Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Brico Dépôt a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer, à titre principal, la décharge de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014 à raison de locaux commerciaux situés 4-6 route de Saint-Leu à Villetaneuse pour un montant de 344 691 euros et, à titre subsidiaire, la réduction de ces impositions.
Par un jugement no 1806255 du 10 février 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 août 2020 et le 26 novembre 2021, la SAS Brico Dépôt, représentée par Me Harivel, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande de réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014 à raison de locaux commerciaux situés 4-6 route de Saint-Leu à Villetaneuse pour un montant de 344 691 euros ;
2° de prononcer la réduction de ces impositions à titre principal, en fixant la valeur locative de ces locaux dans une fourchette comprise entre 18 056 euros et 90 518 euros, en tout état de cause à la valeur de 202 480 euros et, à titre subsidiaire, de ramener cette valeur locative à 258 842 euros ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a jugé que la valeur cadastrale des locaux en litige pouvait être évaluée par comparaison avec un local-type correspondant à un hypermarché à Montfermeil, alors que la consistance de ces locaux au 31 décembre 2013 avait évolué et que ces derniers devaient être évalués par comparaison avec un local-type à usage de hangar ou de dépôt ;
- le local-type n° 1 inscrit au procès-verbal ME de la commune de Montfermeil retenu à titre de comparaison par l'administration n'est pas pertinent compte tenu, d'une part, notamment de la différence de nature entre l'activité exercée par un établissement de distribution spécialisée et celle exercée par un hypermarché et, d'autre part, de l'absence de situation économique analogue entre les communes de Villetaneuse et de Montfermeil ; en tout état de cause, en retenant même une évaluation par comparaison avec le local-type n° 1 inscrit au procès-verbal ME de la commune de Montfermeil, il aurait fallu appliquer un abattement de l'ordre de 30% pour tenir compte des différences de consistance et d'aménagements entre ces locaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 novembre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me Harivel, pour la SAS Brico Dépôt.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Brico Dépôt, qui exerce une activité de vente de matériaux de construction, de rénovation, de produits d'aménagement pour la maison et de matériels de bricolage, a été assujettie à la cotisation foncière des entreprises et à la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie au titre de l'année 2014, à raison de locaux commerciaux situés 4-6 route de Saint Leu à Villetaneuse (93430), pour un montant de 344 691 euros. Elle relève appel du jugement du 10 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de réduction de ces impositions.
Sur la valeur locative des locaux en litige :
2. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, (...). / La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ". Aux termes de l'article 1467 A du même code : " Sous réserve des II, III IV et VI de l'article 1478, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile ". Et aux termes de l'article 1478 de ce code : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. / Toutefois le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la cotisation foncière des entreprises pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert d'activité. / (...) / II. - En cas de création d'un établissement autre que ceux mentionnés au III, la cotisation foncière des entreprises n'est pas due pour l'année de la création. / Pour les deux années suivant celle de la création, la base d'imposition est calculée d'après les biens passibles de taxe foncière dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité. / (...) IV. - En cas de changement d'exploitant, la base d'imposition est calculée pour les deux années suivant celle du changement, dans les conditions définies au deuxième alinéa du II. (...) ". En outre, selon l'article 1600 du code général des impôts, la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie est constituée notamment de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises. Il résulte de ces dispositions que la cotisation foncière des entreprises et, par suite, la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie, sont assises sur la valeur locative des biens situés en France et passibles d'une taxe foncière. Dès lors, cette valeur locative est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette dernière taxe.
3. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ".
4. En premier lieu, il est constant que la SAS Brico Dépôt a pris à bail le 1er décembre 2013, auprès de la société L'Immobilière Castorama, les locaux commerciaux en litige situés 4-6 route de Saint-Leu à Villetaneuse et acquis le 1er décembre 2013 le fonds de commerce qui y était exploité par la société Castorama France jusqu'au 30 novembre 2013. La SAS Brico Dépôt a ensuite entrepris des travaux de désamiantage du 20 décembre 2013 jusqu'au 31 janvier 2014, suivis de travaux de démolition partielle et de modification de l'existant, avant l'exploitation effective de son commerce le 11 juin 2014. Compte tenu du changement d'exploitant ainsi intervenu au cours de l'année 2013, il résulte des dispositions précitées de l'article 1478 du code général des impôts que la base d'imposition devait être calculée d'après les biens passibles de taxe foncière dont disposait la SAS Brico Dépôt au 31 décembre 2013. Contrairement à ce que celle-ci soutient, il ne résulte pas de l'instruction que, à cette date, les locaux commerciaux dont elle disposait ont été rendus disponibles pour un usage de hangar ou de dépôt. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'il y avait lieu de retenir, à titre de comparaison pour l'évaluation de la valeur locative de ses locaux commerciaux, des locaux-types à usage de hangar ou dépôt.
