Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner solidairement la commune de la Norville et la société SMACL Assurances à mettre en œuvre les travaux de réparation de leur mur de soutènement du saut-de-loup, évalués à la somme de 63 637,20 euros TTC sous réserve de sa réactualisation au jour de la réalisation effective des travaux, ou, alternativement, de les condamner solidairement à leur verser la somme de 63 637,20 euros à parfaire en réparation des conséquences dommageables de l'effondrement du mur de soutènement ainsi que la somme de 1 287 euros en réparation des travaux de déplacement des bornes et des barres effondrées.
Par un jugement n° 1803555 du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement la commune de la Norville et son assureur, la société SMACL Assurances, à verser à M. A... et Mme E... la somme de 63 637,20 euros à titre d'indemnité en réparation du mur endommagé des requérants, si mieux n'aiment la commune et son assureur réaliser eux-mêmes les travaux dans un délai raisonnable, ainsi que la somme de 1 287 euros en remboursement des frais engagés pour la dépose des bornes en fonte effondrées et de leur main courante.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 7 mai 2020, le 14 avril 2021 et le 12 octobre 2022, la commune de la Norville et la SMACL Assurances, son assureur, représentées par Me Gorand, avocat, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... et Mme E... devant le tribunal administratif de Versailles ;
3°) de mettre à la charge de M. A... et Mme E... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les conclusions tendant à titre principal à ce qu'il soit enjoint à la commune exposante de réaliser les travaux de réparation du mur sont irrecevables, le régime applicable étant la responsabilité sans faute ;
- s'ils ont formulé, dans le dernier état de leurs écritures, des conclusions indemnitaires, ces conclusions étaient irrecevables dès lors que les requérants n'ont pas lié le contentieux avant de saisir le tribunal faute d'avoir adressé à la commune exposante une demande tendant au versement d'une somme d'argent qu'elle aurait rejetée, et dès lors que le contentieux n'a pas été lié en cours d'instance ;
- les requérants ne justifient pas d'un intérêt lésé dès lors qu'ils demandent réparation des conséquences dommageables de l'effondrement d'un mur de soutènement et de bornes ou de plots qui constituent des dépendances du domaine public communal ; le tribunal administratif a d'ailleurs considéré que le mur de soutènement était un ouvrage public ;
- les requérants n'établissent pas de manière suffisante la preuve d'un lien de causalité direct et certain entre l'effondrement du mur et l'état de la voirie publique ; il appartenait aux juges de première instance de diligenter une expertise complémentaire pour déterminer les causes de ces désordres ;
- ils ne justifient d'aucun préjudice financier personnel, faute de produire un titre de propriété sur le mur de soutènement et les plots qui le surplombent, de sorte qu'ils ne peuvent être indemnisés des frais de réparation d'un mur qui ne leur appartient pas et qui constitue un ouvrage public ; tout au plus peuvent-ils invoquer un préjudice de 1 287 euros TTC à raison des frais qu'ils indiquent avoir engagés pour la dépose des bornes en fonte ;
- la condamnation de la commune exposante et son assureur au paiement de la somme de 56 618 euros pour la réparation du mur de soutènement n'est pas justifiée ; le devis retenu par le tribunal administratif n'a pas été validé par l'expert ; le montant des réparations du mur doit être limité à la somme de 27 343,64 euros hors taxes, qui correspond au montant du devis qu'elle a fait établir dans le cadre du litige qui l'oppose à la société Bouygues Immobilier ;
- le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il ne retient pas l'appel en garantie formé par la commune de la Norville contre la société Bouygues Immobilier.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 décembre 2020 et le 19 octobre 2022, M. A... et Mme E..., représentés par Me Vilain, avocate, demandent à la cour:
1°) de rejeter la requête ;
2°) de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas assorti la condamnation à payer une indemnité de la réactualisation de son montant au jour de la réalisation effective des travaux ;
3°) d'écarter des débats le mémoire, et ses pièces jointes, produit par les requérantes le 12 octobre 2022 ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de la Norville et de la SMACL, ou de toute partie succombante, la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- ils ont présenté, dans le dernier état de leurs écritures, des conclusions indemnitaires à l'encontre de la commune et de son assureur et non plus seulement des conclusions à fin d'injonction à titre principal ;
- ils ont lié le contentieux en demandant, dans leurs courriers des 15 janvier 2022 et 22 mars 2022, la prise en charge financière des travaux de réparation de leur mur de soutènement ; en tout état de cause, la commune a lié le contentieux, n'ayant soulevé aucune fin de non-recevoir tirée de l'absence de liaison du contentieux dans son mémoire du 21 mai 2019 mais ayant conclu au fond ;
- ils n'étaient pas forclos dès lors que le délai de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative ou le délai raisonnable d'un an ne trouvent pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité de la personne publique ; en tout état de cause, le recours indemnitaire a été déposé moins de deux mois après la naissance de la décision implicite de rejet de leur réclamation préalable ;
- ils justifiaient d'un intérêt lésé dès lors qu'ils sont propriétaires du mur de soutènement et des bornes et plots installés sur ce mur, qui se sont effondrés ; en tout état de cause et à supposer que le mur soit regardé comme une dépendance du domaine public, ils justifient d'un intérêt lésé du seul fait de l'effondrement de ce mur de soutènement sur leur propriété ;
- l'effondrement du mur dans le saut-de-loup trouve son origine dans l'existence et le fonctionnement de la voirie communale ; l'expertise judiciaire a été réalisée au contradictoire de la commune sans que cette dernière ne sollicite des investigations complémentaires ;
- la circonstance que le dommage soit également imputable pour partie à la société Bouygues Immobilier n'est pas de nature à atténuer la responsabilité de la commune et de son assureur, le fait du tiers n'étant pas exonératoire ;
- l'effondrement du mur n'est pas dû à son mauvais entretien ou à sa vétusté dès lors qu'une partie du saut-de-loup a été refaite à neuf en 2006 le long de la propriété voisine ;
- ils justifient d'un préjudice financier personnel ;
- la réparation du mur de soutènement ne pouvait être réalisée sur la base des devis Eiffage Via Pontis et Barros TP du 13 décembre 2017 et 7 décembre 2017 dès lors qu'ils ne permettaient pas une réparation à l'identique du mur ; le devis de la société Dubocq permettait de retenir le prix moyen ; ils ne pouvaient prendre l'initiative de réaliser les travaux réparatoires compte tenu de la position de l'assureur, du montant des travaux à réaliser et de la nécessaire supervision des travaux par les services municipaux.
