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09/06/2022 | FRANCE | N°20VE02150

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 juin 2022, 20VE02150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de leurs écritures, de prononcer la réduction, en droits, majorations et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, et des suppléments de contributions sociales restant à leur charge au titre des années 2012 et 2014.

Par un jugement n° 1804537 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a re

jeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, dans le dernier état de leurs écritures, de prononcer la réduction, en droits, majorations et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, et des suppléments de contributions sociales restant à leur charge au titre des années 2012 et 2014.

Par un jugement n° 1804537 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 24 août 2020, 8 mars 2021 et 25 avril 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Labalette, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge sollicitée, à titre subsidiaire, la décharge des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis à la suite de la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Chez Saïd ou, à titre plus subsidiaire, la décharge des contributions sociales calculées avec la majoration prévue au 2° du 7. de l'article 158 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le service n'apporte pas la preuve de ce que M. C... aurait perçu les rémunérations imposées entre ses mains au titre des traitements et salaires ; l'information figurant sur les déclarations 2065 bis de la SARL Au Vieux Fournil de Villepreux ne l'établit pas et a été qualifiée d'erreur d'écriture par le gérant ;

- le crédit du compte courant d'associé correspond à un apport de ce dernier et non à un retrait ; au surplus, le service ne fait pas état des variations de ce compte et ne justifie pas de la mise à disposition de la somme correspondante ;

- le service ne justifie pas de l'appréhension par M. C... des distributions de la SARL Chez Saïd ; la notion de maître de l'affaire est inopérante en l'espèce ; à titre subsidiaire, le service n'établit pas la réalité de ces distributions compte tenu de l'irrégularité de la reconstitution des recettes de la société ;

- les prélèvements sociaux calculés sur les revenus distribués ne doivent pas tenir compte de la majoration de 25 % prévue par l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les conclusions relatives aux sommes portées au compte courant d'associé sont irrecevables car nouvelles en appel et que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par lettre du 3 mai 2022, les parties ont été informées, en application de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la décharge des prélèvements sociaux calculés sur les revenus distribués en tant qu'ils ne doivent pas tenir compte de la majoration de 25 % prévue par l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, ces conclusions étant devenues sans objet dès lors que les impositions correspondantes ont fait l'objet, le 28 mai 2018, d'une décision de dégrèvement de l'administration fiscale pour un montant de 16 513 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Chez Saïd, qui exploite une boulangerie-pâtisserie située à Villepreux (78) ainsi qu'un point chaud situé à

Neauphle-le-Château (78), et dont M. C... est le gérant et associé à hauteur de 99 %, l'administration fiscale a assujetti le foyer de ce dernier à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 à 2014 à raison de revenus distribués résultant d'omissions de recettes de la société et de sommes portées au crédit du compte courant d'associé de l'intéressé. M. C... n'ayant pas déclaré les rémunérations perçues de la SARL Au Vieux Fournil de Villepreux, dont il était gérant et associé, ses revenus imposables ont été également rehaussés de ce fait. M. et Mme C... font appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la réduction, en droits, majorations et intérêts de retard, de ces suppléments d'imposition.

Sur la régularité de la procédure :

2. M. et Mme C... ne peuvent utilement faire valoir que le service ne leur aurait pas " donné la liste des entreprises choisies et la moyenne globale de chiffre d'affaires et de bénéfices ressortant des déclarations de [ces] entreprises ", utilisées comme termes de comparaison pour opérer la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Chez Saïd, dès lors qu'en raison du principe d'indépendance des procédures applicable, s'agissant d'une société de capitaux, le dirigeant ne peut invoquer utilement les vices de procédure qui entacheraient éventuellement la vérification de comptabilité de la société. Au surplus et, en tout état de cause, en l'espèce, l'administration n'a pas procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société en se fondant, même partiellement, sur des comparables externes, mais à partir des modes de règlements constatés au sein de l'entreprise.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rémunérations provenant de la SARL Au Vieux Fournil de Villepreux :

3. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " et aux termes de l'article 62 du même code : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : / Aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l'article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues à l'article 239 bis AA ou à l'article 239 bis AB (...) / Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l'article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires ".

