Elle relève appel du jugement du 5 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et a mis à sa charge la moitié des honoraires et frais de l'expertise. L'AFUAT conclut au rejet de la requête et demande, comme en première instance, la condamnation de la société EAV à lui verser la somme de 6 322,48 euros TTC au titre d'un trop perçu de rémunération.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent (...) les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ". Aux termes de l'article R. 621-13 du même code : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal (...) en fixe les frais et honoraires par une ordonnance (...). Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires./ Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance ".

3. Il résulte de l'instruction que l'expertise sollicitée en référé par l'AFUAT avait pour objet de déterminer l'état du bassin de rétention ainsi que l'étendue des désordres susceptibles d'affecter sa solidité ou de le rendre impropre à sa destination afin, le cas échéant, d'engager la responsabilité décennale de ses constructeurs et exploitants. Elle avait donc un objet différent de celui de l'instance introduite par la société EAV tendant à obtenir le paiement par l'AFUAT des prestations de désembouage et de nettoyage du bassin de rétention réalisées sur le fondement des devis du 5 novembre 2012 et du 9 avril 2013 et n'est pas utile à la solution de ce litige. Dès lors, en mettant à la charge de la société EAV la moitié des frais et honoraires d'expertise supportés par l'AFUAT, alors que ces frais ne constituaient pas des dépens de l'instance dont il était saisi, le tribunal administratif a méconnu son office et entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens d'irrégularité invoqués à l'encontre du jugement attaqué, la société EAV est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a mis à sa charge la somme de 10 460,20 euros au titre des frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés le 9 juillet 2013 et à demander l'annulation du jugement attaqué dans cette mesure.

Au fond :

En ce qui concerne la demande de paiement de la somme de 15 419,79 euros TTC :

S'agissant du prix des travaux facturés :

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société EAV a adressé un premier devis référencé EAV/35/12/1524 signé le 5 novembre 2012 par l'AFUAT qui avait pour objet de procéder à un désembouage du système de relevage. L'opération devait se réaliser en deux phases, à savoir une phase 1 consistant en une vidange du bassin à l'aide d'un matériel de type motopompe permettant d'aspirer 350 m3 d'eau par heure et une phase 2 portant sur le pompage partiel des boues à l'intérieur du bassin situées en périphérie des pompes de relevage. La société EAV prévoyait, à l'article 3.1.2 de ce devis, que les travaux non compris dans ce premier devis feraient l'objet d'un devis complémentaire. Il résulte également de l'instruction que la société EAV a adressé un deuxième devis référencé EAV/35/13/0189 du 9 avril 2013 qui avait pour objet le pompage des boues à l'intérieur du bassin, leur évacuation vers les centres de prétraitement et le nettoyage haute pression du fond du bassin en fin de chantier. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'AFUAT, le devis du 9 avril 2013 n'a pas eu pour objet d'annuler le premier devis du 5 novembre 2012 en révisant à la baisse les prix qui y étaient inclus mais constituait un devis complémentaire, distinct de celui établi le 5 novembre 2012 et portant sur de nouvelles prestations réalisées selon des modalités différentes. La société EAV est donc fondée à solliciter le paiement des travaux réalisés en se prévalant non seulement du devis du 5 novembre 2012 mais aussi de celui du 9 avril 2013.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 17 du code des marchés publics dans sa version alors en vigueur, applicable au devis du 9 avril 2013 en application de l'article 62 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et de l'article 44 du décret du 3 mai 2006 portant application de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004, les prix des prestations faisant l'objet d'un marché prennent la forme soit de prix unitaires appliqués aux quantités réellement livrées ou exécutées, soit de prix forfaitaires appliqués à tout ou partie du marché, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées. Il résulte du devis du 9 avril 2013 que la société EAV avait prévu un prix forfaitaire à la journée pour la main d'œuvre et les véhicules et des prix unitaires pour l'enlèvement des boues et le traitement des déchets par les centres agréés soit 90 euros par tonne. Le devis contenait une simple estimation du temps du chantier à " minimum six jours " et rappelait que la facturation finale des déchets serait effectuée sur présentation des bons de pesée. La facture finale adressée par la société EAV à l'AFUAT le 24 avril 2013 prévoit d'ailleurs, conformément au devis du 9 avril 2013, que le prix dû au titre de la main d'œuvre s'élève à la somme de 30 750 euros correspondant à la multiplication du forfait journalier de 1 500 euros prévu pour la main d'œuvre et le matériel par le nombre de jours travaillés (20,5) et que le prix dû au titre du traitement des déchets s'élève à la somme totale de 21 600 euros correspondant à la multiplication du prix unitaire de traitement des déchets de 90 euros par le volume de boues prélevées (240 tonnes). Ainsi, les prestations réalisées par la société EAV ont été facturées sur la base des quantités effectivement prélevées et non sur la base de prix forfaitaires appliqués indépendamment des quantités prélevées. Par suite, contrairement à ce que soutient l'AFUAT, le devis du 9 avril 2013 ne constituait pas un marché à prix forfaitaire mais comportait seulement une estimation du prix global de la prestation, celui-ci ne pouvant être fixé de manière définitive que sur la base des quantités de boues effectivement enlevées.

