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09/06/2022 | FRANCE | N°20VE00762

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 juin 2022, 20VE00762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie des Vignes a demandé, par deux demandes distinctes, au tribunal administratif de Versailles de prononcer d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et, d'autre part, la réduction de la cotisation

primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie des Vignes a demandé, par deux demandes distinctes, au tribunal administratif de Versailles de prononcer d'une part, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et, d'autre part, la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014.

Par un jugement nos 1706028, 1801445 du 7 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, la SELARL Pharmacie des Vignes, représentée par Me Hubbel, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration n'a pas saisi la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction des remboursements des frais de trajet domicile-travail de son gérant, au regard notamment de la doctrine administrative publiée au BOFiP sous la référence BOI-CHG-40-20-40, n° 50 et 60 du 30 août 2016 ;

- l'imposition primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 a été liquidée sur la base d'un chiffre d'affaires majoré de 32 430 euros par rapport au chiffre d'affaires effectivement réalisé, ce qui est dû à une erreur du cabinet comptable qui a ajouté au chiffre d'affaires le montant des en-cours de tiers-payants, entraînant ainsi une double imposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SELARL Pharmacie des Vignes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL Pharmacie des Vignes, qui exploite une officine de pharmacie aux Clayes-sous-Bois, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur les exercices clos en 2012, 2013 et 2014 à l'issue desquelles l'administration lui a notifié, par deux propositions de rectification en date des 14 et 21 octobre 2015, et selon la procédure de redressement contradictoire, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Elle fait appel du jugement du 7 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, et d'autre part, à la réduction de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 59 du lire des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit du comité consultatif prévu à l'article 1653 F du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. / Les commissions peuvent également être saisies à l'initiative de l'administration ". Aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est tenue, à peine d'irrégularité de la procédure d'imposition, de donner suite à une demande, formulée par le contribuable dans le délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations, tendant à la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires que lorsque persiste entre elle-même et le contribuable, à cette étape de la procédure, un désaccord entrant dans le champ de compétence de cette commission.

3. Il résulte de l'instruction qu'après avoir présenté ses observations, exercé un recours hiérarchique et demandé une interlocution départementale, la société a accepté certains des redressements qui lui avaient été notifiés et le service en a abandonné une partie. Ainsi, en ce qui concerne les rectifications opérées en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés au titre des charges exceptionnelles non justifiées comptabilisées en 2013, la société a sollicité, dans sa lettre du 30 décembre 2016, la limitation des redressements pour un montant de 787,44 euros au titre de l'impôt sur les sociétés et de 896,58 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, ce qu'a accepté le service dans son courrier du 9 janvier 2017. En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à raison des recettes non comptabilisées au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2013 et 2014, la société ne les a pas contestés dans ses observations du 11 décembre 2015. En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs au chiffre d'affaires taxable non déclaré au titre de la période du 1er janvier au 31 octobre 2014, ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part de la société. Enfin, concernant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs au chiffre d'affaires taxable non déclaré au titre de la période du 1er novembre au 31 décembre 2014, la société a indiqué, dans sa lettre du 30 décembre 2016, qu'elle procèdera à une compensation sur la déclaration modèle CA3 du mois de la mise en recouvrement, afin d'éviter une double imposition, ce qui implique nécessairement qu'elle ne les contestait plus. Dès lors, en l'absence de désaccords persistants et relevant de la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a pu, sans commettre d'irrégularité ni méconnaître les droits de la défense, s'abstenir de saisir celle-ci.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ". En l'espèce, la SELARL Pharmacie des Vignes a accepté les redressements en ce qui concerne la remise en cause de la déduction des remboursements des frais de trajet domicile-travail de son gérant. En outre, la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2014 a été établie conformément aux déclarations qu'elle a elle-même souscrites. Il appartient, par suite, à la société d'apporter la preuve du caractère exagéré de ces impositions.

5. En premier lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...). Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise ".

