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21/06/2022 | FRANCE | N°20VE02379

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 21 juin 2022, 20VE02379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bio-Rad France Holding a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des majorations de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, pour un montant de 4 765 235 euros.

Par un jugement n° 1813496 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mé

moires, enregistrés les 14 septembre 2020, 2 avril 2021 et 12 octobre 2021, la société Bio-Rad ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bio-Rad France Holding a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des majorations de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011, pour un montant de 4 765 235 euros.

Par un jugement n° 1813496 du 17 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 septembre 2020, 2 avril 2021 et 12 octobre 2021, la société Bio-Rad France Holding, représentée par Me Perrin et Me Rudeaux, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la décharge des pénalités contestées ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas été informée des modalités de détermination des pénalités ;

- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier dès lors qu'il ne fait pas référence aux documents contenant les bases de la liquidation ;

- l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales a été méconnu en ce que le service n'a pas motivé les pénalités dans la lettre d'information du 15 octobre 2015 et en ce que cette lettre ne lui indique pas qu'elle disposait d'un nouveau délai de trente jours pour présenter ses observations avant la mise en recouvrement ;

- subsidiairement, les vices non-substantiels dont est entachée la procédure d'imposition justifient la décharge des majorations en application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- plus subsidiairement, elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle B... du 4 août 1956.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 mars 2021 et le 13 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 octobre 2021, l'instruction a été close au 12 novembre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Rudeaux pour la société Bio-Rad France Holding.

Considérant ce qui suit :

1. La société Bio-Rad France Holding société-mère intégrante du groupe Bio-Rad France, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 à 2012, à l'issue de laquelle le service a notamment remis en cause, sur le fondement de l'abus de droit, au titre des exercices 2010 et 2011, la déduction fiscale des intérêts versés par la société Bio-Rad Holding France à sa société mère danoise Bio-Rad Laboratories Aps sur des obligations remboursables en actions émises en 2004. Ces rehaussements d'imposition ont été assortis de la pénalité de 80 % prévue par le b de l'article 1729 du code général des impôts. La société Bio-Rad France Holding relève appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de cette majoration.

2. D'une part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) b. 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; (...) "

3. D'autre part, aux termes du quatrième alinéa de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Lorsqu'en application des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts la société mère d'un groupe est amenée à supporter les droits et pénalités résultant d'une procédure de rectification suivie à l'égard d'une ou de plusieurs sociétés du groupe, l'administration adresse à la société mère, préalablement à la notification de l'avis de mise en recouvrement correspondant, un document l'informant du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard dont elle est redevable. L'avis de mise en recouvrement, qui peut être alors émis sans délai, fait référence à ce document. "

4. Il résulte de l'article 223 A du code général des impôts qu'alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats et que c'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de rectification, dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. Les rectifications ainsi apportées aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom sur les rehaussements de ce résultat d'ensemble. L'information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de rectification qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de rectification concernés. Elle doit toutefois comporter, en ce qui concerne les pénalités, l'indication de leur montant, comme le prévoit l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, et des modalités de détermination mises en œuvre par l'administration, lesquelles constituent une garantie permettant à la société mère de contester utilement les sommes mises à sa charge.

Sur la majoration pour abus de droit à laquelle la société Bio-Rad France Holding a été assujettie au titre de l'année 2010 :

5. En premier lieu, la majoration pour abus de droit en litige au titre de l'année 2010 résulte des seules rectifications dont la société Bio-Rad France Holding a fait l'objet, suite à la vérification de sa propre comptabilité, en qualité de membre du groupe. La lettre d'information sur les conséquences de ces rectifications qui lui a été adressée le 15 octobre 2015 en application des dispositions rappelées au point 2, en sa qualité de société mère, comporte des tableaux chiffrés dont il ressort que les pénalités de 3 076 800 euros d'impôt sur les sociétés et 101 534 euros de contribution sociale mises en recouvrement correspondent à 80 % des impositions supplémentaires mises à la charge du groupe. Dans ces conditions, alors même que l'administration fiscale n'a pas précisé les modalités de détermination de cette majoration, la société requérante disposait des informations permettant de les contester utilement et n'a, par suite, été privée d'aucune garantie.

6. En deuxième lieu, l'avis de mise en recouvrement fait référence au document d'information adressé le 15 octobre 2015 à la société mère du groupe, qui comporte le montant global des pénalités, conformément aux dispositions au quatrième alinéa de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. Il est ainsi suffisamment motivé. Cet avis n'est pas davantage entaché d'irrégularité du fait de l'absence de mention de la lettre d'information du 31 juillet 2014 relative aux conséquences financières des rectifications notifiées à la société Bio-Rad Innovations dès lors que la vérification de la comptabilité de cette société n'a emporté aucune conséquence sur le montant de la majoration pour abus de droit mise à la charge de la société Bio-Raf France Holding au titre de l'année 2010.

