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23/06/2022 | FRANCE | N°19VE00730

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 23 juin 2022, 19VE00730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1600646, M. J... et Mme E... H... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à leur verser une indemnité en réparation des préjudices résultant des fautes qui auraient été commises à l'occasion de la naissance de D... H... le 25 mai 2003, d'assortir cette indemnité des intérêts au taux légal à compter de la date de refus de l'assureur ou, à défaut, à compter de la da

te d'introduction de leur requête et de mettre à la charge du centre hospitalier i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1600646, M. J... et Mme E... H... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à leur verser une indemnité en réparation des préjudices résultant des fautes qui auraient été commises à l'occasion de la naissance de D... H... le 25 mai 2003, d'assortir cette indemnité des intérêts au taux légal à compter de la date de refus de l'assureur ou, à défaut, à compter de la date d'introduction de leur requête et de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une requête enregistrée sous le n° 1601655, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à lui verser une somme de 381 432,26 euros, au titre des débours engagés en faveur du jeune D... assortie des intérêts légaux à compter du jugement, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à lui verser une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600646 - 1601655 du 26 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à verser à M. et Mme H... en qualité de représentants légaux de leurs fils D... une somme globale de 130 273 euros, somme portant intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2016, à verser à M. et Mme H... en qualité de représentants légaux de leurs fils D..., à partir du 26 décembre 2018 et jusqu'à sa majorité, une rente trimestrielle calculée, en retenant 103 jours par trimestre, sur la base d'une assistance permanente de 6 heures par jour au taux horaire de 11,20 euros si l'intéressé vit au domicile de ses parents ou d'un membre de sa famille, à verser à M. et Mme H... une somme de 16 000 euros chacun, somme portant intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2016, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure les sommes de 302 880 euros et de 1 066 euros au titre des débours supportés et en paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion, et de verser à M. et Mme H... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure les sommes respectives de 1 500 et 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le numéro 19VE00730, le 26 février, le 22 mars et le 3 décembre 2019, le 7 janvier 2021 et le 1er mars 2022, le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye, représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600646 - 1601655 du 26 décembre 2018 du tribunal administratif de Versailles ;

2°) de rejeter le recours incident des consorts H... et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure ;

3°) d'ordonner une expertise judiciaire confiée à un médecin neuro-radiologue ayant pour spécialité l'imagerie néonatale.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les demandes de la caisse primaire d'assurance maladie tendant au remboursement des frais antérieurs au 28 décembre 2018 sont tardives et les débours postérieurs à la date du jugement ne sont pas justifiés ;

- les pièces n° 25 à 35 produites le 19 novembre 2020 sont irrecevables car elles ne sont pas numérotées et sont dépourvues de signet ;

- il n'y a pas eu de faute à ne recourir à une césarienne qu'à 00h27 et la césarienne ne s'imposait pas dès 20h15 ;

- la faute ne présente pas de lien de causalité direct et certain avec les préjudices de D... H... ; le pourcentage de perte de chance de 80 % est excessif ;

- une nouvelle expertise pourrait être ordonnée ;

- l'évaluation des préjudices est excessive ; les sommes demandées au titre de l'achat de deux ventilateurs sont sans lien direct et certain avec les manquements reprochés à l'hôpital ; les honoraires du Dr A... ont été indemnisés à hauteur de 1 248 euros tenant compte d'un taux de perte de chance de 80 % ; les fournitures d'hygiène ont été indemnisées à hauteur de 11 325 euros pour la période du 22 mai 2006 au 26 décembre 2018, sans preuve d'une prise en charge de ces dépenses par la sécurité sociale ou une mutuelle, ou de l'établissement spécialisé lorsqu'il est pris en charge ; une seule facture a été produite s'agissant des protections, le tarif de 0,50 euros retenu par le tribunal est justifié et il n'y a pas lieu de les prendre en compte avant l'âge de 3 ans ; l'absence d'assistance par une tierce personne avant 3 ans est justifiée et ils ont perçu l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé à compter de 2004 ; la distinction entre une assistance passive et active est justifiée et le taux horaire de 21 euros demandé n'est pas justifié ; les prestations sociales doivent être déduites, y compris l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ; les périodes de prise en charge dans un institut médico-éducatif doivent venir en déduction ; sur la période de 3 à 6 ans, le rapport d'expertise a retenu un besoin en tierce personne de 3 heures par jour et de 6 heures de 6 à 11 ans, sans distinguer les jours de prise en charge en institut médico-éducatif, l'assistance étant de 3 heures en qualité d'externe ; la durée de scolarisation alléguée, soit 1h30 par semaine, n'est pas justifiée ; la demande présentée ne permet pas de connaître le temps passé au domicile familial ; pendant la période de prise en charge à l'hôpital San Salvadour, il n'est pas possible de raisonner sur un taux horaire et par ailleurs en terme de nuitées et il n'est pas possible non plus de convertir le nombre de nuits au domicile en nombre de jours ; les heures de sortie sont facturées par l'hôpital à la caisse primaire d'assurance maladie, sur la base d'un tarif journalier ; l'emploi d'une personne via le CESU ne suffit pas faute de précision des fonctions de la personne et une partie des sommes versées est déductible ; il n'est pas justifié de l'absence de perception de la prestation de compensation du handicap de 2015 au 30 septembre 2017, alors que cette prestation a été perçue avant juillet 2019 puisque la décision d'attribution fait état d'un renouvellement ; une somme de 1 455,85 euros par mois peut être déduite ; il faut tenir compte de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour un montant de 131,61 euros par mois jusqu'à la date de l'arrêt, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé étant versée jusqu'à l'âge de 20 ans ; l'assistance que M. et Mme H... apportent à leur fils lorsqu'il est pris en charge n'est pas indemnisable, et ce alors que la caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge les périodes d'hospitalisation ; ils ne justifient pas du nombre de jours passés au domicile en procédant à une simple évaluation ; s'agissant de l'aide à échoir, le calcul n'est pas justifié alors que le placement en institut médico-éducatif a été prépondérant ; les préjudices extrapatrimoniaux temporaires ne peuvent être indemnisés que par une rente faute de consolidation ; les demandes des époux H... au titre de leur préjudice moral doivent être justifiées ; les factures pour des dépenses de psychomotricité ne sont pas probantes et ont pu être prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ; les factures d'aménagement du domicile sont irrecevables car tardives alors que la dépense était en débat en première instance et ne concernent pas exclusivement les stricts besoins de D... H... et de telles dépenses ont pu être prises en compte au titre de la prestation de compensation du handicap.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 juin 2019, le 11 août 2020, le 20 janvier 2021 et le 25 janvier 2022, M. J... et Mme E... H..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de D... H..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et associés, avocats, demandent à la cour de rejeter la requête du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye, de réformer le jugement du tribunal administratif de Versailles en jugeant que le centre hospitalier est entièrement responsable des dommages de D..., d'indemniser D... H... au titre des préjudices patrimoniaux temporaires à hauteur de 2 631 974,80 euros, avec une rente annuelle de 208 152 euros à compter du 22 mars 2021 au titre de l'aide humaine future, indexée en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation, et une rente annuelle de 2 495,70 euros à compter du 22 mars 2021 euros au titre des frais de protection, indexée en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation, de lui accorder une provision de 235 200 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires, d'attribuer une provision de 25 000 euros chacun à M. et Mme H... au titre de leur préjudice moral, et une somme de 37 285,69 euros aux époux H... au titre de l'aménagement de leur domicile, à titre subsidiaire, d'indemniser sur la base d'une perte de chance de 95 % et, dans tous les cas, d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la date de refus d'indemnisation par l'assureur du centre hospitalier et de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- il n'y a pas lieu de procéder à une nouvelle expertise ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ; la date du terme retenue par le centre hospitalier est erronée et la faute du centre hospitalier est établie ;

