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21/06/2022 | FRANCE | N°22VE00306

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 21 juin 2022, 22VE00306


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Par un jugement n° 2008517 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 févri

er 2022, Mme D..., représentée par Me Griolet, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Par un jugement n° 2008517 du 1er juin 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2022, Mme D..., représentée par Me Griolet, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement ;

3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salariée " ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'incompétence ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors que, le préfet ayant examiné sa demande sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, il ne pouvait, sauf à méconnaître les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui opposer les conditions de détenir un visa de long séjour et de justifier d'une autorisation de travail ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle justifie de l'ancienneté de son séjour et de ses attaches familiales en France, qu'elle y a régulièrement travaillé et qu'elle est dépourvue de toute attache familiale en Algérie ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Des pièces ont été produites par Mme D... le 19 mai 2022.

Par une ordonnance du 10 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 mai 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bouzar, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante algérienne née le 22 février 1973 à Hussein Dey (Algérie), entrée en France le 3 octobre 2010 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 7 mars 2018 à la sous-préfecture de Boulogne-Billancourt. Par un arrêté du 25 octobre 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. Mme D... relève appel du jugement du 1er juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, par un arrêté n° 2019-53 du 10 septembre 2019 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 16 septembre 2019, le préfet des Hauts-de-Seine a donné délégation à M. A..., sous-préfet d'Antony et de Boulogne-Billancourt, signataire de l'arrêté attaqué, pour signer les décisions refusant la délivrance de titres de séjour, portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Dès lors, le moyen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, si dans le cadre d'une contestation d'un acte règlementaire par voie d'exception, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux. Il en résulte que Mme D... ne peut utilement soutenir que l'arrêté n° 2019-53 du 10 septembre 2019 portant délégation de signature, qui revêt un caractère réglementaire, n'a pas été signé par le préfet des Hauts-de-Seine.

4. En troisième lieu, d'une part, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 9 du même accord, pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre de l'article 7, " les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".

5. D'autre part, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, il ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine, bien qu'ayant mentionné à tort dans son arrêté que Mme D... ne pouvait bénéficier d'une " admission exceptionnelle au séjour ", a en réalité examiné sa situation au regard des stipulations précitées du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien, et non pas au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, conformément aux stipulations de cet accord précitées au point 4, le préfet a pu, sans commettre d'erreur de droit, opposer à la demande de Mme D... l'absence de présentation par l'intéressée d'un visa de long séjour et d'une autorisation de travail.

7. En quatrième lieu, il résulte du point 5 que Mme D..., en sa qualité de ressortissante algérienne, ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En cinquième lieu, aux termes du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Il ressort des pièces du dossier que Mme D... séjourne de manière continue en France depuis la fin de l'année 2010. Elle ne peut cependant justifier de liens personnels et familiaux en France tels que le refus qui lui a été opposé porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. S'il est constant qu'elle séjourne chez son frère, M. C... D..., titulaire d'une carte de résident, elle ne justifie d'aucun autre lien personnel ou familial. Si elle soutient que son autre frère ne réside pas en Algérie et que ses parents sont décédés, il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressée, célibataire et sans charges de famille en France, a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 37 ans. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Hauts-de-Seine a méconnu les stipulations précitées.

9. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que, depuis son entrée en France le 3 octobre 2010 jusqu'à la date de l'arrêté contesté, Mme D... a effectué des missions d'intérim entre le mois d'août 2012 et le mois de mai 2013, qu'elle a travaillé comme femme de chambre pour la société " Entreprise Nettoyage Service " de juin 2014 à décembre 2014 pour un salaire mensuel de 983 euros, puis de janvier 2015 à mai 2015 pour un salaire mensuel moyen de 500 euros. Si elle produit deux attestations de particuliers selon lesquels elle travaillerait pour eux comme aide à domicile, depuis 2016 et 2017, l'une de ces attestations n'est pas corroborée par d'autres éléments tels que des fiches de paie, l'autre ne l'est que par des fiches de paie produites à partir d'avril 2019 pour un salaire mensuel de 150 euros. Eu égard à ces éléments et à ce qui a été exposé au point précédent, elle n'est pas fondée à soutenir que, en adoptant l'arrêté contesté, le préfet des Hauts-de-Seine a commis une erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président,

Mme Dorion, présidente assesseure,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

M. BOUZARLe président,

P. BEAUJARDLa greffière,

C. FAJARDIELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE00306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00306
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : GRIOLET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-21;22ve00306 ?
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