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22/11/2022 | FRANCE | N°19VE00294

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 22 novembre 2022, 19VE00294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 1er février 2016 par lequel le maire de Maisons-Laffitte a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix jours ainsi que la décision du 4 février 2016 l'informant de son affectation en qualité de chargée de mission à compter du 7 mars 2016, de condamner la commune à lui verser la somme de 95 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de différentes fautes commises à son égard, d'en

joindre à la commune, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de lui pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 1er février 2016 par lequel le maire de Maisons-Laffitte a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix jours ainsi que la décision du 4 février 2016 l'informant de son affectation en qualité de chargée de mission à compter du 7 mars 2016, de condamner la commune à lui verser la somme de 95 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de différentes fautes commises à son égard, d'enjoindre à la commune, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de lui proposer un nouveau poste correspondant à son grade et à ses aptitudes dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de la commune de Maisons-Laffitte la somme totale de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601618-1602706-1602813 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de Maisons-Laffitte à verser à Mme A... la somme correspondant à la différence entre le traitement qu'elle aurait dû percevoir si elle avait bénéficié d'une nomination au grade de rédactrice principale de 2ème classe à compter du 7 mars 2016 et celui qu'elle a effectivement perçu ainsi qu'une somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, a mis à la charge de la commune de Maisons-Laffitte la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 janvier 2019 et 24 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Seingier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation et en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2016 ;

3°) d'annuler la décision du 4 février 2016 ;

4°) de condamner la commune de Maisons-Laffitte à lui verser la somme de 73 871 euros en réparation de ses préjudices ;

5°) d'enjoindre au maire de Maisons-Laffitte, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de lui proposer un poste correspondant au grade de rédactrice territoriale principale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Maisons-Laffitte la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle entend se désister de ses conclusions à fin d'injonction ;

en ce qui concerne l'arrêté du 1er février 2016 :

- la procédure suivie avant la saisine du conseil de discipline méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le principe d'impartialité ;

- la séance du conseil de discipline s'est déroulée en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- l'arrêté du 1er février 2016 est insuffisamment motivé ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont, pour partie, pas susceptibles d'être qualifiés de faute, pour le reste, pas établis ;

- en tout état de cause, la sanction qui lui a été infligée pour ces faits est disproportionnée ;

en ce qui concerne la décision du 4 février 2016 :

- elle prononce un changement d'affectation qui ne saurait être qualifié de mesure d'ordre intérieur dès lors qu'il modifie ses horaires de travail ; en outre, ce changement ne fait pas droit à sa demande ; par suite, les conclusions tendant à son annulation sont recevables ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute de consultation des instances paritaires ;

- elle est également entachée du vice de procédure tiré du défaut de communication préalable de son dossier administratif ; la circonstance qu'elle aurait consulté son dossier dans le cadre de la procédure disciplinaire, deux mois auparavant, ne saurait démontrer qu'elle a pu bénéficier de la même garantie ;

- cette décision traduit une discrimination ;

- elle constitue une sanction déguisée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

en ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

- l'illégalité de l'arrêté du 1er février 2016 et de la décision du 4 février 2016 constituent des fautes de nature à entraîner la responsabilité de la commune de Maisons-Laffitte ;

- le refus de lui accorder des congés en avril 2015 constitue une faute ;

- l'interruption de l'application du régime indemnitaire applicable aux agents de catégorie B de la commune constitue une faute ;

- les agissements de harcèlement moral dont elle a été victime avant le jugement du tribunal ainsi qu'après constituent une faute ;

- le refus opposé à sa demande de protection fonctionnelle constitue une faute ;

- le mauvais vouloir dont a fait preuve la commune de Maisons-Laffitte à son égard constitue une faute ;