- le tribunal n'aurait pas dû retenir un taux de perte de chance de 80 %, le lien de causalité entre les manquements et le dommage ne faisant pas de doute ; à défaut de retenir une imputabilité totale, une perte de chance de 95 % pourra être retenue à titre subsidiaire ;

- il y a lieu de réévaluer les condamnations prononcées par le tribunal au titre des frais d'assistance à hauteur de 1 560 euros, des frais d'acquisition de deux ventilateurs pour 961,11 euros, le coût des protections de l'âge de 3 ans au 31 décembre 2020 à 24 550,20 euros et d'allouer une rente de 1 679 euros par an, indexée sur l'évolution de l'indice des prix à la consommation pour les frais de protections à échoir à compter du 31 décembre 2019 ; s'agissant de l'assistance par une tierce personne, l'indemnisation au titre d'une assistance se justifiait sur la période de 0 à 3 ans, eu égard à l'état de D... dès les premiers mois, à hauteur de 312 228 euros pour 12 heures de 0 à 3 ans ; pour la période de 3 à 6 ans, elle se justifie à hauteur de 24 heures par jour, hors présence en institut médico-éducatif et scolarisation à raison de 182 jours par an, soit 413 jours pour tenir compte de la législation sociale et sur une base horaire de 21 euros, sans distinguer une tierce personne active et une tierce personne passive ; pour la période où D... est pris en charge en institut, l'indemnisation doit être fixée à 1 490 460,10 euros du 22 mai 2009 au 31 décembre 2020 ; pour la période postérieure au 31 décembre 2020, une rente de 208 152 euros par an indexée sur le coût de la vie, déduction faite des heures de présence à l'institut médico-éducatif doit être versée, ainsi qu'une somme de 11 481,43 euros au titre de l'embauche d'une auxiliaire de vie salariée ; le jugement doit être réformé en tant qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'indemniser ce préjudice en l'absence de preuve des aides perçues au titre de la prestation de compensation du handicap et de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ces montants ne devant pas être déduits des sommes susceptibles d'être allouées au titre de l'indemnisation de l'assistance par tierce personne ; ils justifient en outre des sommes perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé depuis 2004 pour un montant mensuel de 131,81 euros et de la prestation de compensation du handicap pour 2 648,83 euros entre juillet 2019 et février 2020 et 5 823,40 euros entre avril et juillet 2020 à déduire, soit 2 423 148,86 euros ; ils peuvent prétendre à l'indemnisation du coût de l'intervention d'un psychomotricien pour 2 425 euros et de frais d'aménagement de leur domicile pour 37 285,69 euros ; s'agissant du déficit fonctionnel temporaire, il convient de fixer l'indemnité journalière à 30 euros par jour, ou à une somme supérieure ou égale à 25 euros, soit 900 euros mensuels et 175 200 euros au regard de la lourdeur de son handicap ; eu égard à la souffrance endurée par D..., évaluée à 6/7, il faut fixer la réparation de ce préjudice à titre provisionnel à 40 000 euros ; il faut confirmer le montant de 20 000 euros alloué pour l'indemnisation provisionnelle du préjudice esthétique ; l'indemnité au titre du préjudice moral des époux H... doit être portée à 25 000 euros pour chacun.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, représentée par Me Bourdon, avocat, conclut à la réformation de l'article 5 du jugement du 26 décembre 2018.

Elle fait valoir que le jugement, en arrêtant la date de ses débours au 31 décembre 2015, est de nature à empêcher l'indemnisation des sommes engagées jusqu'à la date de consolidation par revendication auprès du centre hospitalier au fur et à mesure de leur réalisation.

II. Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 19VE00732, le 26 février 2019, le 11 aout 2020, le 20 janvier 2021 et le 25 janvier 2022, M. et Mme J... et E... H... et M. D... H..., représentés par Me Coubris, avocat, demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Versailles en condamnant le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à leur verser les sommes de 2 631 974,80 euros au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, 208 152 euros au titre d'une rente annuelle à compter du 1er janvier 2020 au titre de l'aide humaine future indexée en fonction de l'indice des prix à la consommation, série France entière hors tabac publiée par l'INSEE, une rente annuelle de 2 495,70 euros à compter du 1er janvier 2020 au titre des frais de protections indexée en fonction de l'indice des prix à la consommation, série France entière hors tabac publiée par l'INSEE, au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires une provision de 235 200 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date de refus de l'assureur d'indemniser ou de l'introduction de la requête devant la cour à défaut ;

2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Versailles en portant la condamnation prononcée au titre d'une provision allouée à M. et Mme H... à hauteur de 25 000 euros chacun, avec intérêts au taux légal à compter de la date de refus de l'assureur d'indemniser ou de l'introduction de la requête devant la cour à défaut et une somme de 37 285,69 euros au titre de l'aménagement de leur domicile ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il n'y a pas lieu de procéder à une nouvelle expertise ;

- il y a un retard fautif à la réalisation de la césarienne ; la date du terme retenue par le centre hospitalier est erronée ; le protocole de déclenchement n'est pas conforme aux règles de l'art, l'absence de mouvements et l'anamnios justifiant une césarienne dans l'heure ; le Cytotec a été administré à une dose trop élevée ; la surveillance du travail a été défaillante ; le lien de causalité entre la faute commise et les dommages est établi, l'hypothèse de lésion cérébrale in utero n'étant pas crédible ;

