Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande du 9 janvier 2017, de condamner la commune de Boulogne-Billancourt à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de faits de harcèlement et de mettre à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1702686 du 2 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2019 au tribunal administratif de Versailles, M. B..., représentée par Me Jessel, avocat, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de condamner la commune de Boulogne Billancourt à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont il aurait été victime ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a été victime de harcèlement moral ; il justifie d'un faisceau d'indices d'un tel harcèlement ; il a été procédé à son changement d'affectation en dépit de vœux contraires en étant privé d'un vestiaire pour entreposer ses affaires pendant 3 semaines, ce qui a nécessité qu'il les stocke dans un sac poubelle, sans que la commune ne justifie des efforts entrepris ; ses demandes de congés ont été refusées sans justification, aboutissant à des pertes de jours de RTT, sans prise en compte de sa situation familiale et personnelle particulière et en méconnaissance des règles instituées par la commune elle-même ; une retenue injustifiée d'un montant de 1 203, 32 euros a été opérée sur son traitement du mois d'août 2014 pour une période de service non fait du 12 au 31 août 2014, alors qu'il a repris son service le 11 août et que ses congés ont été appliqués à partir du 13 août ; deux sommes de 941,70 et 717,60 euros ont été retenues en février 2017 et ce alors qu'il est en congés de longue durée et doit bénéficier d'un plein traitement ; son supérieur hiérarchique a contrôlé insidieusement sa présence à son poste de travail alors qu'il respectait scrupuleusement les modalités d'exercice de ses fonctions après une demande de gérer exceptionnellement 3 sites ; la médaille de service pour 30 années d'ancienneté lui a été refusée à tort alors qu'il a l'ancienneté de service requise ; il a subi en septembre 2004 puis en mars 2017 un retrait injustifié de 445 euros sur son traitement ; une promotion au grade d'agent de maîtrise lui a été indument refusée ; le paiement d'heures supplémentaires non récupérées lui a été refusé et il convient d'enjoindre à la commune de produire le planning de travail ; les conditions dans lesquelles il a été convoqué systématiquement à des contre-visites médicales présentent un caractère vexatoire ; de nombreux témoignages de ses collègues attestent d'un dysfonctionnement de son service avec des comportements inadaptés constituant un harcèlement moral par ses supérieurs, sans réaction de la mairie, ayant entraîné une altération de sa santé mentale ; il n'a obtenu aucune réponse à sa demande de protection fonctionnelle ; le régime de congé maladie longue durée a été suspendu autoritairement en cours de procédure, en suspendant une partie de son salaire, ce qui est illégal ; le tribunal a examiné chacun de ces faits individuellement sans les relier alors qu'il relèvent tous d'une entreprise de sape générale orchestrée par la commune ;
- ces faits de harcèlement moral ont entrainé une dégradation de ses conditions de travail et de son état mental, en raison d'arrêts de travail quasiment continus depuis le 12 janvier 2015, lui causant un préjudice estimé à 30 000 euros ; l'accident d'avion de sa mère n'est pas la cause de son état ; les services de la mairie sont restés impassibles ;
Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2020, la commune de Boulogne-Billancourt, représentée par Me Carrère, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé et qu'il n'est pas justifié d'un préjudice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,
- et les observations de Me Langlet pour la commune de Boulogne-Billancourt.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a été recruté le 1er juillet 1983 par la commune de Boulogne Billancourt et titularisé dans le grade d'adjoint technique territorial le 2 juin 1991. Il a été affecté au service des installations sportives au sein de la direction des sports. Il a déclaré un accident de service le 13 janvier 2015, dont l'imputabilité au service n'a pas été reconnue par la commune. Il a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la condamnation de la commune à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant d'une situation de harcèlement moral. Par un jugement du 2 juillet 2019, dont il relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Aux termes de l'article 11 de la même loi, dans sa rédaction applicable au litige : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...). ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Celle-ci a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis.
3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. En premier lieu, si M. B... soutient que son affectation au gymnase " Maître Jacques " au mois de septembre 2014 lui a été imposée et a entraîné un allongement important de son temps de trajet, et qu'il n'a en outre pas disposé de vestiaire pendant trois semaines, il ne résulte pas de l'instruction que ce changement d'affectation, qui n'a pas été contesté par M. B... qui indique lui-même qu'il ne l'a pas refusé par principe, serait étranger à des nécessités de service, ni qu'il serait à l'origine d'un allongement important du temps de transport de M. B.... Il résulte en outre de l'instruction que le supérieur hiérarchique de M. B... a bien pris en compte la demande de vestiaire de l'intéressé et a accompli les démarches nécessaires à la mise à disposition de cet équipement, et que, si M. B... indique qu'il a stocké dans l'attente ses affaires dans un sac poubelle, cette situation ne paraît pas résulter d'une initiative de la commune. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le seul fait d'avoir procédé à ce changement d'affectation et de ne pas avoir mis immédiatement à sa disposition de vestiaire serait constitutif d'une pression exercée par l'autorité hiérarchique dans un contexte de harcèlement moral.
5. En deuxième lieu, si M. B... soutient avoir fait l'objet, à plusieurs reprises, de refus injustifiés de jours de congés ayant entraîné une perte de jours de récupération de temps de travail, et que ce refus procède d'un refus de prise en compte de la spécificité de sa situation personnelle, tenant aux attaches familiales et affectives dont il dispose sur l'ile de la Martinique et à la nécessité de régler la succession de sa mère, l'intéressé ne conteste pas que les décisions qui lui ont été opposées procèdent de l'application de la procédure mise en place en matière de congés au sein de la commune. Il ne conteste pas non plus que son chef de secteur n'était pas compétent pour valider ne serait-ce que verbalement ses dates de congés, à supposer même qu'il l'ait fait. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif en faisant état du courriel daté du 28 janvier 2013, que la commune n'aurait pas voulu tenir compte de la situation personnelle de l'intéressé. Enfin, en critiquant les règles générales fixées par la commune pour la pose de congés, M. B... ne justifie pas qu'il aurait fait l'objet de pression relevant d'une situation de harcèlement moral.
