Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 7 mars 2022 du préfet des Yvelines décidant son transfert aux autorités bulgares.
Par un jugement n° 2202191 du 7 avril 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 mai 2022, M. B..., représenté par Me Fauveau-Ivanovic, avocate, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler l'arrêté contesté ;
3° d'enjoindre au préfet des Yvelines d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte fixée à 150 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande d'asile ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la procédure de transfert est irrégulière dès lors qu'il n'est pas établi que l'Etat requis a été saisi dans le délai de deux mois prescrit par l'article 23.2 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- l'Etat français doit se reconnaître responsable de l'examen de sa demande d'asile, en raison des défaillances systémiques affectant la procédure d'asile en Bulgarie au sens de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- il serait exposé, en cas de transfert en Bulgarie, à un risque de traitements inhumains et dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet des Yvelines a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
La requête a été communiquée au préfet des Yvelines qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme C... a été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant afghan né le 18 décembre 1994, entré en France le 16 décembre 2021, a présenté une demande d'asile le 24 décembre 2021. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait présenté une précédente demande d'asile en Bulgarie le 11 novembre 2021 et en Autriche le 7 décembre 2021, M. B... a été placé sous procédure Dublin et a fait l'objet d'un arrêté de transfert aux autorités bulgares du préfet des Yvelines le 7 mars 2022. M. B... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. "
3. M. B... justifie avoir présenté une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été statué. Il y a lieu de prononcer son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
4. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 dit " D... A... " : " 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règle ment (UE) n o 603/2013. (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) ".
5. La décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'Etat membre responsable au vu de la consultation du fichier Eurodac ne peut être prise qu'après l'acceptation de la reprise en charge par l'Etat requis, saisi dans le délai de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise alors que l'Etat requis n'a pas été saisi dans le délai de deux mois ou sans qu'ait été obtenue l'acceptation par cet Etat de la reprise en charge de l'intéressé. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur ce point au vu de l'ensemble des éléments versés au dossier par les parties.
6. L'arrêté contesté mentionne que les autorités bulgares ont été saisies d'une demande de reprise en charge le 11 janvier 2022, que ces autorités ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 26 janvier 2022 et qu'elles ont été informées par un message du 22 février en application de l'article 10 du règlement. Toutefois, pour en attester, le préfet des Yvelines s'est borné à produire en première instance un " constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " non daté, dont il n'a pas produit l'accusé de réception électronique " Dublinet ", ni aucune autre pièce relative aux échanges entre le point d'accès national français et le point d'accès national bulgare susceptible de donner date certaine à la saisine de l'Etat requis ou à son acceptation. En outre, un second formulaire de " constat d'un accord implicite et confirmation de reconnaissance de la responsabilité " non daté relatif à la responsabilité de l'Autriche figure au dossier, alors que les autorités autrichiennes avaient décliné leur compétence dès le 18 janvier 2022. Dans ces conditions, il ne peut être tenu pour établi que les autorités françaises ont saisi les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge de M. B... dans le délai deux mois qui leur était imparti ni, par suite, que les autorités bulgares ont implicitement accepté sa reprise en charge avant que ne soit prescrit son transfert en Bulgarie.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que l'arrêté contesté doit être annulé et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. L'annulation prononcée en raison du non-respect du délai de deux mois imposé par l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 implique nécessairement, si aucune circonstance ne s'y oppose, que la France soit responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... et que soient prises les mesures qui en découlent. Il y a par suite lieu d'enjoindre au préfet des Yvelines de mettre M. B... en possession d'une attestation de demande d'asile lui permettant de présenter sa demande d'asile en France, dans un délai d'un mois. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. B..., au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : M. B... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le jugement n° 2202191 du 7 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 7 mars 2022 du préfet des Yvelines décidant le transfert de M. B... aux autorités bulgares sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de mettre M. B... en possession d'une attestation de demande d'asile lui permettant de présenter sa demande d'asile en France, dans un délai d'un mois.
Article 4 : : L'Etat versera à Me Fauveau-Ivanovic la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente-assesseure,
Mme Pham, première conseillère,
M. Bouzar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.
L'assesseure la plus ancienne,
C. PHAM La présidente-rapporteure,
O. C...
La greffière,
C. FAJARDIE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour exécution conforme
La greffière,
N°.22VE001104 2