- le taux de perte de chance doit être porté au moins à 95 % ;

- l'absence de consolidation ne s'oppose pas à une indemnisation ; à titre provisionnel et au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, les dépenses de santé se sont élevées à 381 432,26 euros ; ils justifient de 1 560 euros de frais pour une expertise, de 961,11 euros pour l'achat de deux ventilateurs ; de frais de protections pour un total de 22 866,60 euros depuis l'âge de 3 ans sur une base de 5 couches par jour pour un montant unitaire de 0,92 euros et peuvent prétendre pour la période postérieure à l'arrêt à une rente de 1 679 euros par an ; s'agissant de l'assistance par une tierce personne, l'état de D... nécessitait une assistance par tierce personne de 0 à 3 ans pendant 12 heures pour 312 228 euros, puis de 3 à 6 ans, une assistance de 24 heures par jour tous les jours, sauf présence à école, soit 624 456 euros, et à partir de 6 ans, de 24 heures par jour tous les jours, sauf présence à école, en institut médico-éducatif, à l'hôpital San Salvadour, soit 1 407 654 euros, sur la base d'un taux horaire de 21 euros et de 413 jours par an pour tenir compte des congés payés ; à compter du 31 décembre 2019, la présence de ses parents était nécessaire quotidiennement à hauteur de 3 heures par jour ; une personne salariée a été embauchée à compter de juillet 2019 ; il n'y a pas lieu d'imputer les sommes perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ou de la prestation de compensation du handicap ; ils peuvent prétendre à l'indemnisation du coût de l'intervention d'un psychomotricien et d'un ostéopathe pour 3 125 euros et de frais d'aménagement de leur domicile pour 37 285,69 euros ;

- s'agissant des préjudices extra-patrimoniaux, il y a lieu d'allouer la somme de 175 200 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire pour une base journalière de 30 euros ; à titre subsidiaire, la base journalière ne doit pas être inférieure à 25 euros ; les souffrances endurées doivent être indemnisées à hauteur de 40 000 euros ; le préjudice esthétique temporaire doit être indemnisé à hauteur de 20 000 euros ;

- le préjudice moral provisoire des parents doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros chacun.

Par des mémoires enregistrés le 22 mars et le 15 juillet 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, représentée par Me Bourdon, avocat, conclut à la réformation de l'article 5 du jugement du 26 décembre 2018.

Elle fait valoir que le jugement, en arrêtant la date de ses débours au 31 décembre 2015, est de nature à empêcher l'indemnisation des sommes engagées jusqu'à la date de consolidation par revendication auprès du centre hospitalier au fur et à mesure de leur réalisation ; elle n'a pas limité ses demandes indemnitaires ; aucune date de consolidation n'a été fixée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 28 juin 2019, le 7 janvier 2021 et le 1er mars 2022, le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye , représenté par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, et à titre subsidiaire, à une nouvelle expertise.

Il fait valoir, à titre principal, qu'il n'a pas commis de faute, à titre subsidiaire que le retard à pratiquer une césarienne n'a pas fait perdre de chance à D... et que les moyens des requérants et de la caisse primaire d'assurance maladie ne sont pas fondés.

Par un courrier du 14 février 2022, la cour a invité la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure à faire connaître le montant des frais qu'elle a pris en charge postérieurement au 26 décembre 2018, date du jugement contesté, afin de procéder à l'indemnisation du dommage corporel en tenant compte des éléments de préjudice qui ont été couverts par des prestations.

Les documents demandés ont été reçus le 23 février 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Raismes, substituant Me Le Prado, pour le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye et de Me Coubris, pour les consorts H....

Considérant ce qui suit :

1. Mme H..., âgée de 41 ans, a débuté sa première grossesse le 25 août 2002, avec un terme fixé au 25 mai 2003 selon le rapport d'expertise des docteurs Mselati et Vézin. Son suivi n'a pas révélé d'anomalie à l'exception d'un prélèvement ayant révélé la présence d'un streptocoque D. Elle s'est présentée au centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye le 21 mai 2003 à 19 h 30 après avoir ressenti des contractions, un manque de mouvements du fœtus et une impression de perte du liquide amniotique. Le rythme cardiaque fœtal est de 160-170 battements par minute avec un tracé microvolté et l'échographie réalisée a révélé un niveau bas de liquide amniotique. Des contractions sont relevées ainsi qu'une absence de mouvements actifs. Le gynécologue obstétricien de garde, qui ne l'a pas examinée, a décidé de procéder à un accouchement par voie basse mais aussi, le col de l'utérus n'étant pas dilaté, d'administrer à Mme H... un quart de comprimé de Cytotec à 22 h 35. Le travail s'est poursuivi jusqu'à 0 h 27 et a été marqué par un rythme cardiaque fœtal élevé toute la soirée avec de profonds ralentissements à 23 h 40 puis à 23 h 50. La décision de procéder à une césarienne est prise à 0 h 10 le 22 mai 2003. L'enfant, dénommé D..., est extrait à 0 h 50 en état de mort apparente, son score Agpar étant de 1 à 1 minute avec un pH de 7,01 relevé au cordon ombilical. Il est intubé à 0 h 53 et l'aspiration est méconiale. Il a été pris en charge en service de réanimation et traité pour une pathologie respiratoire sévère avec hypertension artérielle pulmonaire, des troubles hémodynamiques et un pneumothorax bilatéral. Il est transféré le 22 mai 2003 à l'hôpital Trousseau pour y bénéficier d'une assistance respiratoire extracorporelle et y est pris en charge à 21 h 15. Le diagnostic d'une hypoxie et d'une acidose mixte y est posé. Alors que les échographies cérébrales réalisées le 23 et le 26 mai 2003 sont normales, une échographie réalisée le 30 mai révèle un épaississement de la zone corticale au niveau des régions frontales postérieures évoquant des lésions vasculaires distales, l'aspect étant identique les 2 et 4 juin 2003. L'enfant a été repris en charge par le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye le 12 juin. L'assistance respiratoire est arrêtée le 18 juin et il quitte le service de néonatologie le 30 juin. Des dommages cérébraux sont constatés par scanner le 5 septembre et par IRM le 9 septembre 2003 et le 27 janvier 2004. Il est suivi au centre d'action médico-sociale précoce des Mureaux à compter du mois d'avril 2004. Une microcéphalie est constatée le 19 août 2004, ainsi qu'une atrophie optique à gauche et une cyphose dorsale. Il souffre de crises d'épilepsie à partir de l'âge de 4 ans, dont le traitement s'avère difficile, et a un comportement autistique. Il est pris en charge en régime d'externat à l'institut médico éducatif Normandie Lorraine d'août 2009 à septembre 2014 puis en internat à l'hôpital San Salvadour à Hyères jusqu'au 23 mars 2020. Il résulte de l'instruction qu'il réside au domicile de ses parents depuis cette date. M. et Mme H... ont saisi le 22 octobre 2012 la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Ile-de-France d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant du handicap de leur fils D... imputable aux conditions de son accouchement. Après le dépôt du rapport des docteurs Vézin et Mselati concluant à une faute du centre hospitalier et retenant un taux de perte de chance de 80 %, la commission a rendu le 16 octobre 2013 un avis semblable auquel le centre hospitalier n'a pas donné de suite favorable. Les consorts H... se sont alors adressés à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales dont ils ont refusé l'offre d'indemnisation à hauteur de 487 480 euros. Ils ont ensuite saisi le tribunal administratif de Versailles aux fins d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices et, par un jugement n° 1600646 - 1601655 du 26 décembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a condamné le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à verser à M. et Mme H..., en qualité de représentants légaux de leur fils D..., une somme globale de 130 273 euros et, à partir du 26 décembre 2018 et jusqu'à sa majorité, une rente trimestrielle calculée, en retenant 103 jours par trimestre, sur la base d'une assistance permanente de 6 heures par jour au taux horaire de 11,20 euros s'il vit au domicile de ses parents ou d'un membre de sa famille, ainsi qu'une somme de 16 000 euros chacun à raison de leurs préjudices personnels, et, au bénéfice de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, les sommes de 302 880 euros et de 1 066 euros au titre des débours supportés et en paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion. M. et Mme H..., d'une part, et le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye, d'autre part, relèvent appel de ce jugement.

