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16/11/2022 | FRANCE | N°21VE01473

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 16 novembre 2022, 21VE01473


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schen

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pendant la durée de l'interdiction de retour et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2103040 du 23 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mai 2021, M. A..., représenté par Me Ledesert, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le juge de première instance, d'une part, a inexactement apprécié les faits de l'espèce au regard de sa situation familiale et, d'autre part, a commis une erreur de droit ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreurs de fait relatives à ses attaches familiales en France et en Mauritanie ;

- elle révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît son droit à être entendu, protégé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de sa destination est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses consequences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant mauritanien né le 1er janvier 1957 et entré en France selon ses déclarations le 25 août 2005, s'est vu refuser l'asile par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 27 octobre 2005, confirmée par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 septembre 2006. M. A... a par la suite effectué quatre demandes de réexamen qui ont toutes été rejetées par des décisions de l'OFPRA, confirmées par la CNDA. Par un arrêté du 11 février 2021, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la même durée. M. A... relève appel du jugement du 23 avril 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si le requérant soutient que le juge de première instance a inexactement apprécié les faits de l'espèce et commis une erreur de droit, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à affecter la régularité du jugement attaqué. Ils doivent, par suite, être écartés.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.

4. En l'espèce, il est constant que M. A... a présenté une première demande d'asile le 22 septembre 2005 qui a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 27 octobre 2005, confirmée par la CNDA le 29 septembre 2006. Par la suite, M. A... a déposé quatre demandes de réexamen de sa demande d'asile le 30 mai 2008, 15 octobre 2009, 6 mai 2011 et 21 mars 2018 qui ont toutes été rejetées par des décisions de l'OFPRA du 30 juin 2008, 26 novembre 2009, 24 mai 2011, 13 avril 2018, confirmées par la CNDA dans des décisions du 4 juin 2009, 21 janvier 2011, 19 janvier 2012 et 11 septembre 2018. Il lui appartenait, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, de fournir spontanément à l'administration, notamment à la suite des décisions de rejet de l'OFPRA et de la CNDA, tout élément utile relatif à sa situation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été empêché de présenter les éléments relatifs à sa situation de manière utile et effective. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu. Par suite, ce moyen doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que le préfet, qui s'est fondé sur les éléments de la situation personnelle et familiale de M. A... dont il avait connaissance, s'est livré à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant de l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... soutient qu'il est entré en France en 2005, afin de retrouver la totalité de sa famille qui y réside en situation régulière, et qu'il est dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, sa femme étant décédée. Toutefois, sa présence sur le territoire français depuis le 25 août 2005, soit depuis quinze ans à la date de l'arrêté en litige, ne suffit pas à elle seule à établir l'existence de liens familiaux intenses en France. Par ailleurs, M. A..., âgé de soixante-huit ans à la date de l'arrêté en litige, qui est veuf et qui indique être sans enfant, ne justifie pas de la nécessité de demeurer auprès des membres de sa famille résidant en France par la production d'attestations très générales établies par les intéressés. Il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale ou privée dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-huit ans. Par ailleurs, l'intéressé ne justifie pas d'une intégration professionnelle stable et ancienne pendant la période où il a sollicité le bénéfice du statut de réfugié. Enfin, il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet des Hauts-de-Seine le 5 mars 2018 qu'il n'a pas exécutée et s'est maintenu sur le territoire français, après le rejet définitif de sa dernière demande de réexamen de sa demande d'asile par la décision de la CNDA du 11 septembre 2018, sans chercher à régulariser sa situation administrative. Dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine a pu, sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commettre une erreur manifeste d'appréciation, l'obliger à quitter le territoire français dans le délai d'un mois.

8. Enfin, si la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur de fait en ce qu'elle mentionne que l'épouse de M. A... réside en Mauritanie alors qu'elle est décédée en 2009, il résulte toutefois de l'instruction que, pour les motifs énoncés au point 7, cette erreur de fait a été sans incidence sur la décision du préfet des Hauts-de-Seine de prendre la mesure d'éloignement en litige. Ce moyen doit, par conséquent, être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... a été rejetée le 27 octobre 2005 par l'OFPRA, décision confirmée par la CNDA le 18 octobre 2006 et que les quatre demandes de réexamen ont toutes été rejetées par des décisions de l'OFPRA, confirmées par des décisions de la CNDA le 4 juin 2009, 26 novembre 2009, 19 janvier 2012 et 11 septembre 2018. M. A... ne produit aucune pièce postérieure au rejet définitif de sa demande présentée au titre de l'asile de nature à établir les menaces qu'il allègue encourir de la part des autorités de son pays d'origine dont il n'aurait pas déjà fait part devant les autorités de l'asile. Dès lors, pour ces raisons et celles évoquées au point 7, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle du requérant doit être écarté.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2022.

La rapporteure,

M. B... La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

C. Yarde

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE01473 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE01473
Date de la décision : 16/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : LEDESERT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-11-16;21ve01473 ?
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