Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 700 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2109537 du 20 septembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 12 juillet 2021 du préfet du Val-d'Oise, enjoint au préfet du Val-d'Oise, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, de procéder au réexamen de la situation administrative de M. C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a condamné l'Etat à verser à M. C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 26 octobre 2021, sous le n° 21VE02885, le préfet du Val-d'Oise, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'a estimé la première juge, l'arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les autres moyens soulevés par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2022, M. C..., représenté par Me Halpern, avocat, conclut eu rejet de la requête et à ce que la somme de 800 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
II. Par une ordonnance en date du 13 avril 2022, enregistrée sous le n° 22VE00858, le président de la Cour administrative d'appel de Versailles a, en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, si nécessaire, les mesures propres à assurer l'entière exécution du jugement n° 2109537 en date du 20 septembre 2021 rendu par la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2022, M. C..., représenté par Me Halpern, avocat, fait valoir que le préfet du Val-d'Oise n'a toujours pas procédé au réexamen de sa situation administrative conformément à l'article 2 du jugement n° 2109537 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise alors même qu'il a exécuté l'article 3 dudit jugement en réglant la condamnation au paiement des frais irrépétibles de 1 000 euros.
Le mémoire a été communiqué au préfet du Val-d'Oise qui n'a pas produit d'observation.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me Halpern, avocat, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant albanais, né le 10 octobre 1985, est entré en France, selon ses déclarations le 1er octobre 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 20 avril 2015, qui n'a pas été contestée devant la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 24 septembre 2015, le préfet de police a pris à son encontre une mesure d'éloignement. Suite à un contrôle routier des services de police, il a été placé en retenue administrative aux fins de vérification de son droit au séjour et à la circulation sur le territoire français. Par un arrêté du 12 juillet 2021, le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Par un jugement n° 2109537 du 20 septembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 12 juillet 2021 du préfet du Val-d'Oise sur le fondement de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et a enjoint au préfet du Val-d'Oise, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence actuel de l'intéressé, de procéder au réexamen de la situation administrative de M. C..., dont l'intéressé demande l'exécution. Par une requête n° 21VE02885, le préfet du Val-d'Oise relève appel de ce jugement. Sous le n° 22VE00858, le président de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle pour assurer l'exécution du jugement du 20 septembre 20211.
2. Les requêtes susvisées, qui tendent respectivement à l'annulation et à l'exécution du même jugement, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
4. M. C... s'est prévalu en première instance de l'ancienneté du séjour et de la scolarisation de ses enfants A..., née le 11 février 2008 et Esri, né le 23 juin 2012, qui sont entrés sur le territoire en 2016 avec leur mère, Mme F..., avec laquelle M. C... a eu un autre enfant le 15 avril 2021. S'il soutient que le retour de la famille en Albanie compromettrait la scolarisation de ses enfants qui ne parleraient plus ou mal la langue albanaise et ne la liraient pas, il n'établit pas toutefois, par cette allégation dépourvue de toute justification, que ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Albanie, quand bien même ils ont été scolarisés pendant cinq ans en France à la date de la décision en litige. Par ailleurs, il est constant que Mme F..., dont il est divorcé depuis 2015, est elle-même en situation irrégulière et de nationalité albanaise, et il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Albanie. La circonstance que Mme F... a demandé postérieurement la délivrance d'un titre de séjour ne peut au surplus qu'être sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. Ainsi, et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur la légalité de l'arrêté du 20 décembre 2017 :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français
6. En premier lieu, l'arrêté en litige est signé par Mme D... G..., cheffe de la section de l'éloignement/Comex, qui disposait d'une délégation pour signer l'arrêté en litige en cas d'absence ou d'empêchement du directeur et de l'adjointe au directeur des migrations et de l'intégration, par un arrêté du préfet du Val-d'Oise n° 20-046 du 17 novembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'État dans le département du Val-d'Oise le même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 613-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II ".