5. En second lieu, aux termes de l'article 324 Z de l'annexe 3 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I. L'évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d'autres biens de même nature pris comme types. / II. Les types dont il s'agit doivent correspondre aux catégories dans lesquelles peuvent être rangés les biens de la commune visés aux articles 324 Y à 324 AC, au regard de l'affectation de la situation de la nature de la construction de son importance de son état d'entretien et de son aménagement. / Ils sont inscrits au procès-verbal des opérations de la révision ". Aux termes de l'article 324 AA alors en vigueur de l'annexe 3 du code général des impôts : " La valeur locative cadastrale des biens loués à des conditions anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un titre autre que celui de locataire, vacants ou concédés à titre gratuit est obtenue en appliquant aux données relatives à leur consistance - telles que superficie réelle, nombre d'éléments - les valeurs unitaires arrêtées pour le type de la catégorie correspondante. Cette valeur est ensuite ajustée pour tenir compte des différences qui peuvent exister entre le type considéré et l'immeuble à évaluer, notamment du point de vue de la situation, de la nature de la construction, de son état d'entretien, de son aménagement, ainsi que de l'importance plus ou moins grande de ses dépendances bâties et non bâties si ces éléments n'ont pas été pris en considération lors de l'appréciation de la consistance ".
6. Il résulte de l'instruction que, au cours de la procédure contentieuse suivie devant le tribunal, l'administration, comme elle en a la faculté, a décidé de justifier l'évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux en litige par référence à un autre terme de comparaison que celui, inapproprié, auquel elle s'était initialement référé. A cette fin, l'administration a retenu le local-type n° 1 du procès-verbal ME de la commune de Montfermeil, qui correspond à un hypermarché situé 9001, centre commercial des 7 Îles, d'une surface réelle de 11 953 m² (contre 17 686 m² pour les locaux à évaluer) et d'une surface pondérée de 4 714 m² (contre 11 879 m² pour les locaux à évaluer) et dont la valeur locative unitaire a été évaluée à 31,86 euros en fonction du loyer annuel en vigueur au 1er janvier 1970.
7. D'une part, les communes de Villetaneuse et de Montfermeil, toutes deux situées dans le département de la Seine-Saint-Denis, bénéficient des mêmes infrastructures de transport permettant à la clientèle de se rendre dans les deux magasins, tous deux situés dans des zones commerciales également accessibles. De plus, la zone de chalandise de ces magasins dépasse largement le cadre communal. Par suite, les différences socio-économiques alléguées par l'appelante entre les deux communes, tirées du nombre d'habitants, du taux de chômage, de la part des ménages fiscaux imposés notamment, ne sont pas de nature à établir que les deux communes ne sont pas dans une situation analogue.
8. D'autre part, compte tenu des caractéristiques du local-type n° 1 du procès-verbal ME de la commune de Montfermeil rappelées au point 6, ce dernier a régulièrement pu servir à l'évaluation par l'administration des locaux en litige. En se bornant à faire état, sans plus de précision, de la différence de la nature d'activité d'un hypermarché et d'un magasin de distribution spécialisée ou encore de la différence d'aménagements des locaux, la SAS Brico Dépôt n'est pas fondée à soutenir que le terme de comparaison choisi est inapproprié alors qu'il résulte de l'instruction que les deux locaux correspondent à la catégorie des magasins de vente à grande surface. Elle ne l'établit pas davantage en soutenant que la quasi-moitié de la surface de vente des locaux en litige était constituée, au 31 décembre 2013, de surfaces de vente extérieures, dès lors qu'il résulte de l'instruction, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, que la surface de vente extérieure a été pondérée à l'occasion du calcul de la surface pondérée totale, afin de tenir compte de sa moindre valeur commerciale. Enfin, alors que l'appelante se borne à alléguer que les locaux en litige et le terme de comparaison présentent des différences en termes d'activité, d'aménagements et d'accessibilité, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû faire application d'un coefficient d'ajustement de 30%.
9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Brico Dépôt n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de réduction de la cotisation foncière des entreprises et de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2014, à raison des locaux commerciaux situés 4-6 route de Saint Leu à Villetaneuse. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens, ces dernières conclusions étant au demeurant dépourvues d'objet.
DECIDE :
Article 1er : La requête de SAS Brico Dépôt est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à SAS Brico Dépôt et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
M. Bouzar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.
Le rapporteur,
M. BOUZARLe président,
P. BEAUJARD
La greffière,
C. FAJARDIE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 20VE02146