4. En se fondant sur les mentions figurant dans le rubrique G " Rémunérations nettes versées aux membres de certaines sociétés " de la colonne " Montants des sommes versées à titre de traitements, émoluments et indemnités proprement dits " des déclarations n°s 2065 bis souscrites par la SARL Au Vieux Fournil de Villepreux au titre des années 2012, 2013 et 2014, produites devant le juge, et dès lors que M. et Mme C... se bornent, alors que M. C... était gérant et associé pour 70 % des parts sociales de la SARL et était donc en mesure d'apporter les justificatifs nécessaires, à faire valoir qu'il s'agirait d'une erreur d'écriture renouvelée et que la proposition de rectification ne préciserait pas la façon dont ces inscriptions ont été prises en compte dans la comptabilité, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'appréhension, par M. C..., des sommes de, respectivement, 20 000, 15 000 et 25 000 euros. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé ces sommes entre les mains de M. et Mme C... au titre des années d'imposition en cause sur le fondement des dispositions précitées de l'article 62 du code général des impôts.

En ce qui concerne les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé de M. C... dans la SARL Chez Saïd :

5. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ".

6. Les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2º du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu.

7. Pour procéder aux redressements contestés, l'administration fiscale a relevé que le compte courant d'associé de M. C... dans la SARL Chez Saïd avait été crédité, sur l'exercice clos en 2013, d'une somme de 23 870 euros intitulée " paye sur AVFV " inscrite le 1er octobre 2012 ainsi que d'une somme de 14 816 euros intitulée " RSI AVFV " inscrite le 30 septembre 2013 et que l'inscription de ces sommes n'avait pas été justifiée. Si, pour les contester, M. et Mme C... font valoir que le crédit de ce compte correspondrait à un apport de l'associé et non à un retrait, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations, au demeurant non corroborées par les libellés des crédits. S'ils font également valoir que le service aurait omis de vérifier la réalité du flux financier entre la société et son gérant, ainsi que la réalité de la mise à disposition des sommes, cette circonstance est sans incidence sur l'imposition établie en application des principes précités. S'ils soulignent enfin que le service n'a pas fait état de la variation du solde du compte courant entre le début et la fin de l'exercice, et a relevé, à l'issue des opérations de contrôle visant la SARL Chez Saïd et pour l'imposition de cette dernière, que le compte initialement créditeur se retrouve débiteur, ces circonstances sont également sans influence s'agissant de l'imposition de sommes portées au crédit de ce compte conformément aux principes rappelés au point précédent et non de la taxation d'un solde débiteur de compte courant. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé ces sommes de 23 871 euros au titre de l'année 2012 et de 14 816 euros au titre de l'année 2013, entre les mains des appelants.

En ce qui concerne les revenus distribués de la SARL Chez Saïd :

8. Aux termes des dispositions du 1. de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. / (...) ".

9. Les sommes procédant du rehaussement du bénéfice de la SARL Chez Saïd ont été imposées entre les mains de M. et Mme C... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions, citées au point 5., du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, et regardées comme des revenus distribués par cette société à M. C..., que l'administration a considéré comme l'unique maître de l'affaire. Le ministre demande que, dans le cadre d'une substitution de base légale, l'imposition de ces mêmes revenus distribués entre les mains de M. et Mme C... soit maintenue sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'existence et le montant des distributions :

10. Pour contester les redressements ainsi mis à leur charge, M. et Mme C... contestent, tout d'abord, l'existence et le montant des distributions avancées de la SARL Chez Saïd et identifiées à l'issue de la reconstitution de chiffre d'affaires de cette dernière, en mettant en cause tant le rejet de la comptabilité que la méthode de reconstitution retenue par le service et la remise en cause de l'imputation d'un déficit.

S'agissant du rejet de la comptabilité :

11. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. " et aux termes du 3° du I. de de l'article 286 du même code : " (...) les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 euros pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois ".