- les fautes de la commune sont à l'origine d'un préjudice financier, constitué par la perte de la nouvelle bonification indiciaire, soit la somme de 486,15 euros, et par la diminution des primes perçues du mois de juillet au mois de novembre 2015, soit une perte d'un montant de 824,88 euros, puis par l'interruption du versement de ces primes, à l'origine d'une perte de 8 000 euros entre le mois de février 2016 et la fin de l'année 2017, puis par l'octroi d'un montant moindre au cours de l'année 2018, à l'origine d'une perte de 4 560 euros pour l'année ;

- ces fautes sont aussi à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence, dont le montant octroyé en première instance, qui ne couvre pas toutes les fautes invoquées, est insuffisant ; ce préjudice peut être évalué à la somme de 60 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juillet 2020 et 27 juin 2022, la commune de Maisons-Laffitte, représentée par la SELARL Goutal, Alibert et Associés, avocats, demande à la cour de rejeter la requête de Mme A... et de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les conclusions à fin d'injonction présentées à titre principal par Mme A... sont irrecevables ;

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2016 sont irrecevables, dès lors, d'une part, que Mme A... ne saurait se voir reconnaître un intérêt lui donnant qualité pour agir s'agissant d'une décision qui fait suite à sa demande de changement de service, d'autre part, que cette mesure constitue une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ;

- les moyens invoqués à l'encontre de l'arrêté du 1er février 2016 sont infondés ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués à l'encontre de la mesure du 4 février 2016 sont infondés ;

- aucun des éléments invoqués dans la requête d'appel n'est constitutif d'une faute de sa part ;

- en tout état de cause, la réalité du préjudice financier n'est pas démontrée ; il en va de même s'agissant du préjudice moral.

Les parties ont été informées, le 7 septembre 2022, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'indemnisation d'agissements de harcèlement moral subis postérieurement au jugement dont il est relevé appel, qui constituent des conclusions présentées pour la première fois en appel.

Mme A... a présenté des observations en réponse à ce courrier le 14 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Moulin-Zys, rapporteure publique,

- et les observations de Me Seingier, pour Mme A..., et de Me Degirmenci, pour la commune de Maisons-Laffitte.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., recrutée par la commune de Maisons-Laffitte en juin 2007, et ayant alors atteint le grade de rédactrice territoriale, a été nommée à compter du 7 octobre 2013 en qualité de directrice adjointe du service scolaire et de l'enfance. Elle a ensuite été nommée, au sein de ce service, en qualité de chargée de mission à compter du 1er juillet 2015. Le 24 novembre 2015, le maire a saisi le conseil de discipline du comportement de Mme A... afin de solliciter son avis sur la sanction d'exclusion de fonctions d'une durée de quinze jours qu'il envisageait de prendre à son encontre. Dans l'attente de l'issue de la procédure disciplinaire, Mme A... a été suspendue de ses fonctions à compter du 1er décembre 2015. Par un arrêté du 1er février 2016, le maire de Maisons-Laffitte a décidé d'infliger à Mme A... la sanction proposée par le conseil de discipline le 20 janvier 2016, consistant en une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix jours. Le 4 février 2016, le maire l'a en outre informée de sa nouvelle affectation en qualité de chargée de mission " constitution, animation et mise en œuvre des conseils de quartiers " au sein de la direction générale des services de la commune, à compter du 7 mars 2016. Par un courrier reçu le 17 mars 2016, Mme A... a demandé au maire de Maisons-Laffitte de l'indemniser des préjudices subis du fait de différentes fautes qu'elle estime avoir été commises dans la gestion de sa carrière, en particulier des agissements de harcèlement moral commis par sa supérieure hiérarchique.

2. Par un jugement n° 1601618-1602706-1602813 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions présentées par Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2016 et de la mesure du 4 février 2016. Il a estimé que l'absence d'avancement de l'intéressée au grade de rédactrice territoriale de 2ème classe ainsi que la décision de la suspendre de ses fonctions pendant la procédure disciplinaire constituaient une faute et a condamné la commune de Maisons-Laffitte à verser à Mme A... la somme correspondant à la différence entre le traitement qu'elle aurait dû percevoir si elle avait bénéficié d'une nomination au grade de rédactrice principale de 2ème classe à compter du 7 mars 2016 et celui qu'elle a effectivement perçu ainsi qu'une somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral, a mis à la charge de la commune de Maisons-Laffitte la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires.

3. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation et rejette le surplus de ses conclusions indemnitaires.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Dans son mémoire du 24 mai 2022, Mme A... a fait part à la cour de ce qu'elle avait quitté les effectifs de la commune de Maisons-Laffitte et accomplissait un détachement dans le cadre d'emploi des attachés de la commune de Nanterre. Elle a indiqué que, de ce fait, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Maisons-Laffitte de lui proposer un poste correspondant au grade de rédactrice territoriale principale étaient désormais dépourvues d'objet. Il y a donc lieu d'estimer que Mme A... a entendu se désister purement et simplement de ses conclusions à fin d'injonction. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté du 1er février 2016 :

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Pour décider de prononcer à l'égard de Mme A... la sanction de l'exclusion temporaire de fonction d'une durée de dix jours, le maire de Maisons-Laffitte s'est fondé, d'une part, sur la circonstance qu'elle n'effectuait pas correctement les tâches qui lui étaient confiées, d'autre part, sur les difficultés relationnelles rencontrées avec sa hiérarchie et ses subordonnés, à l'origine d'une dégradation de l'ambiance dans le service.

7. En premier lieu, le premier motif sur lequel est fondée la sanction infligée à Mme A... par l'arrêté du 1er février 2016, relatif aux difficultés rencontrées par l'intéressée à accomplir correctement ses missions, a trait à ses aptitudes professionnelles et ne saurait être regardé comme constitutif d'une faute disciplinaire.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... entretenait une relation particulièrement tendue avec sa supérieure hiérarchique, qu'elle ne répondait pas systématiquement aux demandes qui lui étaient adressées par cette dernière, remettait parfois en question la légitimité des tâches qui lui étaient confiées et qu'elle adoptait un ton régulièrement impertinent. Ainsi, le second motif sur lequel est fondé l'arrêté du 1er février 2016 est fondé sur des faits matériellement exacts et qui sont de nature à justifier une sanction.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le comportement de Mme A..., qui a régulièrement évolué au sein de la commune de Maisons-Laffitte depuis son recrutement en 2007, en exerçant diverses fonctions au travers desquelles son sérieux et son implication ont été relevés, n'a jamais fait l'objet de reproches avant son affectation au service des affaires scolaires, en octobre 2013. A compter de cette période, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que sa hiérarchie lui aurait adressé un avertissement quant au caractère inadapté de son comportement, vis-à-vis en particulier de la responsable de son service, dont les demandes étaient régulièrement formulées de manière abrupte. Ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce et à la nature des faits qui lui sont reprochés, en décidant de l'exclure pour une durée de dix jours, le maire de Maisons-Laffitte a pris une sanction disproportionnée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 1er février 2016. Il y a donc lieu de réformer le jugement du 26 novembre 2018 à cet égard et d'annuler l'arrêté attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens formulés par Mme A... à son encontre.

En ce qui concerne la mesure du 4 février 2016 :

S'agissant des fins de non-recevoir :

11. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.

12. Par un courrier du 4 février 2016, le maire de Maisons-Laffitte a informé Mme A..., affectée depuis le 1er juillet 2015 sur un poste de chargée de mission au sein du service des affaires scolaires, de sa nouvelle affectation en qualité de chargée de mission " constitution, animation et mise en œuvre des conseils de quartiers " au sein de la direction générale des services de la commune, à compter du 7 mars 2016. Ce courrier indique qu'à compter de cette date, il sera mis fin à l'indemnité d'exercice de missions des préfectures d'un montant mensuel de 124,33 euros qu'elle percevait. Il ressort en outre des bulletins de paie produits à la demande de la cour par Mme A... qu'elle a en effet perçu cette indemnité entre le mois de juillet et le mois de novembre 2015, soit jusqu'à la suspension de ses fonctions, malgré les termes de l'arrêté n° 2015-1112 du 29 juin 2015 du maire de Maisons-Laffitte prévoyant l'interruption de son régime indemnitaire suite à son précédent changement d'affectation au 1er juillet 2015. Ainsi, ce changement d'affectation, en ce qu'il emporte une réduction de sa rémunération, lui fait grief. Par suite, la commune de Maisons-Laffitte n'est pas fondée à soutenir que cette mesure constitue une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours.