2. Les affaires n° 19VE00730 et n° 19VE00732 sont relatives à un même jugement, concernent les mêmes parties et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Si le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye soutient que le jugement est insuffisamment motivé, il n'a apporté aucun développement ni précision au soutien de ce moyen, dans sa requête comme dans les mémoires produits dans les deux instances. Le centre hospitalier intercommunal n'a, dans ces circonstances, pas mis la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de ce moyen, lequel ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la faute :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

5. Il résulte de l'instruction que Mme H..., qui arrivait au terme de sa grossesse, s'est présentée au centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye en faisant état de contractions, d'une impression de perte de liquide amniotique et d'absence de mouvement de son fœtus. Dès son arrivée, le rythme cardiaque fœtal a été relevé et noté comme élevé et une échographie a révélé une oligamnios, aux termes même de son compte-rendu et du dossier obstétrical qui en fait état à deux reprises, ainsi qu'une absence de mouvements de l'enfant. Alors que le rythme cardiaque fœtal était élevé, deux ralentissements profonds ont été relevés à 23 h 40, passant de 160 à 70 battements en une minute, avec une durée de 5 minutes et une récupération très lente, puis à 23 h 50, passant de 150 à 90 battements sur une durée de 4 minutes et une récupération lente, jusqu'à ce que soit prise la décision de procéder à une césarienne à 0 h 10 le 22 mai 2003. Le dossier obstétrical fait état de ces troubles du rythme cardiaque, d'une souffrance fœtale aigue et d'un liquide méconial. Le compte rendu opératoire de la césarienne pratiquée le 22 mai fait également état d'une anomalie du rythme cardiaque fœtal en début de travail et d'un liquide amniotique en quantité réduite et méconial. Au regard des constats réalisés dès la prise en charge de Mme H... au centre hospitalier, à savoir un rythme cardiaque fœtal pathologique, un niveau de liquide amniotique bas et une absence de mouvements de l'enfant, et au regard du terme de la grossesse et du risque connu d'inhalation méconiale en fin de grossesse, le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye a commis une faute, d'une part, en décidant de procéder à un accouchement par voie basse alors que le col de l'utérus n'était pas dilaté et en se bornant à accélérer sa maturation, et, d'autre part, en persistant dans cette voie jusqu'à 0 h 10 alors que le rythme cardiaque fœtal est resté anormalement élevé tout au long du travail, jusqu'à un premier ralentissement profond à 23 h 40, avec une récupération très lente. Le centre hospitalier n'est donc pas fondé à soutenir qu'aucune faute n'aurait été commise lors de la prise en charge obstétricale de Mme H....

En ce qui concerne le lien de causalité :

6. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

7. Il résulte de l'instruction que Mme H... a été admise au centre hospitalier intercommunal au motif qu'elle ressentait des contractions, avait une impression de perte de liquide amniotique et ne constatait plus du mouvement du fœtus. Il résulte en outre du rapport d'expertise des docteurs Vézin et Mselati que les séquelles dont D... H... reste atteint résultent d'un bas débit sanguin prolongé et pas aigu, au regard notamment de l'absence d'atteinte des noyaux gris centraux, résultant d'une insuffisante oxygénation après la naissance ayant pour origine les conditions de cette dernière et l'inhalation de méconium au cours de l'accouchement. Il résulte du même rapport que les experts ont indiqué qu'il était possible que les lésions cérébrales se soient constituées en prénatal, estimant que les lésions constatées ne révélaient pas une souffrance aigue résultant du seul accouchement mais subie sur la durée. Le rapport du professeur A... produit au cours de l'expertise pour M. et Mme H... relève d'ailleurs que le contexte clinique dès l'admission de Mme H... était suffisamment préoccupant pour décider d'une césarienne en urgence et que le rythme cardiaque fœtal dès l'admission de la parturiente montrait des anomalies modérées qui devaient alerter sur l'état du bien être fœtal. Ainsi, si le retard fautif dans la réalisation d'une césarienne a fait perdre à l'enfant une chance d'éviter tout ou partie des séquelles dont il reste atteint, il y a lieu d'évaluer l'ampleur de cette perte de chance, au regard du tableau clinique dressé dès l'admission de Mme H..., à 50 % et non à 80 %, ainsi que l'a retenu le tribunal administratif de Versailles ;

En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :

8. S'il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. D... H... n'était pas consolidé à la date de l'expertise des docteurs Vézin et Mselati et qu'aucune expertise n'a été réalisée ni demandée avant sa majorité, le 22 mai 2021, ni même à la date de cet arrêt, pour évaluer ses préjudices à la date de consolidation de son état, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que soient mises à la charge du centre hospitalier les dépenses médicales dont il est d'ores et déjà certain qu'elles devront être exposées à l'avenir, ainsi que la réparation de l'ensemble des conséquences déjà acquises de la détérioration de l'état de santé de l'enfant.