7. En troisième lieu, la société Bio-Rad France Holding ne soutient pas utilement que les pénalités en litige sont insuffisamment motivées par la lettre d'information du 15 octobre 2015, dès lors que l'information qui doit être donnée à la société mère avant la mise en recouvrement n'a pas à reprendre les motifs justifiant les pénalités qui figurent dans la proposition de rectification adressée à la société contrôlée, ni pour effet d'accorder un nouveau de délai de trente jours à la société mère pour présenter des observations. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales doit être écarté comme inopérant dans ses deux branches.

8. En quatrième lieu, la procédure d'imposition n'étant pas entachée d'irrégularité, la société requérante n'est pas fondée à demander à la cour, à titre subsidiaire, de faire application des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, selon lesquelles : " la juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes ". Il n'y a en tout état de cause pas lieu de faire application de ces dispositions en l'espèce.

9. En dernier lieu, la société Bio-Rad France Holding se prévaut, à titre plus subsidiaire, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine contenue dans la réponse faite à M. B..., député, le 3 août 1956, dans laquelle le ministre des finances rappelle que " rien ne s'oppose en principe à ce que des pratiques dont l'irrégularité découle d'une interprétation inexacte de la loi et de la réglementation fiscale, sans revêtir un caractère frauduleux, soient redressées (...) même si de telles pratiques n'avaient pas fait l'objet de critiques au cours d'une vérification précédente, sans toutefois qu'aucune pénalisation soit infligée ". Elle fait valoir que l'administration n'avait procédé à aucun rehaussement, à l'occasion d'un précédent contrôle diligenté en 2006 portant sur les exercices 2003 et 2004, concernant les obligations remboursables en action dont les charges d'intérêts ont été comptabilisées depuis 2004. Toutefois, dès lors que la pénalité qui lui a été infligée sanctionne un abus de droit, la société requérante n'entre en tout état de cause pas dans les prévisions de cette doctrine applicable aux seules erreurs d'interprétation dépourvues de caractère frauduleux.

Sur la majoration pour abus de droit à laquelle la société Bio-Rad France Holding a été assujettie au titre de l'année 2011 :

10. La lettre du 15 octobre 2015 par laquelle l'administration a informé la société Bio-Rad France Holding, en sa qualité de société mère intégrante, du montant global par impôt des droits, des pénalités et des intérêts de retard mis en recouvrement le 16 novembre 2015 comporte, en ce qui concerne l'année 2011, la référence à la seule proposition de rectification qui lui avait été adressée le 24 juillet 2014 suite à la vérification de sa propre comptabilité, ainsi que les tableaux chiffrés tirant les conséquences financières de ces rectifications sur le résultat global du groupe. Alors qu'il ressort de cette proposition de rectification que la pénalité de 80 % pour abus de droit porte sur 2 292 euros de droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés, correspondant à un rehaussement en base de 6 876 000 euros, soit 1 833 417 euros, la majoration effectivement appliquée en conséquence du contrôle au niveau du groupe est de 1 536 206 euros, sans que la lettre du 15 octobre 2015 adressée à la société requérante tête de groupe précise les modalités de calcul de ce montant. Si l'administration fiscale a indiqué en phase contentieuse que cette somme résultait de la prise en compte d'une minoration d'assiette consécutive à la vérification d'une autre société du groupe, dont la société mère avait été informée par une lettre du 31 juillet 2014, cette information sur les modalités de détermination de la majoration pour abus de droit relative à l'année 2011 infligée au niveau du groupe n'a pas été portée à la connaissance de la société Bio-Rad France Holding avant sa mise en recouvrement. La société requérante est par suite fondée à soutenir qu'elle a été privée d'une garantie justifiant la décharge de la pénalité contestée au titre de l'année 2011.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bio-Rad France Holding est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge de la majoration pour abus de droit qui lui a été infligée au titre de l'année 2011.

Sur les frais de l'instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le surplus des conclusions de la requête de la société Bio-Rad est rejeté.

DECIDE :

Article 1er : La société Bio-Rad France Holding est déchargée de la majoration pour abus de droit à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 pour un montant de 1 536 206 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1813496 du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Bio-Rad France Holding en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Bio-Rad France Holding est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bio-Rad France Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

La rapporteure,

O. A...Le président,

P. BEAUJARDLa greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 20VE02379 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02379
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-015-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : TAJ SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-21;20ve02379 ?
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