13. Par ailleurs, dans la mesure où Mme A..., qui a certes demandé, le 1er décembre 2015, à être affectée dans un autre service sur un emploi correspondant à son grade, n'a pas sollicité son affectation sur le poste de chargée de mission " constitution, animation et mise en œuvre des conseils de quartiers ", la commune de Maisons-Laffitte n'est pas fondée à soutenir que l'intéressée ne justifierait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la mesure du 4 février 2016.

S'agissant de la légalité de cette mesure :

14. Aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires ".

15. Ainsi qu'il a été dit au point 12, le changement d'affectation décidé le 4 février 2016 a entraîné une perte financière pour Mme A..., qui a cessé de percevoir l'indemnité d'exercice de missions des préfectures de ce fait. Cette mesure doit donc être regardée comme une mutation comportant une modification de sa situation au sens des dispositions précitées. Or, il est constant que la commission administrative ne s'est pas prononcée sur ce changement d'affectation. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière et que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette mesure.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

Quant au caractère fautif de l'arrêté du 1er février 2016 et de la mesure du 4 février 2016 :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que la sanction infligée à Mme A... est disproportionnée et, par suite, fautive.

17. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le changement d'affectation intervenu à compter du 7 mars 2016 a été décidé afin de mettre fin aux difficultés relationnelles rencontrées entre Mme A... et sa supérieure hiérarchique et de pallier les difficultés de la première à mener à bien l'ensemble de ses missions. Il avait pour objet de confier à Mme A... des tâches qui correspondent à celles normalement dévolues à un rédacteur territorial, sans que ses responsabilités ne soient diminuées, dès lors que Mme A... n'exerçait déjà plus, depuis sa précédente affectation, de fonctions d'encadrement. Ainsi, ce changement d'affectation est justifié par l'intérêt du service. Par suite, si la décision du 4 février 2016 procédant à ce changement d'affectation est entachée d'un vice de procédure, cette illégalité n'est pas de nature à ouvrir à Mme A... un droit à une indemnité.

Quant au refus de congés annuels :

18. Aux termes de l'article 3 du décret du 26 novembre 1985 : " Le calendrier des congés définis aux articles 1er et 2 est fixé, par l'autorité territoriale, après consultation des fonctionnaires intéressés, compte tenu des fractionnements et échelonnements de congés que l'intérêt du service peut rendre nécessaires. / Les fonctionnaires chargés de famille bénéficient d'une priorité pour le choix des périodes de congés annuels. ".

19. Il résulte de l'instruction que Mme A..., en transmettant un planning prévisionnel à cet effet le 23 janvier 2015, avait fait part à sa supérieure hiérarchique de son souhait de prendre des journées de congés les 24, 29 et 30 avril 2015. Invitée à formuler une demande écrite spécifiquement pour cette période, elle a réitéré ces souhaits le 30 mars 2015. Cette demande a été rejetée au motif que sa supérieure hiérarchique était elle-même en congés à cette période et que l'intérêt du service s'opposait donc à ce qu'elle s'absente à la même période. Toutefois, alors en outre qu'il ne ressort nullement des pièces du dossier que la directrice du service aurait informé Mme A... de son souhait de prendre des congés du 20 au 30 avril 2015, il n'est pas allégué que la première aurait pu bénéficier d'une quelconque priorité pour le choix de ses congés, alors que Mme A... a quatre enfants à charge et que sa demande concernait les vacances scolaires. La seule circonstance, au demeurant non établie, que sa supérieure aurait manifesté son souhait avant elle ne saurait être de nature à faire échec à la priorité prévue par les dispositions précitées de l'article 3 du décret du 26 novembre 1985. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir qu'en rejetant sa demande de congés annuels au mois d'avril 2015, la commune de Maisons-Laffitte a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Quant au régime indemnitaire appliqué :