S'agissant des préjudices patrimoniaux de M. D... H... :

Quant aux dépenses de santé :

9. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure se borne, dans ses écritures, à demander l'annulation de l'article 5 du jugement du tribunal administratif de Versailles, aux termes duquel " le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure la somme de 302 880 euros " au motif qu'il ne lui permettrait pas d'obtenir le remboursement de ses frais postérieurs au jugement. Il résulte toutefois du point 10 du jugement que la période retenue pour fixer le montant des débours est bien celle du 23 mars 2006 au 10 septembre 2015 et qu'aucun des motifs dudit jugement ne prive la caisse d'un droit à indemnisation pour une période postérieure. Les conclusions aux fins de réformation de l'article 5 du jugement doivent donc être rejetées.

10. Il y a lieu, en revanche, d'appliquer le taux de perte de chance de 50 % fixé au point 7 du présent arrêt aux débours d'un montant non contesté de 381 432,26 euros, et de ramener la condamnation du centre hospitalier intercommunal, s'agissant des dépenses de santé prises en charge par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure jusqu'au 10 septembre 2015, à 190 716,13 euros.

11. Les consorts H... demandent par ailleurs la condamnation du centre hospitalier à les indemniser d'un montant de 3 200 euros à raison de dépenses qu'ils ont supportées pour des séances de psychomotricité et d'ostéopathie, nécessaires à M. D... H... en raison de ses douleurs et pour accroitre son autonomisation, sur la base de factures établies par M. C... pour un total de 2 220 euros, par Mme I... pour un total de 905 euros et par M. F... pour un total de 110 euros, dont 35 ont été remboursés par la mutuelle des consorts H.... Ils justifient donc d'un total de 3 180 euros resté à leur charge, et au regard du courrier de la société AON du 14 janvier 2021, que ces dépenses sont restées à leur charge.

12. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ou du fait que celle-ci n'a subi que la perte d'une chance d'éviter le dommage corporel. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

13. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, qui n'a présenté aucune conclusion tendant à la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser à hauteur de ses débours postérieurs au jugement du tribunal administratif de Versailles, a répondu à l'invitation de la cour en justifiant de ces derniers à hauteur de 11 522 euros de frais hospitaliers, de 1 165,15 euros de frais médicaux, de 1 134,56 euros de frais de transport et, au regard de la période en cause , de 3 544,57 euros de frais pharmaceutiques, soit un total de 17 366,28 euros.

14. Au regard de ces éléments, il est justifié de dépenses de santé, sur la période à indemniser, d'un montant total de 20 546,28 euros. Le montant indemnisable à raison des dépenses de santé étant de 10 273,14 euros après application du taux de perte de chance, et les requérants justifiant d'un montant de dépenses de 3 180 euros inférieur au montant indemnisable, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à indemniser ce chef de préjudice à hauteur de 3 180 euros.

Quant aux dépenses en relation avec le handicap :

15. Si les consorts H... demandent une indemnisation à hauteur de 961,11 euros au titre de l'achat de 2 ventilateurs qui aurait été rendu nécessaire, s'agissant du premier, par les conditions d'hospitalisation de M. D... H... à l'hôpital San Salvadour, et, pour le second, par le vol du premier ventilateur dans ledit hôpital, il ne résulte pas de l'instruction que ces dépenses, qui résultent des conditions de prise en charge de D... dans cet établissement, auraient un lien direct et certain avec la faute commise par le centre hospitalier.

16. Les consorts H... justifient d'une dépense de 474 euros pour l'achat d'un siège de douche adapté à l'état de leur fils, D..., et peuvent prétendre à une indemnisation à hauteur de 237 euros après application du taux de perte de chance de 50 % prévu au point 7.

17. Si les consorts H... demandent également l'indemnisation du préjudice résultant du coût des travaux d'aménagement de leur logement, réalisés pour accueillir D... et lui permettre d'y évoluer de façon autonome et sûre, qu'ils fixent à 37 285,69 euros, les factures et devis produits font état de travaux sur l'ensemble de la maison avec notamment la suppression des meubles vasques dans les 3 chambres, la pose de spots dans les faux plafonds, la suppression de placards, la reprise de l'électricité dans le garage et l'installation de baignoires balnéo de luxe pour 4 840 euros. Il ne ressort donc pas des pièces produites, au regard du libellé des chefs de dépense, que l'intégralité des travaux réalisés serait justifiés par la prise en charge de M. D... H... au domicile de ses parents. Néanmoins, l'état de M. D... H... ayant nécessairement impliqué des travaux d'aménagement dudit logement, il sera fait une juste appréciation du montant des dépenses correspondantes en les fixant à 7 000 euros, auxquels il convient d'appliquer le taux de perte de chance de 50 %, soit un montant indemnisable de 3 500 euros.

18. Les consorts H... demandent également une indemnisation à hauteur de 24 922,80 euros au titre des protections achetées pour M. D... H... qui souffre d'incontinence. Ils soutiennent qu'ils ont acheté des protections depuis la naissance de D..., y compris pendant les périodes de prise en charge au sein de structures hospitalières du fait de la déficience des protections fournies par les établissements. Ils se prévalent en outre d'un coût unitaire de 92 centimes d'euro en lieu et place du coût de 50 centimes retenu par le tribunal, qui a indemnisé ce chef de préjudice à hauteur de 11 325 euros. Toutefois, pour remettre en cause le montant retenu par le tribunal, les consorts H... ne produisent qu'une facture répondant à une commande d'août 2017 et des factures répondant à des commandes passées entre les mois de mars et décembre 2020. Or, si ces factures font bien état de montants proches de ceux invoqués par les requérants, à savoir 96 centimes d'euro à raison de 21 protections achetées pour 25,90 euros, il ne résulte pas de l'instruction que ce modèle de protection aurait été utilisé par D... depuis sa naissance, en particulier pendant son enfance. Il a au surplus été pris en charge en externat à l'institut médico-éducatif Normandie Lorraine et en internat à l'hôpital San Salvadour, lequel fournissait des protections selon les propres écritures des requérants, quand bien même ils les jugent mal adaptées. Au regard des éléments qu'ils apportent, les consorts H... ne justifient donc pas que l'indemnisation de 11 325 euros qui leur a été allouée par le tribunal pour ce chef de préjudice n'aurait pas couvert les dépenses qu'ils ont dû engager jusqu'à la date de lecture du jugement. Il y a lieu en revanche d'appliquer à ce montant le taux de perte de chance de 50 % et de ramener le montant retenu par le tribunal à 5 662,50 euros.

