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07/06/2022 | FRANCE | N°22VE00288

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 07 juin 2022, 22VE00288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 26 août 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et ordonné la remise de son passeport.

Par un jugement n° 2111007 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 9 février 2022, Mme C... épouse A..., représentée par Me Feltesse, avocat, demande à la cour :
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 26 août 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et ordonné la remise de son passeport.

Par un jugement n° 2111007 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2022, Mme C... épouse A..., représentée par Me Feltesse, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler l'arrêté contesté ;

3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... épouse A... soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour ;

- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle porte atteinte aux intérêts de son enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision ordonnant la remise de son passeport :

- elle est illégale, par voie de conséquence de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- et les observations de Me Bru, pour Mme C... épouse A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse A..., ressortissante ivoirienne née le 3 juillet 1986 à Duekoue (Côté d'Ivoire), relève appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 août 2021 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et ordonné la remise de son passeport.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". En l'espèce, pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme C... épouse A..., le préfet du Val-d'Oise, qui a visé l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a fait application, mentionne qu'elle n'en remplit pas les conditions eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de l'intéressée, où sa présence n'est avérée que depuis fin 2017, au fait qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment son enfant mineur et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 29 ans, et au fait que son époux, titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, peut demander l'admission au séjour de son épouse au titre du regroupement familial. Le préfet, qui a également visé l'article L. 435-1 du même code, mentionne que, pour les mêmes motifs que précédemment exposés, elle ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à permettre sa régularisation au titre de la vie privée et familiale. Ainsi, le préfet a suffisamment motivé sa décision. Par ailleurs, cette motivation ne révèle aucun défaut d'examen de sa situation personnelle. En particulier, Mme C... épouse A... ne peut utilement reprocher au préfet d'avoir mentionné qu'elle était entrée en France sans être titulaire d'un visa d'entrée sur le territoire français dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande d'admission au séjour, elle n'avait apporté aucune réponse à cette question. De même, si elle reproche au préfet de n'avoir pas tenu compte de ce que son époux, M. B... A..., avait engagé une procédure de regroupement familial au profit de leur fille, née en 1986 et qui demeure en Côte d'Ivoire, ou encore de n'avoir pas tenu compte de son insertion professionnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier de sa demande d'admission au séjour, que ces informations ont été portées à la connaissance du préfet. Par suite, ses moyens tirés de ce que la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen de sa situation doivent être écartés.

3. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et en particulier des copies de son passeport que Mme C... épouse A... a obtenu des autorités italiennes un visa de court de séjour valide du 5 décembre 2015 au 26 décembre 2015 et qu'elle est entrée en Italie le 22 décembre 2015. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle séjourne de manière effective en France à partir de cette dernière date, comme allégué. Si elle se prévaut de la présence en France de son frère, titulaire d'une carte de résidence et de son conjoint, également titulaire d'une carte de résidence, avec lequel elle s'est mariée le 23 décembre 2017 à Tournan-en-Brie, il est constant que leur fille, née le 23 décembre 2006, réside toujours en Côte d'Ivoire. La mère de Mme C... épouse A... réside également en Côte d'Ivoire où, par conséquent, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales. Par ailleurs, si elle soutient avoir engagé avec son époux une procédure de procréation médicalement assistée, cette allégation n'est en tout état de cause pas établie par les pièces du dossier. Enfin, si l'appelante soutient qu'elle exerce l'activité de garde d'enfants au profit de particuliers, il ressort toutefois des pièces produites au dossier qu'elle a exercé cette activité de manière sporadique puisqu'elle produit un bulletin de paie pour le mois de juillet 2019 faisant apparaître un salaire de 500 euros, la signature d'un contrat à durée déterminée du 19 août 2019 au 30 juin 2020 qui n'est accompagné que d'un bulletin de paie pour le mois de septembre 2019 faisant apparaître un salaire de 553 euros, un contrat conclu le 6 novembre 2020 accompagné de deux bulletins de paie pour les mois d'avril et mai 2021 faisant apparaître un salaire de 722,03 euros et, enfin, un contrat conclu le 29 mai 2021 pour un salaire mensuel net de 911,31 euros. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, alors que son époux peut également solliciter le bénéfice du regroupement familial à son profit, Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Val-d'Oise a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de la décision de l'obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision de refus de titre de séjour.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. Pour les motifs exposés au point 3, Mme C... épouse A..., n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées et que l'obligation de quitter le territoire français qu'elle conteste est illégale pour ce motif.

7. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 3, Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français qu'elle conteste a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. En l'espèce, si Mme C... épouse A... soutient que l'obligation de quitter le territoire français porte atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille dès lors que, si la demande de regroupement familial formulée au profit de cette dernière était satisfaite, elle serait séparée de sa fille, il est cependant constant qu'à la date de la décision contestée, cette demande de regroupement familial n'avait pas été satisfaite et que la fille de l'appelante résidait toujours en Côte d'Ivoire. Au surplus, rien ne fait obstacle à ce que l'époux de l'appelante formule également à son profit une demande de regroupement familial.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination et de la décision ordonnant la remise de son passeport :

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que ces décisions sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président,

Mme Dorion, présidente assesseure,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

Le rapporteur,

M. BOUZARLe président,

P. BEAUJARDLa greffière,

C. FAJARDIELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00288
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : FELTESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-06-07;22ve00288 ?
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