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12/07/2022 | FRANCE | N°21VE00264

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 12 juillet 2022, 21VE00264


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Repimmo a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1705298 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, la société Repimmo, représentée par Me Ouvrard,

avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Repimmo a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1705298 du 30 novembre 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, la société Repimmo, représentée par Me Ouvrard, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3° d'annuler la décision du 10 avril 2017 de rejet de sa demande préalable et l'avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2014 ;

4° de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la provision litigieuse remplissait les conditions de déductibilité fiscale ;

- il n'est pas établi que cette provision a fait l'objet d'une déduction fiscale ;

- la règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, consacrée par la loi n° 2004-1485, et les évolutions de la jurisprudence du Conseil d'Etat interdisent l'imposition de la reprise de cette provision au titre du premier exercice non prescrit ;

- à supposer que l'inscription de cette provision constitue une erreur, celle-ci n'est pas délibérée, et la jurisprudence du Conseil d'Etat interdit, dans ce cas, d'imposer une reprise de provision opérée lors du premier exercice non prescrit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Repimmo ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation d'une décision de rejet de réclamation préalable dans le cadre d'un recours de plein contentieux et de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement en ce que de telles conclusions concernent l'exécution du jugement attaqué et se rattachent donc à un litige distinct.

Par un mémoire, enregistré le 4 juillet 2022, la société Repimmo a répondu à ce moyen.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pham, première conseillère,

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Repimmo, qui exerce une activité de support juridique de programmes, détient 100 % de la société civile de construction-vente (SCCV) Le Clos de la Chartreuse. Cette dernière a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité au titre des exercices clos de 2010 à 2012. À l'issue de cette vérification, le service vérificateur a remis en cause une provision pour risques et charges comptabilisée sur les stocks en cours au 31 décembre 2009, en ce qu'elle n'était pas justifiée dans son principe ni dans son montant. Cette rectification a été opérée sur le résultat du premier exercice non prescrit, à savoir l'exercice clos le 31 décembre 2010. Les conséquences de la vérification de comptabilité de la SCCV Le Clos de la Chartreuse en matière d'impôt sur les sociétés ont été mises à la charge de la SARL Repimmo, associé unique, par proposition de rectification du 26 novembre 2013. Cette dernière ayant clôturé son premier exercice d'activité le 31 décembre 2011, la rectification proposée à la SCCV " Le Clos de la Chartreuse " au titre de l'exercice 2010 a produit ses conséquences sur le résultat de la SARL Repimmo au titre de l'exercice clos en 2011. La SARL Repimmo fait appel du jugement du 30 novembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 du fait de cette rectification.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5°, notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) Les provisions pour pertes afférentes à des opérations en cours à la clôture d'un exercice ne sont déductibles des résultats de cet exercice qu'à concurrence de la perte qui est égale à l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux compte tenu des révisions contractuelles certaines à cette date (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise ne peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle qu'à la condition, notamment, que ces pertes ou charges apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice.

3. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 39 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

4. La SARL Repimmo fait valoir que la société civile de construction-vente Le Clos de la Chartreuse était en droit de déduire une provision à hauteur de 642 548 euros de son résultat car la mise en liquidation judiciaire de la société qui était alors son principal associé a entraîné des retards de chantier, des litiges, des surcoûts de certains travaux ainsi que des frais liés au financement de ceux-ci. Toutefois, la société requérante n'a fourni, ni au vérificateur malgré ses demandes en ce sens, ni en première instance, ni en appel, aucune pièce justificative de nature à établir la réalité des risques dont elle se prévaut. En outre, il ressort du tableau qu'elle a fourni au vérificateur afin de justifier du montant provisionné, que cette provision prenait en compte, non pas l'excédent du coût de revient des travaux exécutés à la clôture du même exercice sur le prix de vente de ces travaux conformément aux termes de l'article 39 du code général des impôts, mais les coûts restant à engager pour la totalité de l'opération. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la provision litigieuse était déductible.

5. En deuxième lieu, le service a produit les déclarations fiscales déposées par la société civile de construction-vente Le Clos de la Chartreuse au titre des exercices 2008 et 2009, dont il ressort que la provision litigieuse a fait l'objet d'une déduction fiscale au titre de ces exercices. Par suite, le moyen tiré de ce que la provision litigieuse n'aurait pas fait l'objet d'une déduction fiscale doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : "'2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. (...)'". En application de ces dispositions, dans l'hypothèse où le bénéfice imposable d'un exercice a été déterminé par différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice et où son montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l'expiration du délai de répétition, les erreurs qui ont entraîné une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net ressortant du bilan de clôture de cet exercice peuvent être ultérieurement corrigées, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, dans les bilans des exercices non couverts par la prescription et, par suite, dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier. Lorsqu'une provision a été constituée dans les comptes de l'exercice, le résultat fiscal de ce même exercice doit, en principe, être diminué du montant de cette provision dont la reprise, lors d'un ou de plusieurs exercices ultérieurs, entraîne, à l'inverse, une augmentation de l'actif net du ou des bilans de clôture du ou des exercices correspondants. Il n'en va autrement que si les règles propres au droit fiscal y font obstacle, notamment les dispositions particulières du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts limitant la déductibilité fiscale de certaines provisions.

7. D'une part, si la société Repimmo invoque la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, telle qu'elle a été consacrée par le 4 bis de l'article 38 du code général des impôts, qui interdit de modifier le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, il résulte de l'instruction que la rectification litigieuse n'a pas procédé à une telle modification, dès lors qu'elle s'est contentée de réintégrer la provision au bilan de clôture de l'exercice 2010, premier exercice non prescrit, et à calculer l'actif net en découlant, sans modifier le bilan d'ouverture de l'exercice 2010, auquel figurait la déduction fiscale de la provision litigieuse, opérée au cours des exercices 2008 et 2009.

8. D'autre part, une telle rectification est conforme aux dispositions des articles 38 et 39 précités, dont il résulte que lorsqu'une provision ne satisfait pas, dès l'origine, aux conditions de déductibilité, cette erreur initiale, pour autant qu'elle ne revête pas, pour le contribuable, un caractère délibéré, doit être corrigée dans le bilan de clôture de l'exercice au cours duquel elle a été irrégulièrement constituée ou, si cet exercice est prescrit, dans les bilans des exercices non prescrits à l'exception du bilan d'ouverture du premier de ces exercices. Le service a respecté ces principes, dès lors qu'il a réintégré la provision litigieuse, qui ne satisfaisait pas ab initio aux conditions de déductibilité, dans le bilan de clôture du premier exercice non prescrit, sans modifier le bilan d'ouverture de cet exercice.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Repimmo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'annulation de l'avis de mise en recouvrement et de la décision du 10 avril 2017 rejetant sa réclamation, qui ne sont en tout état de cause pas détachables de la procédure d'imposition, et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Repimmo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Repimmo et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente assesseure,

Mme Pham, première conseillère,

M. Bouazar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2022.

La rapporteure,

C. PHAM La présidente,

O. DORION

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 21VE00264


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00264
Date de la décision : 12/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Christine PHAM
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS TEN FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-07-12;21ve00264 ?
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