12. Il résulte de l'instruction que, pour rejeter la comptabilité présentée par la SARL Chez Saïd, le service a relevé l'absence de tout justificatif du détail des recettes journalières daté et numéroté au titre de la période vérifiée, ainsi que de la ventilation des ventes de produits. Il a, à ce titre, souligné le défaut de conservation des bandes de caisse, le défaut de production de tickets Z et de ticket mensuels, l'absence de journal de caisse pour le suivi journalier des paiements en espèce, l'absence de tenue d'un brouillard de caisse, la comptabilité étant saisie à partir des relevés bancaires, notamment à partie des dépôts d'espèces effectués par son gérant, l'absence d'inventaire - non effectué depuis quatre ans -, ainsi que l'absence de justificatifs du déficit imputé.

13. Les requérants soutiennent que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les anomalies relevées par l'administration dans la comptabilité de la SARL Chez Saïd n'étaient pas suffisamment significatives pour justifier son rejet. Ils font valoir, en ce sens, que la société était en droit de procéder à un simple " relevé quotidien " en application des dispositions précitées du 3° du I. de l'article 286 du code général des impôts et de l'article R. 123-17 du code de commerce. Toutefois, les appelants ne peuvent utilement se prévaloir de ce dernier article qui a trait aux obligations déclaratives des commerçants auprès du centre de formalités des entreprises. Par ailleurs, la circonstance que les dispositions du 3° du I de l'article 286, qui ne sont d'ailleurs applicables qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, autorisent une inscription globale en fin de journée pour les opérations de vente au détail de moins de 76 euros au comptant, ne dispense pas le contribuable d'apporter en contrepartie par tout moyen la preuve du détail et de la consistance des recettes portées en comptabilité. Il en va de même de la circonstance que la détention d'une caisse enregistreuse n'aurait pas encore été obligatoire au cours des exercices vérifiés. Or, la SARL n'a pas été en mesure de produire de justificatifs probants du détail des recettes globalisées. Dans ces conditions, la globalisation des recettes de cette société sans justification suffit à conférer à la comptabilité de cette société, qui présentait, en outre, d'autres anomalies notamment en ce qui concerne l'application des taux de taxe sur la valeur ajoutée, l'existence d'un compte de caisse créditeur et un coefficient multiplicateur de marge faible, un caractère non probant pour l'ensemble de la période soumise à contrôle et suffit, en conséquence, à justifier son rejet.

S'agissant de la reconstitution de recettes :

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, pour procéder à la reconstitution des recettes de la SARL Chez Saïd, la vérificatrice a d'abord demandé à son gérant de remplir des tableaux, envoyés par courriel, afin d'obtenir des renseignements relatifs à la production de pain, aux ventes, aux pertes ainsi qu'à la composition des produits fabriqués et vendus. Le gérant de la société n'ayant pas rempli ces tableaux, ni fourni les renseignements à l'administration, celle-ci n'a pas été en mesure de mettre en œuvre la méthode classique des achats revendus et a dû procéder à la reconstitution des recettes de la société selon une autre méthode reposant sur le mode de règlement. Cette méthode consiste tout d'abord à déterminer un taux d'espèces en fonction des éléments portés en comptabilité, puis à déterminer le taux de recettes en espèces constaté sur une période de référence, ensuite à comparer le taux ainsi constaté et celui résultant de la comptabilité, et enfin à reconstituer les chiffres d'affaires TTC des exercices vérifiés par application de ce dernier taux d'espèces.

15. D'une part, M. et Mme C... ne sauraient sérieusement critiquer le recours à une telle méthode et l'absence de recours à celle dite des " achats-revendus ", dès lors qu'il est constant que le recours à la première méthode a été rendu inévitable par le fait que la société contrôlée n'a pas rempli les " tableaux à compléter " remis en main propre le 19 septembre 2015 au cabinet comptable Actionis et par mail à son gérant, puis de nouveau le 7 novembre suivant, demandant des renseignements notamment sur la production de pain, les ventes, les pertes et la composition des produits fabriqués telle que la quantité de farine, d'eau et de sel utilisée ainsi que les tableaux de production et de vente nécessaires pour quantifier les pertes, et ainsi rendu impossible le recours à la seconde, alors qu'au demeurant, la méthode ainsi employée permet de prendre en compte les spécificités d'exploitation de l'activité de boulangerie pour laquelle les paiements en espèces sont prépondérants.