6. D'une part, les frais de transport, hôtellerie et restauration exposés par une société pour les besoins des déplacements effectués par un salarié ou par un dirigeant dans l'exercice de leurs fonctions constituent en principe des charges déductibles de son bénéfice. Il en va de même des charges exposées pour le remboursement au salarié ou au dirigeant de telles dépenses, qui ont la nature de frais professionnels, lorsque celui-ci en a fait l'avance. Dans un tel cas, ces sommes ne sont pas taxables entre les mains de l'intéressé. En revanche les dépenses exposées pour les besoins du déplacement du salarié ou du dirigeant depuis son domicile vers lieu où il exerce ses fonctions ont la nature d'une dépense personnelle de ce dernier. S'il est loisible à l'employeur d'en assurer la prise en charge, celle-ci, sous réserve qu'elle ne conduise pas à porter la rémunération à un niveau excessif, a la nature, pour le salarié ou le dirigeant, d'un avantage en nature taxable entre ses mains dans la catégorie des traitements et salaires ou en application de l'article 62 du code général des impôts. Symétriquement, elle constitue, sous la même réserve, une charge déductible des bénéfices de l'employeur. Ce traitement fiscal est toutefois subordonné à la condition que les avantages en nature ainsi accordés par la société à son personnel, y compris ses dirigeants soient, conformément aux prescriptions de l'article 54 bis du code général des impôts, inscrits explicitement comme tels en comptabilité.

7. En l'espèce, le service a réintégré dans le résultat imposable de la société les indemnités kilométriques qu'elle avait prise en charge au profit de son gérant pour un montant de 7 355 euros au titre de l'année 2012, de 7 534 euros au titre de l'année 2013 et de 7 507 euros au titre de l'année 2014, dès lors qu'ils correspondaient à des trajets domicile-travail ne présentant pas le caractère de dépenses exposées dans l'intérêt de l'entreprise. En se bornant à soutenir, pour la première fois en appel, que ces frais sont inhérents à la fonction du gérant et doivent être admis en déduction, la société qui n'établit ni même n'allègue que les frais de déplacement de son gérant auraient été explicitement comptabilisés comme des avantages en nature, conformément aux dispositions de l'article 54 bis du code général des impôts, n'est pas fondée à en demander la déduction en application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts.

8. D'autre part, la SELARL Pharmacie des Vignes n'est pas fondée à se prévaloir, à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés au BOFiP sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-40 n° 50 et 60 du 30 août 2016, en ce qu'ils portent sur les frais de voyage et de déplacement exposés par un exploitant individuel, dès lors que la société n'entre pas dans le champ de ces commentaires, publiés, au demeurant postérieurement aux exercices en cause.

9. En second lieu, la société soutient que l'imposition primitive à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2014 a été liquidée sur une base erronée, correspondant à 1 101 143 euros, soit 32 430 euros de plus que le chiffre d'affaires qu'elle a effectivement réalisé selon son logiciel de comptabilité dénommé LEO, s'établissant à 1 068 713 euros. Elle fait valoir que cette majoration correspondrait à une erreur effectuée par son cabinet d'expertise comptable, qui a comptabilisé le montant des en-cours de tiers-payants non encore acquittés à la clôture de l'exercice dans le chiffre d'affaires, alors que celui-ci était déjà comptabilisé au titre des ventes, donnant ainsi lieu à une double imposition. Elle produit en ce sens deux attestations de la société Isipharm, en date du 25 août 2017 et du 1er mars 2018, indiquant que le chiffre d'affaires hors taxes à déclarer au titre de l'année 2014 est de 1 068 713,55 euros et non de 1 106 9331,83 euros, ainsi qu'un courrier du cabinet d'expertise comptable du 6 avril 2018 reconnaissant plusieurs dysfonctionnement ayant abouti à " une comptabilisation en fin d'année d'une écriture d'inventaire pour compléter le chiffre d'affaires pour des remises laboratoires alors qu'elles étaient déjà appréhendées dans le système de gestion, ce qui a eu pour conséquence une hausse artificielle du chiffre d'affaires de +/- 30 000 euros ". Toutefois, et ainsi que l'a relevé le tribunal, ces seuls éléments , dès lors notamment qu'ils ne sont pas cohérents entre eux, ne permettent pas de tenir pour établi que la différence entre les montants de chiffre d'affaires indiqués ci-dessus correspondrait à des encours de tiers-payants déjà pris en compte par ailleurs et donc à une double imposition de la même somme. Dès lors, la société n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, du caractère exagéré des impositions tant primitives que supplémentaires mises à sa charge.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Pharmacie des Vignes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie des Vignes est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie des Vignes et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

Mme Danielian, présidente assesseure,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La rapporteure,

I. A...Le président,

P. BresseLa greffière,

C. Fourteau

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour exécution conforme

La greffière,

2

N° 20VE00762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00762
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : HUBBEL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-09;20ve00762 ?
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