20. La délibération du conseil municipal de Maisons-Laffitte du 27 mars 2003 a institué au profit de ses agents de catégorie B une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires et une indemnité d'exercice de missions des préfectures, sans que ce bénéfice ne soit conditionné à l'exercice de certaines fonctions, notamment aux fonctions d'encadrement. Or, il est constant que Mme A... ne bénéficie plus de cette première indemnité depuis le 1er juillet 2015. Il ressort en outre des bulletins de paie de l'intéressée qu'elle ne perçoit plus la seconde depuis le mois de décembre 2015. Ainsi, l'interruption totale de l'attribution de ces indemnités, qui méconnaît les termes de la délibération précitée, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Maisons-Laffitte. En revanche, dans la mesure où il ne résulte pas de l'instruction que le changement d'affectation intervenu en juillet 2015, motivé par les difficultés professionnelles rencontrées par l'intéressée, n'ait pas été justifié, l'interruption de la NBI à compter du mois de juillet 2015, qui résulte de l'absence d'exercice de fonctions d'encadrement dans cette nouvelle affectation, ne peut être constitutive d'une faute.

Quant au harcèlement moral :

21. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

22. Tout d'abord, si Mme A... fait état de circonstances postérieures à la notification du jugement du tribunal administratif de Versailles du 26 novembre 2018, celles-ci sont relatives à un fait générateur distinct de celui pour lequel elle a demandé réparation à la commune de Maisons-Laffitte le 17 mars 2016. Dès lors, les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices qui résulteraient de ces agissements, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables.

23. En outre, Mme A... soutient qu'elle a fait l'objet d'une réduction brutale de ses attributions à compter du 1er juillet 2015, que ses demandes de congés ou de récupération ont été rejetées, que sa supérieure hiérarchique a multiplié les missions impossibles à réaliser et cessé de répondre à ses demandes, adopté un traitement discriminatoire vis-à-vis de sa famille, qu'une sanction injustifiée lui a été infligée après qu'elle a fait l'objet d'une suspension abusive, notifiée en outre de manière vexatoire et que l'ensemble de ces agissements humiliants ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

24. Il résulte de l'instruction que l'adaptation du poste de Mme A..., qui était jusqu'alors directrice adjointe du service scolaire et de l'enfance, a été décidée pour pallier les difficultés rencontrées par l'intéressée à assumer l'ensemble de ses missions et après qu'elle ait été reçue en entretien par le directeur général des services de la commune le 10 juin 2015, et que le poste de chargée de mission qui lui a été confié à compter du 1er juillet 2015 au sein du même service correspondait à son grade bien qu'il ne comporte plus de fonctions d'encadrement. Si Mme A... a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire qui paraît disproportionnée, et si la mesure de suspension décidée à son égard était excessive, il n'en demeure pas moins que son comportement vis-à-vis de sa supérieure hiérarchique sur lequel était en partie fondée cette sanction avait un caractère fautif. En outre, il ne résulte pas de l'instruction qu'hormis le cas des vacances d'avril 2015, Mme A... aurait été confrontée à des problèmes réguliers pour prendre ses congés ou récupérer ses heures supplémentaires. Par ailleurs, les courriers versés au dossier ne permettent pas de démontrer que sa famille aurait, en sa qualité d'administrée, fait l'objet d'un traitement discriminatoire de la part du service. Enfin, si sa supérieure hiérarchique, avec laquelle elle entretenait des relations tendues, a pu lui adresser des instructions de manière autoritaire, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait ainsi outrepassé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Ainsi, dans un contexte particulier de difficultés relationnelles et professionnelles, l'ensemble des faits allégués par Mme A... ne sauraient être regardés comme faisant présumer l'existence d'un harcèlement moral.