16. D'autre part, il résulte de l'instruction que, pour mettre en œuvre la méthode litigieuse, le service a procédé à deux relevés de caisse, les 6 et 10 novembre 2015, au titre de la période du 7 au 15 novembre 2015. Les montants des encaissements en espèces, chèques et carte bleue ainsi constatés par la vérificatrice ont été validés par le gérant. Les relevés effectués au titre des autres journées de cette même période l'ont été par le gérant lui-même. La vérificatrice en a déduit un taux moyen de recettes en espèces constaté sur cette période de 91,8 %, supérieur à la part des recettes réalisées en espèces et déclarées au titre des exercices clos en 2012 et 2014. Les intéressés ne peuvent utilement faire valoir, pour la contester, que cette méthode ne reflèterait pas les recettes sur l'année en ce qu'elle comprend deux week-ends où les règlements par cartes bleues sont plus nombreux, dans la mesure où une réduction du pourcentage des autres modes de règlement aurait pour effet d'augmenter le pourcentage de ceux en espèces et donc d'accroître le montant total des recettes reconstituées. Ils ne sauraient davantage sérieusement faire valoir que le service aurait omis d'envisager les spécificités du " point chaud " fermé en 2014 telles que les facteurs de commercialité, les charges et les horaires, dès lors que le recours à la méthode susmentionnée résulte, ainsi qu'il a été indiqué au point précédent, de l'absence de réponse du contribuable aux demandes de renseignements du service et qu'ils ne justifient, ni ne précisent d'ailleurs, la nature et l'importance de telles spécificités, ainsi que les conséquences devant en être tirées. De même, ils ne sauraient se prévaloir de ce que le service aurait omis de prendre en compte une " freinte ", c'est-à-dire une perte de volume ou de poids, de 8 %, dès lors qu'un tel élément est inopérant compte tenu de la méthode retenue qui ne repose pas sur les achats revendus et n'est, en tout état de cause, pas justifié. S'ils soutiennent, enfin, que les calculs opérés par le service seraient irréalistes et sans rapport avec les circonstances, ils se bornent à faire état de coefficients multiplicateurs de marge de 3,5 à 3,8 avancés, pour des " boulangeries du secteur ", par l'administration fiscale dans le cadre du contrôle d'une autre boulangerie de M. C..., sans autre précision quant à la localisation et aux conditions d'exploitation de celles-ci, et surtout sans en justifier. Par suite, et contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C... qui évoquent le caractère sommaire de la méthode retenue, le service doit être regardé comme apportant la preuve du bien-fondé de cette dernière qui, comme l'ont relevé les premiers juges, est cohérente au regard des conditions d'exploitation de l'activité de la société. La demande des intéressés tendant à ce que soit appliquée une réduction de 20 % de la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé, montant qu'ils ne justifient d'ailleurs pas, ne peut donc qu'être écartée.

17. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la méthode alternative proposée par les appelants basée sur des achats de farine, l'utilisation de celle-ci dans la fabrication et les prix de vente des articles, mais fondée sur des données chiffrées qui ne sont aucunement justifiées, aboutirait à un résultat plus fiable que celle mise en œuvre par l'administration. Cette dernière relève d'ailleurs qu'il n'est pas apporté de justificatifs des prix de vente appliqués aux quantités produites. Par suite et alors même que cette méthode aurait été employée par un vérificateur lors du contrôle d'une autre boulangerie, la société requérante n'est pas davantage fondée à solliciter la réduction du chiffre d'affaire reconstitué à hauteur des montants qu'elle avance.

S'agissant de la remise en cause du déficit imputé :

