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21/06/2022 | FRANCE | N°22VE00461

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 21 juin 2022, 22VE00461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 de la préfète du Loiret décidant son transfert aux autorités italiennes et l'arrêté du 9 décembre 2021 l'assignant à résidence, qui lui ont été notifiés le 26 janvier 2022.

Par un jugement n° 2200297 du 2 février 2022, le tribunal administratif d'Orléans a annulé ces deux arrêtés et enjoint à la préfète du Loiret, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence

du requérant, d'enregistrer la demande d'asile de M. C... en procédure normale et de lui délivrer...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 de la préfète du Loiret décidant son transfert aux autorités italiennes et l'arrêté du 9 décembre 2021 l'assignant à résidence, qui lui ont été notifiés le 26 janvier 2022.

Par un jugement n° 2200297 du 2 février 2022, le tribunal administratif d'Orléans a annulé ces deux arrêtés et enjoint à la préfète du Loiret, ou au préfet territorialement compétent au regard du lieu de résidence du requérant, d'enregistrer la demande d'asile de M. C... en procédure normale et de lui délivrer l'attestation de demande d'asile afférente prévue par l'article R. 521-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'imprimé mentionné à l'article R. 531-3 du même code lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2022, la préfère du Loiret demande à la cour d'annuler le jugement attaqué.

Elle soutient que :

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris en compte des éléments de fait relatifs à la situation de M. C... que celui-ci n'avait pas portés à sa connaissance lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, ces éléments ne lui ayant été communiqués que le lendemain de la décision contestée, à l'appui du recours contentieux ;

- la décision de transfert n'a pas porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de M. C... dès lors que les arrêtés contestés ont uniquement pour objet de le renvoyer en Italie, Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile, et non au Mali, son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2022, M. C..., représenté par Me Rouillé-Mirza, avocate, demande à la cour de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et conclut :

1° au rejet de la requête ;

2° à la confirmation de l'annulation des arrêtés contestés ;

3° à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Loiret de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ; l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses attaches familiales en France ; la préfète ne saurait se prévaloir de ce qu'il a indiqué être célibataire lors de l'entretien individuel en raison d'un biais culturel ; à cet égard, le guide du demandeur d'asile est incomplet en ce qu'il prévoit que l'entretien individuel est destiné à déterminer les liens familiaux du demandeur dans d'autres Etats membres et non en France ; il n'a pas été informé de ce qu'il devait apporter la preuve de sa relation de couple avec son compagnon résidant en France ; sa vulnérabilité n'a pas été correctement évaluée ;

- subsidiairement, l'arrêté de transfert est insuffisamment motivé en droit ;

- il n'est pas établi que le relevé Eurodac le concerne ; le relevé communiqué ne comporte aucun nom ;

- il n'est pas établi que les autorités italiennes ont été saisies dans le délai de deux mois suivant la prise de ses empreintes, en méconnaissance de l'article 23 du règlement (UE) 604/2013 ;

- il n'est pas établi que les autorités italiennes ont donné leur accord dans le délai de deux mois ; la décision des autorités italiennes mentionne que le transfert ne sera pas accepté au-delà du 21 octobre 2021 ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est illégal par exception d'illégalité de l'arrêté de transfert ;

- il doit être annulé dès lors que les autorités italiennes ont refusé le transfert à une date postérieure au 21 octobre 2021.

Par une ordonnance du 30 mars 2022, l'instruction a été fixée au 29 avril 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les observations de Me Rouillé-Mirza, pour M. C...

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant malien né le 28 avril 1996, entré en France via l'Italie le 9 août 2021, a déposé une demande d'asile le 13 août 2021 enregistrée en procédure Dublin. Par deux arrêtés des 7 et 9 décembre 2021, notifiés le 26 janvier 2022, la préfète du Loiret a décidé de son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence. Elle relève appel du jugement du 2 février 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé ces deux arrêtés et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. C... en procédure normale, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président. "

3. M. C... justifie avoir présenté une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été statué. Il y a lieu de prononcer son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur l'annulation prononcée par le tribunal :

4. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

5. Pour annuler les arrêtés portant transfert de M. C... aux autorités italiennes et assignation à résidence, le tribunal s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé a rejoint en France son compagnon, avec lequel il entretient une relation sentimentale depuis près de deux ans, lui-même admis au bénéfice de l'asile en France du fait de son orientation sexuelle et que cette relation constitue sa seule attache dès lors qu'il est en rupture avec sa famille au Mali. En se bornant à soutenir que M. C... n'a pas porté ces éléments de fait à sa connaissance lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, ni même avant l'édiction de la décision contestée, sans en contester la réalité, ni l'appréciation portée par le tribunal au regard de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions rappelées au point précédent, la préfète du Loiret ne critique pas utilement le motif d'annulation retenu par le tribunal, dès lors que des éléments de fait, même postérieurs à la décision, peuvent affecter sa légalité s'ils révèlent une situation de fait antérieure à celle-ci. Est également sans incidence sur la mise en œuvre de la cause discrétionnaire la circonstance que l'arrêté de transfert a pour objet de remettre l'intéressé aux autorités de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile et non de le renvoyer dans son pays d'origine.

6. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Loiret n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal d'Orléans a annulé ses arrêtés des 7 et 9 décembre 2021 portant transfert aux autorités italiennes et assignation à résidence de M. C... et lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile lui permettant de déposer sa demande d'asile en France.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. C... :

7. Il résulte de l'instruction que le jugement attaqué, qui a enjoint à la préfète du Loiret de mettre M. C... en possession d'une attestation de demande d'asile en procédure normale lui permettant de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de quinze jours, n'a pas été exécuté. Il y a dès lors lieu, de prescrire à la préfète du Loiret de justifier de l'exécution de l'article 3 du jugement dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais de l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : M. C... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête de la préfète du Loiret est rejetée.

Article 3 : Il est enjoint à la préfète du Loiret de justifier de l'exécution, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de l'injonction prescrite à l'article 3 du jugement du 2 février 2022.

Article 4 : : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C.... Copie en sera adressée à la préfète du Loiret.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

La rapporteure,

O. A... Le président,

P. BEAUJARD

La greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme,

La greffière,

N°.22VE00461 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00461
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SELARL EQUATION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-21;22ve00461 ?
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