19. Pour la période postérieure à la date de lecture du jugement, les époux H... ne justifient pas, par les pièces qu'ils produisent, qu'ils auraient dû fournir des protections pendant la période de prise en charge de M. D... H... à l'hôpital San Salvadour. Ils sont en revanche fondés à demander une indemnisation sur ce fondement à raison des jours de prise en charge de leur enfant à leur domicile sur cette période, puis à compter du 23 mars 2020, date de prise en charge de M. D... H... à leur domicile, et ce à raison de 5 protections par jour au coût unitaire de 92 centimes qu'ils réclament, justifié par les factures évoquées plus haut. En retenant les permissions de sortie d'au moins une journée retracées dans les récapitulatifs des permissions de sortie de M. D... H... établis par l'hôpital San Salvadour, ce dernier peut être regardé comme ayant passé 59 jours et demi au domicile de ses parents en 2019, 10 jours jusqu'au 23 mars 2020, puis, à compter de cette date et jusqu'à la date de mise à disposition de l'arrêt, 821 jours. Sur la base d'une indemnisation à hauteur de 4,60 euros par jour, les requérants sont donc fondés à demander une indemnisation à hauteur de 4 096,30 euros du 1er janvier 2019 à la date de mise à disposition de l'arrêt. Il y a lieu d'y appliquer le taux de perte de chance de 50 %, soit un montant de 2 048,15 euros.

20. Pour la période postérieure à la date de mise à disposition de l'arrêt, et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'incontinence de M. D... H... serait susceptible de disparaître, il y a lieu de condamner le centre hospitalier intercommunal à verser aux consorts H... une rente trimestrielle d'un montant de 414 euros, ramené à 207 euros après application du taux de perte de chance de 50 %, à verser par trimestre échu. Ce montant sera revalorisé mensuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Si M. D... H... était à nouveau pris en charge dans un institut médico-éducatif ou un établissement hospitalier, le montant de cette rente serait réduit en proportion du nombre de jours passés dans cet établissement.

21. Enfin, les consorts H... ont justifié devant le tribunal comme la cour d'une dépense de 1 560 euros correspondant à l'assistance à expertise assurée par le docteur A.... Il y a lieu, après substitution du taux de perte de chance de 50 % à celui de 80 % retenu par le tribunal, de ramener le montant indemnisé à 780 euros.

Quant à l'assistance par une tierce personne :

22. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.

23. Aux termes de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles, d'une part : " Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France (...) dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation (...) ". Aux termes de l'article L. 245-3 du même code : " La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges : / 1° liées à un besoin d'aides humaines y compris, le cas échéant, celles apportées par des aidants familiaux (...) ". Aux termes de son article L. 245-4 : " L'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-3 est accordé à toute personne handicapée (...) lorsque son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière (...). Le montant attribué à la personne handicapée est évalué en fonction du nombre d'heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent-temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur. ". Enfin, aux termes de l'article L. 245-7 du même code : " (...) Les sommes versées au titre de cette prestation ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune (...) ".

24. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de la sécurité sociale, d'autre part : " Toute personne qui assume la charge d'un enfant handicapé a droit à une allocation d'éducation de l'enfant handicapé, si l'incapacité permanente de l'enfant est au moins égale à un taux déterminé. / Un complément d'allocation est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l'aide d'une tierce personne. Son montant varie suivant l'importance des dépenses supplémentaires engagées ou la permanence de l'aide nécessaire. / (...) L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé n'est pas due lorsque l'enfant est placé en internat avec prise en charge intégrale des frais de séjour par l'assurance maladie, l'Etat ou l'aide sociale, sauf pour les périodes de congés ou de suspension de la prise en charge ". Il résulte de ces dispositions que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé est destinée à compenser les frais de toute nature liés au handicap et qu'elle peut faire l'objet d'un complément lorsque ces frais sont particulièrement élevés ou que l'état de l'enfant nécessite l'assistance fréquente d'une tierce personne.

25. Il résulte des dispositions du code de l'action sociale et des familles précitées que les sommes versées au titre de la prestation de compensation du handicap ne font pas l'objet d'un recouvrement lorsque le bénéficiaire est revenu à meilleure fortune. Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit par ailleurs la récupération de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune. Il suit de là que le montant de la prestation de compensation du handicap et celui de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de son complément éventuel peuvent être déduits d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance par tierce personne.

26. Néanmoins, les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. Dans un tel cas, l'indemnisation doit être diminuée du montant de cet excédent.

27. Sur la période du 22 mai 2003 au 21 mai 2006, si les consorts H... demandent une indemnisation au titre l'assistance par une tierce personne à raison de 24 heures par jour, il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise des docteurs Vézin et Mselati n'a pas retenu de besoin d'assistance spécifique sur cette période. Les consorts H..., qui ont bénéficié par ailleurs de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé à compter du mois d'avril 2004, ne justifient pas d'un préjudice spécifique eu égard à l'assistance dont doit bénéficier, en tout état de cause, un enfant de trois ans et moins.

28. Sur la période du 22 mai 2006 au 21 mai 2009, le rapport d'expertise a retenu un besoin d'assistance active de 3 heures par jour. Si les consorts H... demandent une indemnisation à raison de 24 heures d'assistance par jour et sur la base d'un taux horaire de 21 euros, il y a lieu de retenir un besoin d'assistance de 3 heures par jour en l'absence de remise en cause pertinente des conclusions des experts, alors qu'il résulte au surplus de l'instruction que M. D... H... a été partiellement scolarisé sur la période. Sur cette base, et en retenant 412 jours pour une année afin de tenir compte des congés et jours fériés et d'un taux horaire de 18 euros par heure correspondant à une assistance active, il y a lieu de fixer le coût de l'assistance par une tierce personne à 66 744 euros pour l'ensemble de la période. Au regard du taux de perte de chance fixé au point 7, les intéressés pourraient donc prétendre à une indemnisation de 33 372 euros. Eu égard au montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçue sur la période concernée, qui peut être fixé à 4 210,24 euros au vu des pièces produites, il n'y a pas lieu de déduire le montant de cette allocation de l'indemnisation de l'assistance par une tierce personne dès lors que le montant cumulé de l'indemnisation de ce chef de préjudice et de l'allocation n'excède pas le montant total des frais d'assistance par tierce personne. Il y a donc lieu d'indemniser ce chef de préjudice à hauteur de 33 372 euros après application du taux de perte de chance de 50 %.