25. Par ailleurs, en l'absence d'existence de tels agissements, Mme A... ne saurait soutenir que le refus opposé à sa demande de protection fonctionnelle, qui résulterait d'un courrier en date du 7 juillet 2015, est fautif.

26. Enfin, si Mme A... soutient que la commune de Maisons-Laffitte a fait preuve d'un mauvais vouloir face aux dysfonctionnements qu'elle a signalés, en se prévalant notamment de la saisine du service de médecine préventive, il ne résulte pas de l'instruction que des préconisations particulières auraient été formulées par ce service.

Quant aux préjudices :

27. Il résulte de tout ce qui précède qu'en prenant à l'encontre de Mme A... une sanction disproportionnée et en refusant de lui accorder des congés annuels en avril 2015, la commune de Maisons-Laffitte a commis des fautes. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis de ce fait par Mme A... en les évaluant à la somme globale de 3 000 euros.

28. Par ailleurs, il ressort des bulletins de paie fournis par Mme A... que l'intéressée a cessé de percevoir une somme mensuelle de 35,03 euros bruts correspondant à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires à compter du mois de juillet 2015, que le montant mensuel de l'indemnité d'exercice de missions des préfectures qu'elle a perçu du mois de juillet au mois de novembre 2015 inclus s'élevait à la somme de 124,33 euros bruts, puis qu'elle n'a plus perçu d'indemnité de cet ordre à compter du mois de décembre 2015, et a recommencé à percevoir une indemnité d'un montant mensuel brut de l'ordre de 20 euros au cours de l'année 2018. En l'absence de toute justification apportée en défense, il ne résulte pas de l'instruction que les fonctions exercées par Mme A... à compter du mois de juillet 2015 auraient justifié l'octroi d'une somme moindre que celle qu'elle percevait jusqu'alors. Ainsi la perte de rémunération brute constituée par la différence entre la somme totale qu'elle aurait perçue si elle avait continué à percevoir les montants alloués avant le mois de juillet 2015 et celle perçue effectivement jusqu'en décembre 2018 s'élève à un montant de 14 342,56 euros bruts. Il y a donc lieu de renvoyer Mme A... devant la commune de Maisons-Laffitte pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit, qui correspond à la somme de 14 342,56 euros de laquelle sera déduit le montant des cotisations sociales afférentes.

29. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait du caractère fautif de la sanction du 1er février 2016, du refus de congés annuels et de la diminution de son régime indemnitaire. Il sera fait droit à sa demande à hauteur de 3 000 euros, l'intéressée étant par ailleurs renvoyée devant la commune de Maisons-Laffitte pour la liquidation de l'indemnité réparant son préjudice financier.

Sur les frais liés à l'instance :

30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Maisons-Laffitte la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme que la commune demande au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de Mme A... de ses conclusions à fin d'injonction.

Article 2 : L'arrêté du 1er février 2016 par lequel le maire de Maisons-Laffitte a prononcé l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de dix jours de Mme A... est annulé.

Article 3 : La décision du 4 février 2016 prononçant le changement d'affectation de Mme A... est annulée.

Article 4 : La commune de Maisons-Laffitte est condamnée à verser à Mme A... la somme de 3 000 euros en réparation de ses préjudices.

Article 5 : Mme A... est renvoyée devant la commune de Maisons-Laffitte pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit au titre de son préjudice financier.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : La commune de Maisons-Laffitte versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et de la commune de Maisons-Laffitte est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Maisons-Laffitte.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2022.

La rapporteure,

E. C...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

No 19VE00294002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00294
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: Mme MOULIN-ZYS
Avocat(s) : SEINGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-22;19ve00294 ?
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