18. Il résulte de l'instruction que le service a remis en cause l'imputation sur le résultat des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 de la SARL Chez Saïd d'un déficit antérieur de 28 079 euros provenant du résultat de l'exercice clos en 2011. Il a, en ce sens, relevé l'absence de production par la société des pièces justificatives de recettes telles que les éditions de tickets Z, et l'absence de sauvegarde informatique du logiciel de caisse, faisant ainsi obstacle à toute vérification, ainsi que sur le caractère non probant de la comptabilité pour les exercices clos en 2012, 2013 et 2014. M. et Mme C... ne produisent, pas davantage devant le juge d'appel que devant l'administration, d'élément permettant de justifier de la réalité d'un tel déficit. Par suite, ils ne sont pas fondés à contester les redressements mis à leur charge en conséquence, sur ce point, pour ce motif. La circonstance que le service aurait " refusé d'examiner la comptabilité de l'exercice clos en 2011, sans en justifier valablement, ni analyser en quoi elle serait irrégulière " est, à cet égard et en toute hypothèse, sans incidence, de même que la circonstance - qui manque d'ailleurs en fait - que le service aurait insuffisamment motivé la proposition de rectification adressée à la SARL Chez Saïd sur ce point, s'agissant d'un contribuable distinct.

19. Par suite, l'administration a, à bon droit, déterminé le résultat imposable rectifié de la SARL Chez Saïd à 563 024 euros au titre de l'année 2012 et à 513 549 euros au titre de l'année 2014. Ce bénéfice n'ayant pas été comptabilisé, ni mis en réserve, ni incorporé au capital entre, par suite, dans le champ d'application du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Ainsi, le service apporte la preuve qui lui incombe de l'existence des distributions taxées. Et par voie de conséquence, il justifie du bien-fondé de la substitution de base légale demandée, laquelle doit être accueillie dès lors que le contribuable n'a été privé d'aucune garantie, que M. C... est associé de la SARL Chez Saïd et que cette société a dégagé des bénéfices non mis en réserve ou incorporés au capital.

En ce qui concerne l'appréhension des distributions :

20. Pour estimer que M. C... peut être regardé comme le seul maître de l'affaire, le service a relevé qu'il exerce seul la gérance de la SARL Chez Saïd dont il détient la

quasi-intégralité des parts sociales, sa sœur détenant une seule part. Il a également relevé que les opérations de vérification ont été menées avec M. C... et que le personnel de son cabinet comptable avait reçu mandat pour le représenter. Il a enfin relevé, lors du contrôle sur place et comme cela a été retranscrit dans le compte-rendu d'exploitation du 17 septembre 2015, que M. C... assurait l'intégralité de la gestion commerciale et financière de l'entreprise, qu'il était en rapport direct avec les fournisseurs pour l'établissement des commandes de marchandises et de matières premières, qu'il était seul en contact avec le cabinet comptable auquel il transmettait les informations utiles à l'établissement de sa comptabilité, qu'il gérait le personnel et qu'il était le seul à pouvoir utiliser le compte bancaire de la société sur lequel il n'existait aucune procuration. Ces indices concordants établissement que M. C... était le seul maître de l'affaire et le ministre peut légalement déduire de cette qualité, pour l'application du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, qu'il devait être regardé comme étant présumé être le bénéficiaire des revenus réputés distribués par la SARL Chez Saïd, la circonstance qu'il n'aurait pas effectivement appréhendé les sommes correspondantes ou que le service n'apporterait pas la preuve d'une appréhension étant sans incidence à cet égard.

21. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les distributions de la SARL Chez Saïd étaient imposables en tant que revenus distribués entre les mains de M. C... sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'application de la majoration de 1,25 aux contributions sociales :

22. Si M. et Mme C... font valoir que la majoration de 1,25 visée à l'article 158 7-2° du code général des impôts ne trouve pas à s'appliquer aux revenus distribués servant de base au calcul des prélèvements sociaux, il résulte de l'instruction que ce point a fait l'objet, le 28 mai 2018, d'une décision de dégrèvement de l'administration fiscale pour un montant de 16 513 euros, conformément aux réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 et n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017, qui ne permet pas l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 pour l'établissement des contributions sociales assises sur les bénéfices ou revenus mentionnés au 2° du 7. de l'article 158 du code général des impôts, à savoir " aux revenus distribués mentionnés aux c à e de l'article 111, aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis et aux revenus distribués mentionnés à l'article 109 résultant d'une rectification des résultats de la société distributrice ". Par suite, les conclusions présentées à ce titre sont sans objet et, par suite, irrecevables.

23. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir partielle opposée par le ministre, que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La rapporteure,

M. DerocLe président,

P. BresseLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE02150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02150
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Muriel DEROC
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP GLP ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-09;20ve02150 ?
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