29. A compter du 22 mai 2009 et jusqu'à la majorité de M. D... H..., le rapport d'expertise a évalué le nombre d'heures d'assistance par une tierce personne nécessité par son état à 6 heures par jour. Sur la période du 22 mai 2009 au 31 août 2009, l'enfant était pris en charge par ses parents à leur domicile et il sera fait une juste appréciation du besoin d'assistance par une tierce personne en le fixant à 6 heures par jour. Sur cette base et en retenant 412 jours pour une année et 18 euros par heure pour les motifs exposés au point précédent, les consorts H... peuvent donc prétendre à une indemnisation à hauteur de 12 312,91 euros à laquelle il convient d'appliquer le taux de 50 % prévu au point 7, soit un montant de 6 156,46 euros. Eu égard au montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçue sur cette période, qui peut être fixé au montant total de 2 078,43 euros, il n'y a pas lieu de déduire du montant de l'indemnisation celui de l'allocation perçue dès lors que le montant cumulé de l'indemnisation et de l'allocation n'excède pas le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. Sur la période du 1er septembre 2009 au 8 avril 2014, M. D... H... résidait au domicile familial mais a été partiellement pris en charge, dans la journée sous le régime de l'externat, au centre Normandie Lorraine. S'agissant des 550 jours de prise en charge en externat, il y a lieu de ne retenir que 3 heures par jour d'assistance par une tierce personne. Il y a donc lieu, sur ces bases, d'évaluer le coût de l'assistance par une tierce personne à 137 758,30 euros au titre des jours nécessitant 6 heures d'assistance et à 33 522,50 euros au titre des jours nécessitant 3 heures d'assistance, soit un total de 171 280,80 euros, et de fixer le préjudice indemnisable à hauteur de 85 640,40 euros après application du taux de perte de chance de 50 %. Eu égard au montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçue sur la période concernée, pour un total de 34 571,55 euros, il n'y a pas lieu de déduire du montant de l'indemnisation celui de l'allocation perçue dès lors que le montant cumulé de l'indemnisation et de l'allocation n'excède pas le montant total des frais d'assistance par tierce personne. Sur la période du 8 avril 2014 au 22 mars 2020, M. D... H... a été pris en charge à l'hôpital San Salvadour en internat, ce régime n'ouvrant théoriquement pas droit à indemnisation au titre de l'assistance par tierce personne. Si les consorts H... soutiennent qu'ils se rendaient plusieurs heures par jour à l'hôpital pour assurer un traitement correct à leur enfant et qu'ils ont embauché une aide pour des promenades, ils ne justifient pas que les conditions de sa prise en charge dans cet établissement auraient rendu nécessaire une assistance par une tierce personne, et ce quand bien même il résulte de l'instruction que M. D... H... a fait l'objet de maltraitance de la part d'un soignant. Il n'y a donc pas lieu de prendre en compte les heures revendiquées par les consorts H... à ces fins. En revanche, il résulte de l'instruction que M. D... H... a passé plusieurs journées au domicile de ses parents. Les requérants ne sont pas en mesure de justifier précisément du nombre de jours concernés et les attestations de retour au foyer et le récapitulatif des permissions et sorties établis par l'hôpital San Salvadour ne permettent pas plus de fixer avec précision ce nombre de jours, au regard de leur caractère incomplet et de leurs approximations. Il est toutefois possible, après rapprochement avec les débours notifiés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure et en retenant les seules sorties d'une journée au moins qui sont peu susceptibles de correspondre à une simple sortie ou un rendez-vous médical, de retenir 47 jours au titre de l'année 2014, 62 jours au titre de l'année 2015, 76 jours au titre de l'année 2016, 50 jours au titre de l'année 2017, 41 jours au titre de l'année 2018 en extrapolant à partir des chiffres des mois de janvier à avril et en retenant 10 jours au titre des vacances d'été et 4 jours au titre des vacances de Noël sur la base des sorties des années précédentes, 59 jours et demi pour l'année 2019 et 10 jours du 1er janvier au 23 mars 2020, soit un total de 345 jours et demi. Ils peuvent donc prétendre à une indemnisation de l'assistance par une tierce personne à hauteur de 6 heures par jour, à raison de 18 euros de l'heure et sur une base de 412 jours par an pour ces 345 jours et demi, soit un montant de 42 119,91 euros à ce titre, ramené à 21 059,95 euros après application du taux de perte de chance de 50 %. Il n'y a pas lieu d'en déduire le montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçue sur la période en cause, soit 9 151,92 euros, ni celui de la prestation de compensation du handicap correspondant à la période en cause, soit 1 033,18 euros, dès lors que le montant cumulé de l'indemnisation et de ces prestations n'excède pas le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

30. Enfin, il résulte de l'instruction que M. D... H... est accueilli au domicile de ses parents à compter du 23 mars 2020. S'ils se prévalent de la nécessité de surveiller à chaque instant leur fils, ils peuvent prétendre, au vu des résultats de l'instruction et de la situation qu'ils décrivent, à une assistance par tierce personne à raison de 6 heures par jour, et ce même au-delà du 22 mai 2021, date de sa majorité, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que son état de santé est de nature à s'améliorer après la date de consolidation de son état. Il y a lieu, en outre, de retenir le montant de 19,50 euros par heure versé par les époux H... à Mme G..., dont ils justifient. Sur ces bases, le coût de l'assistance par une tierce personne peut être évalué, à la date du présent arrêt, à 108 425,98 euros, auxquels il convient d'appliquer le taux de perte de chance de 50 %, soit 54 212,99 euros. Eu égard au montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçu sur la période, soit 543,41 euros, au rappel de 2 291,02 euros effectué par le département en juillet 2020 et au montant total de la prestation de compensation du handicap perçue, qui peut être arrêté à un montant de 48 829,37 euros, il n'y a pas lieu de déduire le montant de ces prestations du montant indemnisable dès lors que le montant cumulé de l'indemnisation et de l'allocation n'excède pas le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

31. Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d'accorder à M. D... H... une somme de 200 441,80 euros au titre de l'assistance par une tierce personne.

