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14/06/2022 | FRANCE | N°21VE02407

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 14 juin 2022, 21VE02407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine, le Maroc, ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, comme pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sous astreinte 10

0 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2019 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine, le Maroc, ou tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, comme pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sous astreinte 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2000679 du 13 octobre 2020 le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 août 2021, M. B..., représenté par Me Greffard Poisson, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais de justice en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- le jugement est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet aurait dû examiner la demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 alinéa 6 et L. 311-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté méconnait l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnait l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Un mémoire, présenté par le préfet du Loiret, a été enregistré le 23 mai 2022, postérieurement à la clôture d'instruction.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant marocain, né le 3 septembre 1984, relève appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 25 octobre 2019 refusant de lui accorder un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur le refus du titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

3. Si M. B... soutient que le préfet du Loiret a commis une erreur de droit en n'examinant pas, au regard des motifs exceptionnels ou humanitaires qui l'affectent, sa situation personnelle, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté préfectoral du 25 octobre 2019 indique, d'une part, le trouble à l'ordre public que cause sa présence sur le territoire en relevant, notamment, qu'il a fait l'objet d'un signalement SIRENE par les autorités italiennes le 1er janvier 2007, pour une durée de dix ans, aux motifs qu'il est connu pour des faits de cambriolages et d'affaires liées aux stupéfiants, qu'il s'est fait interpeller en France pour vol à l'étalage (6 septembre 2010), pour conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique (21 octobre 2017), pour agression sexuelle par une personne en état d'ivresse manifeste et violence par une personne en état d'ivresse manifeste suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours (31 octobre 2017), pour violence aggravée par trois circonstances n'excédant pas huit jours (26 mars 2018), pour non-respect d'obligation ou interdiction imposée par le juge aux affaires familiales dans une ordonnance de protection d'une victime de violences familiales ou de menace de mariage forcé (10 septembre 2019) et pour vol en réunion et dégradations en réunion (23 septembre 2021). Il a par ailleurs été condamné par le tribunal correctionnel de Paris le 19 avril 2010 à deux mois d'emprisonnement pour dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, et le 5 novembre 2010 à un mois pour vol aggravé par deux circonstances, ces condamnations ont à chaque fois pris en compte l'entrée et le séjour irrégulier sur le territoire français. Ainsi, la circonstance que l'arrêté mentionne simplement " la demande de renouvellement de titre de séjour " de M. B... et ne vise pas explicitement l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France, ne permet pas d'établir que le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant de prendre l'arrêté en litige. Par suite, en considérant que le requérant présente une menace pour l'ordre public, le préfet du Loiret n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit et pouvait légalement fonder son arrêté sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant la carte de séjour temporaire pouvant être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article 3 alinéa 1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a pu entretenir des relations avec Mme A... postérieurement à leur séparation, notamment lors de la naissance de leur troisième enfant ou lors de consultations médicales, ce qui est attesté par les certificats du 4 février 2021, du 22 janvier 2021 et du 10 octobre 2020. Néanmoins, les documents qu'il produit, et notamment une attestation très peu circonstanciée datée du 11 décembre 2019, n'établissent pas une reprise de la vie commune avec l'intéressée, en particulier à la date de la décision en litige. Par ailleurs, il ressort aussi des pièces du dossier et notamment de l'ordonnance de protection du 14 aout 2019, qu'en raison de violences commises sur son épouse, M. B... n'a plus le droit de rentrer en contact avec ses enfants, dont la résidence habituelle est fixée au domicile de Mme A.... La circonstance que M. B... a pu avoir des contacts avec ses enfants, postérieurement à cette ordonnance, ne permet pas d'affirmer que le requérant contribuerait effectivement à leur entretien et leur éducation, ni même qu'il entretiendrait des liens affectifs forts avec eux, les photos et les quelques messages téléphoniques fournis ne permettant pas de l'attester. Il en résulte que l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 alinéa 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. M. B..., qui est le père de quatre enfants français, issus du mariage avec Mme A..., dont deux étaient nés à la date de la décision en litige du préfet du Loiret, soutient qu'il contribue à l'éducation et l'entretien de ces enfants, au nombre desquels sa fille ainée atteinte de trisomie, depuis leur naissance. Cependant ces allégations ne sont pas suffisamment étayées par les pièces versées au dossier, s'agissant seulement des actes de naissance de ses enfants, du livret de famille, de leurs cartes nationales d'identité, de photographies et de quelques messages téléphoniques avec une personne non identifiée. Si le requérant déclare que Mme A... n'a pas poursuivi la procédure de divorce, le tribunal judiciaire d'Orléans a, toutefois, décidé dans son ordonnance de non-conciliation du 23 juillet 2020 d'attribuer l'exercice exclusif de l'autorité parentale des deux premiers enfants, les deux suivants n'étant pas encore nés, à Mme A..., eu égard aux éléments relatant la violence et l'alcoolisme de M. B... versés aux débats. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le requérant était de nouveau titulaire de l'autorité parentale sur ses enfants au moment de l'édiction de l'arrêté attaqué. S'il se prévaut d'une attestation peu circonstanciée établie par Mme A... en décembre 2019, celle-ci ne mentionne que sa volonté que son enfant à naitre connaisse son père. En outre les cinq photographies, non datées, présentant M. B... avec ses enfants ou à la maternité, ne permettent pas d'attester de la réalité et de l'intensité des liens que M. B... entretiendrait avec ses enfants, alors qu'il n'est pas démontré qu'il résiderait encore avec eux et leur mère. S'agissant des certificats, postérieurs à la date de la décision attaquée, attestant la présence de M. B... lors des consultations médicales du 25 janvier 2020, du 22 janvier 2021 et du 4 février 2021, la seule circonstance qu'il ait pu accompagner un de ses enfants lors de ces visites médicales ne permet pas de considérer que le requérant contribue effectivement à leur entretien et leur éducation. Dans ces conditions, en prenant la décision en cause, le préfet n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants ainsi qu'il a été dit au point 5. En outre, le requérant ne fait état d'aucune intégration personnelle ou professionnelle sur le territoire français depuis son arrivée en 2017. Ainsi qu'il l'a été développé au point 3, il constitue une menace pour l'ordre public et a notamment été interpellé pour des faits de violence et d'agression sexuelle. En tout état de cause, eu égard au comportement de l'intéressé sur le territoire et aux actes de violence commis, notamment à l'endroit de son épouse, alors qu'il n'est entré sur le territoire qu'à l'âge de 27 ans, qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc et qu'il n'établit pas l'impossibilité pour son épouse de lui rendre visite dans son pays d'origine, le moyen tiré du caractère disproportionné de l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale n'est pas établi. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que, en adoptant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Loiret aurait méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 alinéa 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 alinéa 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".

9. S'il ressort des pièces du dossier que M. B... est diabétique et insulinodépendant, il n'est toutefois pas établi ni même allégué qu'il ne pourrait pas bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret. Par suite, ses conclusions tendant au prononcé d'injonctions ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme Moulin-Zys, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2022.

Le président-assesseur,

O. MAUNYLe président-rapporteur,

P.-L. D...La greffière,

S. DIABOUGA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 21VE02407002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE02407
Date de la décision : 14/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : GREFFARD - POISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-14;21ve02407 ?
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