8. La notice portant mention des voies et délais de recours relative à l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours pris à l'encontre de M. C... précise, contrairement à ce que soutient le requérant, qu'il est informé qu'il peut recevoir " communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiés ". Il ressort également dudit document que M. C... a reçu notification de l'arrêté avec l'assistance d'un interprète. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
9. En troisième lieu, l'arrêté attaqué vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de l'intéressé. Il comporte des éléments circonstanciés sur la situation personnelle et familiale de M. C... et précise en particulier qu'il est entré sur le territoire français en 2014 muni de son passeport, qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà d'un délai de trois mois sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré et qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise par le préfet de police le 24 septembre 2014. Il précise également que M. C... a déclaré vivre en concubinage avec une ressortissante étrangère démunie de titre de séjour et être père de trois enfants, que la cellule familiale pouvait se reconstituer sans dommage dans le pays d'origine et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, et alors que le préfet n'est pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments relatifs à la situation de l'intéressé, l'arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, quand bien même il ne fait état ni du rejet de sa demande d'asile ni de la scolarisation de deux de ses enfants. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. C... se prévaut d'une présence en France depuis le 1er octobre 2014. Il soutient également que son ancienne épouse, dont il est divorcé depuis 2015, y est entrée en 2016 et que ses trois enfants nés le 11 février 2008, le 23 juin 2012 et le 15 avril 2021 y résident. Il se prévaut également de l'état de santé de Mme F..., qui ne pourrait pas le suivre pour ce motif en Albanie, et de la scolarisation en France de ses deux enfants les plus âgés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... s'est maintenu sur le territoire après le rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 20 avril 2015. Il en ressort également qu'il a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 24 septembre 2015. S'il a déclaré travailler dans le secteur du bâtiment lors de son audition, il ne justifie d'aucune source de revenu régulière ni d'une insertion professionnelle ou sociale particulière. Par ailleurs, il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, que Mme F... ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté à son affection asthmatique en Albanie et donc qu'elle ne pourrait pas l'y rejoindre, étant elle-même en situation irrégulière à la date de la décision en litige. Enfin, il résulte de ce qui a été exposé au point 4 qu'il ne justifie pas que ses enfants ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en Albanie, où il dispose d'attaches familiales. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, par suite, qu'être écarté.
12. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 4, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français ne méconnait pas les articles 3-1 et 28 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et la décision portant refus de délai de départ volontaire ne méconnaît pas le a) de l'article 5 de la directive du 16 décembre 2008.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été précédemment exposé que M. C... n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée serait entachée d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination en raison de cette prétendue illégalité.
14. En deuxième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
15. Si M. C... soutient qu'il encourt des risques pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, dès lors qu'il pourrait être l'objet de mesures de représailles de la part de ses créanciers en application de règles coutumières, il n'apporte aucun élément suffisamment probant à l'appui de ses allégations ni en tout état de cause qu'il encourt un risque réel et actuel d'être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi dans son pays d'origine. Il est constant au surplus que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, dont il n'a pas contesté la décision. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées ne peut ainsi qu'être écarté.
16. En troisième lieu, pour les mêmes les motifs retenus aux points 4 et 11, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde de des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 12 juillet 2021. Il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement et de rejeter la requête de M. C... présentée au tribunal aux fins d'annulation de l'arrêté du 12 juillet 2021, en toutes ses conclusions.
Sur la demande d'exécution du jugement en litige :
18. Le présent arrêt annulant le jugement du 20 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 12 juillet 2021 du préfet Val-d'Oise, a enjoint audit préfet ou au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation administrative de M. C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions de M. C... tendant à ce que la Cour prescrive les mesures d'exécution de ce jugement s'agissant du réexamen de sa situation ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 20 septembre 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. C... et ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de M. C... tendant, sous le n° 22VE00858, à l'exécution de l'article 2 du jugement en date du 20 septembre 2021 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... C....
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Albertini, président de chambre,
M. Mauny, président-assesseur,
Mme Moulin-Zys, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2022.
Le rapporteur,
O. B...Le président,
P.-L. ALBERTINILa greffière,
F. PETIT-GALLAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N°s 21VE02885 - 22VE00858002