La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°21VE00369

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 juin 2022, 21VE00369


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 22 septembre 2020 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée ou familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la décision

intervenir, à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de police de Paris de proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 22 septembre 2020 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit, d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée ou familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, à titre subsidiaire d'enjoindre au préfet de police de Paris de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2006533 du 13 janvier 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 11 février, 18 mars et 2 avril 2021, M. C..., représenté par Me Monconduit, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2020 du préfet de police de Paris ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de Paris, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de Paris de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté et l'arrêté attaqué sont insuffisamment motivés et entachés d'un défaut d'examen ;

- ils sont entachés d'une erreur de fait et d'une erreur de droit au regard du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il justifie d'une entrée régulière sur le territoire ;

- ils sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation de sa situation et au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2021, le préfet de police de Paris conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Veillat, avocate de M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant marocain né le 17 janvier 1991 à Douar Aoudjou (Maroc), fait appel du jugement du 13 janvier 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant notamment à l'annulation de l'arrêté en date du 22 septembre 2020 par lequel le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort de l'examen du jugement attaqué que celui-ci fait état de ce que le frère et la sœur de M. C... résident en France ainsi que de son insertion professionnelle en tant que boulanger mais souligne également qu'il est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas avoir tissé en France des liens personnels, universitaires ou professionnels d'une particulière intensité. Par suite et alors même que ne seraient pas mentionnés l'ensemble des éléments relatifs à la situation du demandeur, notamment s'agissant de sa situation professionnelle, ce jugement comporte une motivation suffisante et non stéréotypée. Le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit dès lors être écarté. La circonstance que le premier juge n'aurait pas relevé l'erreur commise par le préfet de police de Paris qui l'a considéré comme " dépourvu de document transfrontalière (passeport) et ne [pouvant] justifier être entré régulièrement sur le territoire français ", alors que tel est le cas et qu'il ne pouvait faire l'objet de la décision contestée au seul visa du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le défaut d'examen qui s'ensuit, ont trait au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal et non au caractère suffisant ou non de la motivation retenue, et sont, par suite, sans incidence sur la régularité du jugement.

3. D'autre part, le surplus des moyens présentés par M. C..., en tant qu'ils visent le jugement contesté, procèdent d'une contestation du bien-fondé de ce dernier et non de sa régularité. Ils doivent, par suite et dans cette mesure, être écartés.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

4. En premier lieu, l'arrêté du 22 septembre 2020 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier les dispositions alors codifiées au 1° du I de l'article L. 511-1 sur le fondement desquelles il a été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier ses articles 3 et 8. Il est mentionné notamment que l'intéressé est dépourvu de document transfrontière et ne justifie pas être régulièrement entré sur le territoire français. Il précise que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi et alors même qu'il aurait été établi à l'aide d'un " document type " et ne ferait pas explicitement état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, l'arrêté attaqué comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Sont sans incidence à cet égard, d'éventuelles erreurs de droit commises par le préfet. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en cause doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police de Paris n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. C... et ce, alors même qu'il s'avèrerait in fine entaché d'une erreur de droit. Celui-ci ne saurait utilement faire valoir, à cet égard, qu'il " revenait au Préfet de requérir les éléments de fait concernant " sa situation au-delà des seuls éléments produits devant lui.

6. En troisième lieu, aux termes aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ".

7. Le préfet de police de Paris a pris sa décision d'obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que M. C... ne pouvait justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et était dépourvu d'un document transfrontière. M. C... produit, dans le cadre de l'instance contentieuse, son passeport dont il ressort qu'un visa de court séjour lui a effectivement été délivré et portant la mention du tampon d'arrivée à l'aéroport d'Orly le 27 novembre 2015. Il n'est pas établi, ni même soutenu par le préfet de police de Paris que l'intéressé serait sorti, entre temps, du territoire français. En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait obtenu un titre de séjour après l'expiration de son visa. Par suite, M. C... entre dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 511-1. Ces dispositions peuvent ainsi être substituées à celles du 1° du I de l'article L. 511-1 dès lors que cette substitution de base légale, avancée par le préfet de police de Paris, ne prive l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions. Les moyens tirés de l'erreur de fait et de droit au regard du 1° de l'article L. 511-1 doivent, par suite, être écartés.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / (...) ".

9. M. C... fait valoir, comme devant le premier juge, qu'il réside en France depuis près de cinq ans, que son frère et sa sœur y résident aussi et qu'il est bien inséré professionnellement en qualité de boulanger. Il souligne, à cet égard, l'ancienneté de son emploi auprès du même employeur, travaillant depuis le 1er décembre 2016 en qualité de boulanger au sein de la SARL " La Moulinoise " exploitant une boulangerie-pâtisserie située à Paris, les difficultés de recrutement dans son domaine d'activité, et son engagement actif pendant la période récente d'urgence sanitaire. Toutefois, il est constant qu'il est célibataire et sans charge de famille. Il n'établit, ni ne fait état de l'intensité des relations qu'il entretiendrait avec son frère et sa sœur, ni n'établit être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu, selon ses dires, jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Il ne justifie pas, en dépit de l'emploi qu'il occupe, d'une intégration sociale, personnelle, amicale ou professionnelle conséquente et établie. Par suite, compte tenu de la durée de sa présence et de son emploi en France encore assez réduites à la date de la décision attaquée, le préfet n'a pas porté à cette date à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et n'a donc ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle. Est sans incidence, à cet égard, la circonstance que l'intéressé, du fait d'une mention erronée aux références de son ancien passeport sur des formulaires et des difficultés à prendre un nouveau rendez-vous en préfecture, n'aurait pu déposer de demande de titre de séjour en tant que salarié avant son arrestation sur son lieu de travail. Au demeurant, il est constant qu'il se trouvait en situation irrégulière en France depuis la fin de l'année 2015, à l'expiration de son visa et était employé depuis le 1er décembre 2018 sous contrat à durée indéterminée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La rapporteure,

M. DerocLe président,

P. BresseLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 21VE00369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21VE00369
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : LEXGLOBE SELARL CHRISTELLE MONCONDUIT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-09;21ve00369 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award