32. Par ailleurs, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'état de M. D... H..., qui réside au domicile de ses parents, est susceptible de s'améliorer postérieurement à la date de mise à disposition de l'arrêt, les requérants sont fondés à demander que les frais futurs afférents à l'assistance d'une tierce personne soient réparés par une rente trimestrielle jusqu'à la date de consolidation effective de son état. Cette dernière sera calculée sur la base d'une assistance de 6 heures par jour sept jours sur sept, en retenant un taux horaire de 19,50 euros, ramené à 9,75 euros pour application du taux de perte de chance de 50 %, et sur une base de 103 jours par trimestre. Elle sera versée par trimestre échu et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Si M. D... H... n'était plus pris en charge au domicile de ses parents ou d'un membre de sa famille et devait être pris en charge en internat ou en externat au sein d'un établissement, la rente sera versée au prorata du nombre d'heures passées au domicile familial dont il aura été justifié. Enfin les sommes perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap viendront en déduction du montant à verser dans la mesure nécessaire à ce que le montant cumulé de la rente et de ces prestations n'excède pas le montant des frais d'assistance par une tierce personne qui peut être fixé, sur les bases rappelées plus haut, à 48 204 euros par an.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux de M.D... H... :

33. Les docteurs Vézin et Mselati ont retenu, dans leur rapport d'expertise, un déficit fonctionnel total pendant 6 semaines et un déficit partiel de 75 % après cette période. Si les consorts H... demandent une majoration de l'indemnisation qui leur a été allouée par le tribunal au titre de ce préjudice, ils ne remettent pas en cause le pourcentage retenu par les experts et ne justifient pas que l'évaluation de ce chef de préjudice par le jugement attaqué et jusqu'à la date de sa lecture serait erronée. Il y a lieu, en revanche, de ramener le montant de l'indemnité accordée à M. D... H... au titre de son déficit fonctionnel temporaire, jusqu'à la date de consolidation de son état, à 56 000 euros après application d'un taux de perte de chance de 50 %.

34. Si les consorts H... se prévalent de l'importance des souffrances endurées par M. D... H..., ils ne contestent pas l'évaluation des experts à hauteur de 6 sur une échelle de 7. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que le tribunal, en évaluant ce chef de préjudice à 28 000 euros, n'en aurait pas fait une juste appréciation. Il y a lieu toutefois de ramener le montant de l'indemnisation à 14 000 euros après application du taux de perte de chance de 50 %.

35. Les experts ont évalué le préjudice esthétique, avant consolidation, à 5 sur une échelle de 7. Au regard des handicaps et des séquelles esthétiques en résultant pour M. D... H..., le tribunal a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à 25 000 euros. Il y a donc lieu de l'indemniser à hauteur de 12 500 euros après application d'un taux de perte de chance de 50 %.

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux des époux H... :

36. Le tribunal administratif de Versailles a indemnisé le préjudice d'affection des époux H... à hauteur de 16 000 euros chacun après application du taux de perte de chance de 80 % qu'il avait retenu, soit un préjudice évalué à 20 000 euros. Ce faisant, le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice. Il y a lieu, toutefois, d'appliquer à cette évaluation de 20 000 euros le taux de perte de chance de 50 % fixé au point 7 du présent arrêt, et de condamner le centre hospitalier à indemniser les époux H... à hauteur de 10 000 euros chacun.

37. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de procéder à une nouvelle expertise, que le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye est seulement fondé à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a fixé le taux de perte de chance à 80 % et de réduire en conséquence ses condamnations par l'application d'un taux de 50 %, s'agissant notamment de l'indemnisation de la caisse primaire d'assurance maladie qui doit être ramenée à 190 716,13 euros, de M. D... H... en ramenant l'indemnisation de son préjudice extrapatrimonial à 82 500 euros et celle du préjudice extrapatrimonial des époux H... en la ramenant à 10 000 euros chacun. Les consorts H... sont pour leur part fondés à demander la réformation du jugement en portant le montant de la condamnation du centre hospitalier à indemniser le préjudice patrimonial de M. D... H... à 215 849,45 euros ainsi qu'en condamnant le centre hospitalier au versement de deux rentes au titre des protections nécessitées par l'état de M. D... H... et de l'assistance par une tierce personne, dans les conditions précisées aux points 20 et 32 du présent arrêt.

Sur les intérêts :

38. Aux termes de l'article 1153-1 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement (...) ".

39. Les consorts H... ont introduit leur demande préalable d'indemnisation par un courrier du 15 janvier 2016, reçu le 26 janvier. Ils ont droit à ces intérêts sur les sommes qui leur sont attribuées aux points 14 à 36 du présent arrêt à compter de cette dernière date.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

40. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye la somme de 1 500 euros au titre des conclusions présentées par les consorts H... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le centre hospitalier pouvant être regardé comme la partie perdante pour l'essentiel.

DÉCIDE :

Article 1er : La condamnation du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à indemniser M. et Mme H... en qualité de représentants de leurs fils D... est portée à 298 349,45 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2016.

Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye est condamné à verser à M. et Mme H... en qualité de représentants de leurs fils D..., à partir du 10 juin 2022, une rente trimestrielle jusqu'à la date de consolidation effective de son état, au titre des frais d'assistance par une tierce personne. Cette dernière sera calculée sur la base d'une assistance de 6 heures par jour sept jours sur sept, en retenant un taux horaire de 9,75 euros et sur une base de 103 jours par trimestre. S'il n'était plus pris en charge au domicile de ses parents ou d'un membre de sa famille et devait être pris en charge en internat ou en externat au sein d'un établissement, la rente serait versée au prorata du nombre d'heures passées au domicile familial dont il aurait été justifié. Les sommes perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap viendront en déduction du montant à verser dans la mesure nécessaire à ce que le montant cumulé de la rente et de ces prestations n'excède pas le montant des frais d'assistance par une tierce personne qui peut être fixé. Elle sera versée par trimestre échu et revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye est condamné à verser à M. et Mme H... en qualité de représentants de leur fils D..., à partir du 23 juin 2022, une rente trimestrielle d'un montant de 207 euros au titre du coût des protections. Ce montant sera revalorisé mensuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Si M. D... H... était à nouveau pris en charge dans un institut médico-éducatif ou un établissement hospitalier, le montant de cette rente serait réduit en proportion du nombre de jours passés dans cet établissement.

Article 4 : La condamnation du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à indemniser M. et Mme H... au titre de leur préjudice d'affection est ramenée à 10 000 euros chacun. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2016.

Article 5 : La condamnation du centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye à indemniser la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure est ramenée à 190 716,13 euros.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye versera aux consorts H... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... H... et Mme E... H..., à M. D... H..., au centre hospitalier intercommunal de Poissy - Saint-Germain-en-Laye et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Moulin-Zys, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.

Le rapporteur,

O. B...Le président,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nos 19VE00730, 19VE00732002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00730
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Olivier MAUNY
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : CABINET COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES;SARL LE PRADO - GILBERT;CABINET COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-23;19ve00730 ?
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