6. En troisième lieu, si M. B... soutient avoir fait l'objet de retenues sur traitement injustifiés d'un montant de 1 203,32 euros en 2014, puis de 941,7 euros et 717,60 euros au mois de février 2017, il ne conteste pas l'absence de service fait opposée entre le 12 et le 29 août 2014 en se prévalant d'une reprise de service le 11 août 2014 et n'apparaît pas non plus fondé, s'agissant des retenues opérées en 2017, à se prévaloir des dispositions de l'article 34 de la loi 84-16 du 11 janvier 1984, lesquelles ne prévoient le maintien d'un plein traitement que sur une durée d'un an en l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, ce qui fut le cas de celui déclaré le 13 janvier 2015. Il n'est pas fondé non plus, eu égard à ce qui précède, à soutenir que le congé maladie de longue durée dont il bénéficiait aurait été arbitrairement suspendu. S'il fait état, par ailleurs, de la retenue des sommes de 445 et 445,65 euros en septembre 2004 et février 2017, il n'expose aucune critique à l'égard de la seconde et ne justifie pas, s'agissant de la première, d'un accord intervenu avec son supérieur pour déposer une journée de RTT afin de couvrir une journée d'absence en se bornant à produire un courrier qu'il a adressé à son directeur. Ces retenues ne peuvent donc pas être regardées comme relevant d'une stratégie de harcèlement permanente.
7. En quatrième lieu, c'est sans dénaturation des faits que le tribunal administratif a jugé que les reproches qui ont été adressés par M. C... à M. B... au sujet de son absence à son poste de travail le 19 juillet 2010 à 21 heures, alors que M. B... indique qu'il était présent sur un autre site à la demande de sa hiérarchie, ainsi que le 9 septembre 2014, n'étaient pas susceptibles, eu égard à l'espacement entre ces deux faits et à la teneur des courriers adressés, de faire présumer l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral. M. B... ne justifie pas en outre qu'il n'aurait pas été dûment informé de ses horaires de travail. En tout état de cause, l'exercice d'un contrôle de la présence d'un agent à son poste de travail ne saurait être regardée, par lui-même, comme révélateur d'une situation de harcèlement, pas plus que la mise en place d'un système de travail en alternance qui s'applique à l'ensemble des agents de la collectivité.
8. En cinquième lieu, si M. B... soutient que l'attribution de la médaille du travail à l'échelon vermeil, à raison de ses trente années de service au sein de la commune, lui aurait été refusée afin de le déstabiliser, cette circonstance ne ressort pas des pièces qu'il apporte et tant la circonstance qu'il a bénéficié de la même médaille, d'échelon inférieur, en 2003, que l'absence de démarche de la commune pour obtenir la validation de ses années de service comme contractuel auprès de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, ne sont suffisantes, en elles-mêmes, pour faire présumer des faits constitutifs de harcèlement moral. Il ne résulte pas de l'instruction, par ailleurs, que des agents placés dans la même situation que celle de M. B... auraient reçu la même médaille.
9. En sixième lieu, la circonstance que la commune de Boulogne-Billancourt n'a pas répondu à la demande de promotion au grade d'agent de maîtrise adressée par M. B... ne saurait à elle seule caractériser une volonté de déstabilisation et de harcèlement de l'intéressé, la promotion au grade supérieur ne constituant pas un droit pour les agents, quand bien même ils remplissent les conditions légales pour l'obtenir. Aucun élément figurant au dossier n'indique par ailleurs que d'autres agents placés dans une situation comparable à celle de M. B... auraient bénéficié de cette promotion.
10. En septième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Boulogne-Billancourt aurait indument refusé à M. B... le paiement de quarante heures supplémentaires qui n'auraient pas été récupérées, l'existence de ces heures et leur absence de récupération n'étant pas établies, y compris en appel, par les pièces apportées par les parties.
11. En huitième lieu, si M. B... soutient que la tardiveté de la convocation à des contre-visite médicales présente un caractère vexatoire, ces convocations, pour regrettable que soit leur tardiveté, ne lui ont pas été adressées par la commune mais par la société DS Service, mandatée par la commune pour y procéder, et ne sauraient faire présumer une situation de harcèlement moral par l'employeur de M. B....
12. Enfin, si M. B... se prévaut des multiples attestations établies par des collègues et de l'absence d'octroi de la protection fonctionnelle, d'une part ces témoignages ne mentionnent aucun fait précis s'agissant de M. B... et font état pour certains d'une dégradation généralisée des relations des agents du service des sports avec la hiérarchie et, d'autre part, l'absence d'octroi de la protection fonctionnelle ne suffit pas à constituer un indice d'une situation de harcèlement.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et ainsi que l'a justement apprécié le tribunal administratif, que les faits évoqués par M. B..., pris isolément ou dans leur ensemble, s'ils révèlent une relation très dégradée entre le requérant et sa hiérarchie, ne suffisent pas à faire présumer une situation de harcèlement moral. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions indemnitaires, lesquelles sont exclusivement liées par le requérant à la situation de harcèlement moral dont il se prévaut.
Sur les frais d'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
15. Il y n'a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande formulée par la commune de Boulogne-Billancourt sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Boulogne-Billancourt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la commune de Boulogne-Billancourt.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini président,
M. Mauny, président assesseur,
Mme Villette, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2022.
Le rapporteur,
O. A...Le président,
P.-L. ALBERTINI
La greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 19VE03261002