6. D'autre part, le contrat d'entretien signé en juin 2004 avec l'AFUAT, renouvelé le 9 septembre 2010, avait pour objet l'entretien des pompes de relevage et du séparateur d'hydrocarbures situés dans le bassin de rétention des eaux d'orage. Comme le rappelle le rapport d'expertise, les pompes de relevage n'avaient pas vocation à supprimer les boues mais seulement à éliminer l'eau du bassin. Ainsi, ce contrat d'entretien ne constituait pas un contrat de maintenance de l'ensemble du bassin de rétention. Il s'ensuit que les devis du 5 novembre 2012 et du 9 avril 2013 relatifs à la vidange du bassin, à l'enlèvement des boues et à son nettoyage portaient sur des prestations nouvelles confiées à la société EAV qui n'étaient pas incluses dans le contrat d'entretien. Il suit de là que l'AFUAT n'est pas fondée à soutenir que ces prestations supplémentaires n'étaient pas susceptibles d'être indemnisées.

S'agissant des pièces justificatives des prestations facturées par la société EAV :

7. Alors que la société EAV a émis le 24 avril 2013 une facture d'un montant de 62 610,60 euros TTC, il résulte de l'instruction que l'AFUAT a réglé, par un mandat de paiement du 20 septembre 2013, la seule somme de 47 190,81 euros TTC. La société requérante soutient qu'en conséquence, l'AFUAT doit encore lui régler le solde de sa facture qui s'élève à la somme de 15 419,79 euros TTC.

8. En ce qui concerne le montant dû au titre des journées travaillées dont le tarif journalier était fixé à 1 500 euros HT pour deux véhicules et à 3 000 euros HT pour quatre techniciens, si la société EAV produit les fiches d'intervention pour les journées des 10, 11, 12, 15, 16, 17, 18, 19, 22 et 23 avril 2013, ces fiches, qui sont illisibles et modifiées à la main, ne permettent pas de justifier du nombre de camions et du nombre de chauffeurs intervenant quotidiennement sur le chantier. Il s'ensuit que la société EAV n'établit pas, en l'état des pièces produites, avoir travaillé dix-neuf journées et trois demi-journées justifiant le paiement de la somme supplémentaire de 9 050 euros en plus de celle de 21 700 euros qui lui a déjà été réglée par l'AFUAT au titre du forfait journalier.

9. En ce qui concerne le volume de déchets enlevés, l'AFUAT n'a procédé au paiement que de la somme de 12 470,86 euros HT correspondant aux 138,565 tonnes traitées par la station de traitement d'Evry sur la base des bons de pesée que celle-ci a établis. L'AFUAT a en revanche refusé de payer les déchets enlevés et traités par la société Ecopur, estimant que les bons de pesée établis par cette société ne permettaient pas d'établir de manière certaine que les déchets sableux qui avaient été livrés auraient été effectivement traités par la société Ecopur. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment de la plaquette de présentation de la société Ecopur ainsi que de l'attestation établie par cette société le 24 août 2020 que l'ensemble des déchets sableux issus des ouvrages d'assainissement ont été traités par la société Ecopur selon le process " Ecosable " qui permet de faire subir aux déchets " différents traitements physico-chimiques et biologiques afin de les dépolluer et d'obtenir un sous-produit inerte et valorisable ". Ainsi, contrairement à ce que prétend l'AFUAT, les 84,92 tonnes de déchets pris en charge par la société Ecopur ont été traités et doivent donc être payés, au prix unitaire de 90 euros, à la société EAV. Il résulte de ce qui précède que l'AFUAT, qui avait déjà réglé la somme de 34 170,85 euros, devait en outre régler à la société requérante la somme de 7 641,80 HT au titre des boues traitées par la société Ecopur, soit la somme totale de 41 813,65 euros HT ou 50 009,12 euros TTC. Ayant réglé en cours d'instance devant le tribunal la somme de 47 190,81 euros TTC, l'AFUAT est encore redevable à la société requérante de la somme de 2 818,31 euros TTC. La société requérante est donc fondée à demander le paiement de cette somme, laquelle portera intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2013, date de réception de la mise en demeure du 5 juillet 2013. L'appel incident présenté par l'AFUAT ne pourra qu'être rejeté par voie de conséquence.

