La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2022 | FRANCE | N°21VE02420

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 octobre 2022, 21VE02420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 par lequel le préfet du Loiret a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui d

élivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 23 août 2019 par lequel le préfet du Loiret a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904033 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 12 août 2021 et le 16 août 2022, Mme D..., représentée par Me Duplantier, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors que le préfet du Loiret aurait dû examiner sa demande au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en exécution du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 juillet 2018 ;

- cette décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2022, le préfet du Loiret, représenté par Me Hervois, avocat, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision en date du 31 mai 2021, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Versailles a accordé à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante guinéenne née le 5 décembre 1990, fait appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 23 août 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

2. Il ressort des pièces du dossier qu'a été délivré le 4 février 2022 à Mme D... un récépissé valant autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'au 3 août 2022, dans l'attente de l'instruction de sa nouvelle demande de titre de séjour. Cette décision a eu pour effet d'abroger l'arrêté litigieux du 23 août 2019 en tant qu'il lui faisait obligation de quitter le territoire français et en tant qu'il fixait le pays de sa destination. Par suite, les conclusions de la requête de Mme D... dirigées contre ces décisions sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions dirigées contre la décision refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des mentions de l'arrêté attaqué, selon lesquelles la requérante n'est pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa sœur et ne justifie pas d'une ancienneté de vie commune suffisante avec M. F... B... avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité le 24 avril 2018, que le préfet du Loiret a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Mme D... soutient qu'elle est entrée en France le 26 juillet 2016, qu'elle vit depuis 2016 en concubinage avec un ressortissant guinéen en situation régulière, avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité le 24 avril 2018 et dont elle a eu deux enfants, le premier né le 6 novembre 2017 et le second le 15 juillet 2020, soit postérieurement à la décision contestée. Elle allègue également que son partenaire est père d'un enfant né d'une précédente union et sur lequel il exerce de manière conjointe avec sa mère l'autorité parentale, disposant d'un droit de visite et lui versant une pension alimentaire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la communauté de vie de la requérante avec son concubin était encore récente à la date de l'arrêté attaqué. Les attestations de proches qu'elle a produites ne suffisent pas à elles seules, dès lors qu'elles sont rédigées en des termes peu circonstanciés, à établir la réalité de leur communauté de vie depuis 2016. Par ailleurs, la requérante n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où résident encore ses deux enfants mineurs ainsi que sa mère et sa sœur et où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Dans ces circonstances, et eu égard au caractère récent de cette communauté de vie, de la durée de son séjour en France et des liens familiaux dont elle dispose encore dans son pays d'origine, la décision en litige n'a pas porté au respect dû à la vie personnelle et familiale de la requérante une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont donc pas été méconnues. Pour les mêmes motifs, cette décision n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".

7. La requérante fait valoir les mêmes éléments que ceux exposés au point 5 et qui ne suffisent pas à établir l'existence de motifs d'admission exceptionnelle ou de considérations humanitaires au sens de ces dispositions. Dès lors, le moyen selon lequel la décision de refus de titre de séjour attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 susvisé doit être écarté.

8. Enfin, il résulte des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction alors en vigueur, que la commission du titre de séjour instituée dans chaque département est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à cet article auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. Or, en l'espèce, Mme D..., pour les motifs exposés au point 5, ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet du Loiret n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme D... présentées sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 23 août 2019 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de sa destination.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.

Le rapporteur,

M. E... La présidente,

C. Signerin-Icre La greffière,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE02420 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02420
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Mathilde JANICOT
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : DUPLANTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-10-27;21ve02420 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award