Par une ordonnance du 15 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2021 à 12h00.
Par un mémoire enregistré le 17 mai 2021, la société Bouygues Immobilier, représentée par Me Raoul, avocat, demande à la cour de la mettre hors de cause.
Elle soutient que :
- la commune ne forme aucune conclusion d'appel en garantie à son encontre ;
- le juge administratif ne serait pas compétent pour statuer sur ces conclusions ;
- elle s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Par un courrier du 20 septembre 2022, le magistrat rapporteur a invité, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la commune de la Norville ainsi que M. A... et Mme E... à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l'instruction.
Par un mémoire, enregistré le 5 octobre 2022, M. A... et Mme E..., représentés par Me Vilain, ont répondu à cette mesure d'instruction.
L'instruction a été rouverte par la communication, le 13 octobre 2022, du mémoire, enregistré le 12 octobre 2022, présenté pour la commune de la Norville et la SMACL Assurances.
La commune de la Norville et la SMACL ont produit un mémoire le 24 octobre 2022, soit après la clôture automatique de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,
- les observations de Me Akli, pour la commune de la Norville et la SMACL, et celles de Me Vilain, pour M. A... et Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme E... sont propriétaires indivis d'une propriété située 8 rue Pasteur à la Norville (Essonne). Cette propriété est séparée de la voirie communale par un saut-de-loup, constitué d'un talutage et d'un mur de soutènement sur lequel sont installées des bornes en maçonnerie reliées entre elles par une rampe. Le 25 septembre 2017, le saut-de-loup s'est effondré sur 24 mètres entraînant la chute de huit bornes dans le fossé. Désigné par une ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 8 avril 2015 dans le cadre d'un référé préventif destiné à dresser un état des lieux avant et après la réalisation de travaux par la société Bouygues Immobilier sur des parcelles situées en face de la propriété de M. A... et Mme E..., l'expert a estimé que ces désordres trouvaient leur origine, d'une part, dans la vétusté du saut-de-loup, d'autre part, dans les passages et le stationnement des véhicules de chantier sur le trottoir situé au droit du saut-de-loup, qui ont accéléré le phénomène de dégradation du mur de soutènement de la voie. Par un jugement du 9 mars 2020, le tribunal administratif de Versailles a condamné solidairement la commune de la Norville et son assureur, la SMACL Assurances, à verser à M. A... et Mme E..., d'une part, la somme de 63 637,20 euros TTC à titre d'indemnité en réparation du mur endommagé, si mieux n'aiment la commune et son assureur réaliser eux-mêmes les travaux dans un délai raisonnable, et, d'autre part, la somme de 1 287 euros en remboursement des frais engagés par les intéressés pour la dépose des bornes en fonte effondrées et de leur main courante. La commune de la Norville et la SMACL relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions des défendeurs tendant à ce que le mémoire des requérantes du 12 octobre 2022 soit écarté des débats :
2. La circonstance que le mémoire des requérantes du 12 octobre 2022 a été produit après la clôture initiale de l'instruction n'est pas de nature à rendre ce mémoire irrecevable dès lors que sa communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction. Il n'y a, dès lors, pas lieu de l'écarter des débats.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. En premier lieu, la commune de la Norville soutient que la demande de M. A... et Mme E... était irrecevable dès lors qu'ils avaient présenté à titre principal des conclusions à fin d'injonction. Toutefois, il ressort du dossier de première instance que si, dans leur demande enregistrée le 17 mai 2018, M. A... et Mme E... avaient initialement présenté une demande de réparation en nature en sollicitant du tribunal administratif la condamnation solidaire de la commune de la Norville et de son assureur " à mettre en œuvre les travaux réparatoires sur la base du devis Dubocq du 1er décembre 2017 d'un montant de 57 852 € HT ", ils ont, dans leur mémoire du 2 octobre 2019, demandé au tribunal, de manière alternative de condamner solidairement la commune et son assureur à leur verser la somme de 63 637,20 euros HT à parfaire, à titre de dommages et intérêts. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la demande présentée par M. A... et Mme E... était irrecevable au motif qu'elle comportait des conclusions à fin d'injonction à titre principal.
4. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. A... et Mme E... ont, par un premier courrier du 15 janvier 2018, distribué le 20 janvier 2018, demandé à la commune de la Norville de " réparer le dommage qu'[ils subissent] " en raison du fonctionnement de la voirie adjacente à leur mur et de " financer les réparations nécessaires ". Ils ont par ailleurs adressé à la commune de la Norville un second courrier le 22 mars 2018, notifié le 24 mars 2018, aux termes duquel ils lui ont demandé de " financer les travaux " de réparation du mur " au titre de sa responsabilité pour les dommages causés aux tiers par un ouvrage public ". Par un courrier du même jour, notifié le 24 mars 2018, M. A... et Mme E... ont également transmis à la SMACL Assurances, en sa qualité d'assureur, la demande indemnitaire préalable adressée à la commune de la Norville. M. A... et Mme E... ont donc bien saisi la commune de la Norville et son assureur, la SMACL, d'une réclamation indemnitaire préalable avant de saisir le tribunal administratif. Par suite, la commune de la Norville et son assureur ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal administratif aurait dû rejeter la demande comme irrecevable au motif que le contentieux n'était pas lié.
Sur la responsabilité de la commune de la Norville :
5. La circonstance qu'un ouvrage n'appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu'il soit regardé comme une dépendance d'un ouvrage public s'il présente, avec ce dernier, un lien physique ou fonctionnel tel qu'il doive être regardé comme un accessoire indispensable de l'ouvrage. Si tel est le cas, la collectivité propriétaire de l'ouvrage public est responsable des conséquences dommageables causées par cet élément de l'ouvrage public.
6. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le mur du saut-de-loup soutient l'ouvrage public constitué par la voie communale qui passe en surplomb et constitue, par suite, un accessoire indispensable de cet ouvrage. Ainsi, à supposer même qu'il serait implanté sur un terrain privé appartenant à M. A... et Mme E..., ce mur de soutènement revêt le caractère d'une dépendance d'un ouvrage public. Il suit de là que M. A... et Mme E... sont sans qualité pour demander à être indemnisés du coût de réparation du mur litigieux qui est un ouvrage public de la commune. Les requérantes sont donc fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles les a condamnées à indemniser M. A... et Mme E... des frais de réparation de ce mur, si mieux n'aiment réparer elles-mêmes le mur endommagé. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, l'appel incident présenté par M. A... et Mme E... tendant à l'actualisation du montant de l'indemnité qui leur avait été allouée à ce titre.
7. En revanche, M. A... et Mme E... sont fondés, comme l'admettent d'ailleurs la commune de la Norville et la SMACL dans le dernier état de leurs écritures, à demander la condamnation de la commune de la Norville à leur verser une indemnité correspondant aux frais qu'ils ont exposés pour la dépose des plots et bornes en fonte tombés dans le saut-de-loup à la suite de l'effondrement du mur. Il résulte du devis établi par la société Marco Bat le 21 mai 2019 que ces frais doivent être évalués à la somme de 1 287 euros TTC.
Sur les conclusions d'appel en garantie de la commune de la Norville contre la société Bouygues Immobilier :
8. En admettant que, par leur mémoire enregistré le 12 octobre 2022, la commune de la Norville et la SMACL Assurances aient entendu reprendre leurs conclusions d'appel en garantie de la société Bouygues Immobilier, elles ne contestent aucunement le motif de rejet opposé par le tribunal administratif et tenant à l'incompétence du juge administratif pour en connaître. Il y a lieu de rejeter ces conclusions par adoption du motif retenu par les juges de première instance, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de la Norville et la SMACL sont seulement fondées à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il les a condamnées à verser à M. A... et Mme E... la somme de 63 637, 20 euros en réparation des travaux de reconstruction du mur de soutènement endommagé, si mieux n'aiment les intéressées réaliser elles-mêmes les travaux de réfection du mur.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1803555 du tribunal administratif de Versailles du 9 mars 2020 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... et de Mme E... tendant à la condamnation de la commune de La Norville et de la SMACL à leur verser la somme de 63 637,20 euros, si mieux n'aiment les intéressées réaliser elles-mêmes les travaux de reconstruction du mur endommagé, sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de la Norville et de la SMACL est rejeté.
Article 4 : Les conclusions d'appel de M. A... et Mme E... sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Norville, la SMACL, à M. D... A..., à Mme C... E... et à la société Bouygues Immobilier.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,
M. Camenen, président-assesseur,
Mme Janicot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2022.
La rapporteure,
M. B... La présidente,
C. Signerin-Icre La greffière,
C. Yarde
La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 20VE01235 2