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14/04/2022 | FRANCE | N°20VE00260

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 14 avril 2022, 20VE00260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 à raison de leurs revenus de location de biens immobiliers situés en France.

Par un jugement n° 1604769 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2020, M. et Mme A..., représentés par


la SCP Berenger Blanc Burtez-Doucede, avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 à raison de leurs revenus de location de biens immobiliers situés en France.

Par un jugement n° 1604769 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2020, M. et Mme A..., représentés par

la SCP Berenger Blanc Burtez-Doucede, avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2015 et la restitution des sommes versées à ce titre assorties du paiement d'intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent qu'étant affiliés au régime de sécurité sociale italien, ils bénéficient de l'exonération des contributions sociales au sens du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, dues en France sur les revenus du patrimoine par l'effet de la jurisprudence issue de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015 Ministre de l'économie et des finances c/ M. C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la décharge des prélèvements sociaux auxquels les requérants ont été assujettis au titre de l'année 2015 sont irrecevables dès lors qu'elles sont nouvelles en cause d'appel ; elles n'ont, en outre, fait l'objet d'aucune réclamation ;

- pour le surplus des conclusions, les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du président de la 3ème chambre en date du 2 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 21 décembre 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire a été présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance le 29 décembre 2021, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre C... (C-623/13) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Danielian,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., résidents italiens ont perçu, au cours des années 2012, 2013 et 2014, des revenus fonciers tirés de la location de biens immobiliers situés en France, au titre desquels ils ont été assujettis à des prélèvements sociaux. Ils font appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux acquittés sur leurs revenus fonciers au titre des années 2012 à 2014. Ils demandent, en outre, pour la première fois en appel, une décharge des prélèvements sociaux mis à leur charge au titre de l'année 2015.

Sur le bien-fondé des impositions au titre des années 2012 à 2015 :

2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 11 du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 susvisé, reprenant le principe antérieurement posé par l'article 13 du règlement 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 : " 1. Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre. (...) ". L'article 2 de ce règlement précise que : " 1. Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des États membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un État membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs États membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants. (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de son arrêt du 26 février 2015, ministre de l'économie et des finances contre Gérard C...

(C-623/13) rendu sous l'empire du règlement précité du 14 juin 1971 mais transposable à celui du 29 avril 2004, tout d'abord, que la circonstance qu'un prélèvement soit qualifié d'impôt par une législation nationale n'exclut pas qu'il puisse être regardé comme relevant du champ d'application de ces règlements, y compris lorsqu'il est 'assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle, ensuite, que l'élément déterminant aux fins de l'application de ces règlements réside dans le lien, direct et suffisamment pertinent, que doit présenter la disposition en cause avec les lois qui régissent les branches de sécurité sociale que ces règlements énumèrent, le critère déterminant étant celui de l'affectation spécifique d'une contribution au financement d'un régime de sécurité sociale.

3. Aux termes des paragraphes 2 et 3 du règlement du 29 avril 2004 : " (...) 2. Pour l'application du présent titre, les personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l'exercice de son activité salariée ou non salariée sont considérées comme exerçant cette activité. Cela ne s'applique pas aux pensions d'invalidité, de vieillesse ou de survivant, ni aux rentes pour accident du travail ou maladie professionnelle, ni aux prestations de maladie en espèces couvrant des soins à durée illimitée. / 3. Sous réserve des articles 12 à 16:/ a) la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre (...) / e) les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l'Etat de résidence, sans préjudice d'autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres Etats membres (...) ". Toutes les pensions de retraite sont au nombre des " pensions de vieillesse " visées par le paragraphe 2 précité. Leurs bénéficiaires, lorsqu'ils n'entrent pas, par ailleurs, dans les cas visés aux points a) à d) du paragraphe 3 sont, dès lors, en application du e) de ce paragraphe, soumis à la législation de leur État de résidence sans préjudice, toutefois, des prestations que le règlement leur garantit en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres États membres.