En ce qui concerne la demande de paiement de la somme de 743,37 euros TTC :

10. La société EAV demande le paiement de la somme de 743,37 euros TTC correspondant à l'entretien électromécanique du poste de relevage sur la base d'une facture établie le 7 mai 2014 et se référant au contrat du 9 septembre 2010. Si, pour justifier son intervention, la société EAV produit un document intitulé " ordre de travail ", quasiment illisible, en date du 21 mai 2014, il résulte toutefois de l'instruction et, en particulier, du courrier du président de l'AFUAT du 14 juin 2013 que le contrat d'entretien du bassin de rétention a pris fin le 23 septembre 2013. La société EAV ne justifie pas avoir effectivement réalisé les prestations d'entretien électromécanique du poste de relevage en mai 2014 après l'expiration de son contrat. Par suite, elle n'est pas fondée à demander le paiement de la somme de 743,37 euros TTC à ce titre.

En ce qui concerne l'application des pénalités de retard de paiement :

11. Aux termes de l'article E des conditions générales de vente, dont l'AFUAT avait reconnu avoir pris connaissance et les accepter sans réserve ni restriction aux termes des articles 10 des devis du 5 novembre 2012 et du 9 avril 2013 : " 1. Nos prestations sont payables au comptant à réception de facture (...). / 5. Conformément à l'article L. 441-6 du code de commerce, des pénalités de retard sont dues à défaut de règlement le jour suivant la date de paiement qui figure sur la facture. Le taux de ces pénalités est de 20 % par an ". Aux termes de l'article F de ces conditions : " 1. Les réclamations éventuelles doivent nous parvenir, par lettre recommandée, au plus tard dix jours après la fin des travaux. (...) 2. Passé ce délai, le client ne pourra pas refuser ou différer le règlement de sa facture pour quelque cause que ce soit. Le non-respect de cette clause entrainera de plein droit mise en demeure et fera courir l'article E-5 de nos conditions générales de vente ".

12. En premier lieu, la circonstance que le devis du 5 novembre 2012 n'ait pas été notifié dans les conditions prévues à l'article 81 du code des marchés publics et n'ait pas été assorti du bon de commandes prévu à son article 7 est sans incidence sur la créance réclamée par la société EAV, ces formalités n'ayant d'incidence que sur les délais d'exécution des prestations qui ne sont pas en cause dans le présent litige.

13. En second lieu, si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté.

14. En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'échéance de paiement de la facture du 24 avril 2013 avait été fixée au plus tard au 31 mai 2013. Ainsi, les pénalités de retard de 20 % étaient dues à compter du 1er juin 2013. Toutefois, l'AFUAT a versé la somme de 47 190,81 euros TTC à la société EAV dès le 20 septembre 2013, de sorte que le retard de paiement de l'AFUAT représente cent douze jours, ce qui correspond à une pénalité d'un montant de 2 896,09 euros. S'agissant de la somme de 2 818,31 euros TTC visée au point 9 du présent arrêt, la société EAV en a demandé le règlement le 8 juillet 2013, de sorte qu'une pénalité d'un montant de 5 072,99 euros doit être mise à la charge de l'AFUAT, correspondant à l'application d'une pénalité de 20 % pour les neuf années où elle n'a pas été réglée. Les pénalités atteignant ainsi un montant total de 7 969,08 euros, l'AFUAT n'est pas fondée à demander leur modulation dès lors que ce montant n'est pas manifestement excessif par rapport au montant total du marché, n'en représentant que 15,93 %.

15. Il résulte de ce qui précède que la société EAV est fondée à demander la condamnation de l'AFUAT à lui verser la somme de 7 969,08 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 août 2014, date de réception de sa mise en demeure.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

16. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la société EAV tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont, en tout état de cause, privées d'objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société EAV, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'AFUAT sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AFUAT le paiement à la société EAV de la somme de 2 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement n° 1406043 du tribunal administratif de Versailles du 5 mars 2018 sont annulés.

Article 2 : L'association foncière urbaine autorisée " Les Tuileries " (AFUAT) est condamnée à verser à la société EAV la somme de 2 818,31 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 8 juillet 2013 et la somme de 7 969,08 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 20 août 2014.

Article 3 : L'AFUAT versera la somme de 2 000 euros à la société EAV sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société EAV est rejeté.

Article 5 : Les conclusions d'appel incident de l'AFUAT sont rejetées.

Article 6 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la société EAV tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1406043 du tribunal administratif de Versailles du 5 mars 2018.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société entreprise d'assainissement et de voirie et à l'association foncière urbaine agrée " Les Tuileries ".

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

La rapporteure,

M. B... La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 18VE01557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01557
Date de la décision : 15/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : VERSIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-12-15;18ve01557 ?
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