4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 24 du règlement du 29 avril 2004 : " La personne qui perçoit une pension ou des pensions en vertu de la législation d'un ou plusieurs Etats membres, et qui ne bénéficie pas des prestations en nature selon la législation de l'Etat membre de résidence, a toutefois droit, pour elle-même et pour les membres de sa famille, à de telles prestations, pour autant qu'elle y aurait droit selon la législation de l'Etat membre ou d'au moins un des Etats membres auxquels il incombe de servir une pension, si elle résidait dans l'Etat membre concerné. Les prestations en nature sont servies pour le compte de l'institution visée au paragraphe 2 par l'institution du lieu de résidence, comme si l'intéressé bénéficiait de la pension et des prestations en nature selon la législation de cet Etat membre ". Aux termes, par ailleurs, du paragraphe 1 de l'article 30 du même règlement : " L'institution d'un État membre qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations pour la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées, ne peut procéder à l'appel et au recouvrement de ces cotisations, calculées selon la législation qu'elle applique, que dans la mesure où les dépenses liées aux prestations servies en vertu des articles 23 à 26 sont à la charge d'une institution dudit État membre ". Il en résulte que les personnes qui perçoivent une pensions de retraite en vertu de la législation française et résident dans un autre État membre selon la législation duquel elles ne bénéficient pas de prestations en nature peuvent bénéficier des prestations en nature auxquelles elles auraient droit si elles résidaient en France, ces prestations étant servies par l'institution de l'État membre où elles résident, selon la législation qui y est applicable, pour le compte et à la charge des caisses de sécurité sociale françaises. Ces personnes peuvent, par ailleurs, être soumises en France aux retenues de cotisations instituées pour la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées en cause. Les personnes qui perçoivent une pensions de retraite en vertu de la législation française et résident dans un autre État membre doivent, lorsqu'elles contestent le principe de leur assujettissement à de tels prélèvements, justifier non seulement de ce qu'elles sont affiliées au régime de sécurité sociale de leur État de résidence mais aussi que c'est en vertu de la législation de cet État qu'elles bénéficient de leurs prestations et non pour le compte des caisses de sécurité sociale françaises.

5. S'il est constant qu'à la date du fait générateur des impositions M. et Mme A... résidaient en Italie, ils ne justifient pas qu'ils seraient affiliés au régime de sécurité sociale italien en se bornant à produire un courrier en date du 15 mars 2016 indiquant qu'ils sont inscrits au service sanitaire régional de Lombardie depuis le 1er décembre 2008. En outre si les appelants fournissent une attestation de la société privée LSN Assurance du 20 mars 2017 indiquant qu'ils n'avaient pas de droits ouverts au titre du régime social des indépendants entre le 1er septembre 2008 et le 31 décembre 2015 et des attestations d'ouverture des droits du 22 juin 2016 au régime social des indépendants (RSI), ces documents ne suffisent pas à établir qu'ils n'étaient pas affiliés au régime de sécurité sociale français durant les années en cause, alors que l'administration produit, pour sa part, une attestation de la Caisse déléguée sécurité sociale des professions libérales du 9 novembre 2018 certifiant qu'ils relevaient de la législation française de sécurité sociale durant la période en litige. En outre, il résulte de l'instruction que M. A... percevait deux pensions de retraite servies par la caisse de retraite des notaires et la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire. Dès lors, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils pouvaient bénéficier des dispositions du règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 précité.

6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre au titre des conclusions relatives à l'année 2015, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014 et ils ne sont pas davantage fondés à demander une décharge de ces mêmes prélèvements au titre de l'année 2015. Par suite, leurs conclusions tendant à la restitution de ces prélèvements assortie des intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Bresse, président de chambre,

Mme Danielian, président assesseur,

Mme Deroc, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.

La rapporteure,

I. DanielianLe président,

P. BresseLa greffière,

A. Audrain-Foulon

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 20VE00260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00260
Date de la décision : 14/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Politique sociale.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Isabelle DANIELIAN
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : SCP BERENGER BLANC BURTEZ-DOUCEDE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-14;20ve00260 ?
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