Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 117 115 euros procédant d'un avis à tiers détenteur du 12 juillet 2017, émis pour le recouvrement de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de majorations auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 à 2007.
Par un jugement n° 1710751 du 28 mai 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 24 juillet 2020 et les 25 juin et 13 juillet 2021, Mme A..., représentée par Me Guidet, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler la décision du 12 septembre 2017 de rejet de sa réclamation ;
3° de prononcer la mainlevée de l'avis à tiers détenteur du 12 juillet 2017 ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les impositions ayant été contestées par une réclamation du 24 janvier 2011, elle bénéficie toujours du sursis de paiement dès lors que la décision de rejet dont se prévaut l'administration ne lui a pas été régulièrement notifiée ; l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de la régularité de la notification de sa décision du 22 juillet 2015 de rejet de sa réclamation ; la date de présentation du pli est illisible ; le délai de mise en instance n'a pas été respecté ; le bureau de poste où le pli pouvait être retiré n'est pas mentionné ;
- cette décision ne lui est pas opposable faute d'avoir été notifiée au mandataire qu'elle avait missionné et auprès duquel elle avait élu domicile ; le défaut de notification à son conseil de la décision de rejet de sa réclamation l'a privée de son droit de contester les impositions litigieuses, en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 septembre 2020, 5 juillet 2021 et 20 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation sont irrecevables, que les conclusions à fin de mainlevée de l'avis à tiers détenteur sont portées devant une juridiction incompétente pour en connaître et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 février 2022, l'instruction a été fixée au 24 février 2022, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêté du 7 février 2007 modifié pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me Labbé, substituant Me Guidet, pour Mme A....
Une note en délibéré a été produite le 1er avril 2022, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle portant sur ses revenus des années 2003 à 2007, à l'issue duquel elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, majorées de 10 %, pour un montant total de 117 115 euros, mises en recouvrement le 31 décembre 2010. Le comptable du Trésor a adressé un avis à tiers détenteur le 12 juillet 2017 à la société Sogecap, pour le recouvrement de cette somme. Mme A... relève appel du jugement du 28 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de l'obligation de payer procédant de cet avis.
Sur les conclusions tendant à la mainlevée de l'avis à tiers détenteur du 12 juillet 2017 :
2. Aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes, redevances et sommes quelconques dont la perception incombe aux comptables publics compétents mentionnés à l'article L. 252 doivent être adressées à l'administration dont dépend le comptable qui exerce les poursuites. / Les contestations ne peuvent porter que : / 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; / 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt. / Les recours contre les décisions prises par l'administration sur ces contestations sont portés, dans le premier cas, devant le juge de l'exécution, dans le second cas, devant le juge de l'impôt tel qu'il est prévu à l'article L. 199. "
3. Les conclusions de la requête tendant à ce que soit ordonnée la mainlevée de l'avis à tiers détenteur délivré à la société Sogecap relèvent, en application de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales, de la compétence du juge de l'exécution et ne peuvent être que rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de la réclamation :
4. La décision par laquelle l'administration statue sur la réclamation contentieuse du contribuable, qui ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition, ne peut être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir. Il s'ensuit que les conclusions tendant à l'annulation de cette décision sont irrecevables.
5. Les conclusions de la requête doivent être regardées, eu égard aux moyens soulevés par Mme A..., comme tendant à la décharge de l'obligation de payer procédant de l'avis à tiers détenteur du 12 juillet 2017.
Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer la somme de 117 115 euros :
6. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. (...) ". Mme A... fait valoir que le recouvrement forcé des impositions qui lui sont réclamées ne pouvait être poursuivi, dès lors que, sa réclamation du 24 janvier 2011, assortie d'une demande de sursis de paiement, n'ayant pas fait l'objet d'une décision définitive, ces impositions n'étaient pas exigibles.
7. La décision de rejet de la réclamation ne devient définitive que si elle a été régulièrement notifiée. En cas de contestation sur ce point, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la décision du 22 juillet 2015 par laquelle l'administration fiscale a rejeté la réclamation contentieuse d'assiette présentée le 24 janvier 2011 pour Mme A..., lui a été adressée par courrier recommandé le 23 juillet 2015 à son adresse à Clichy et que le pli lui a été présenté le lendemain 24 juillet. Il ressort également des mentions portées sur ce pli que celui a été retourné au service avec la mention " pli avisé non réclamé " le 10 août 2015, soit à l'issue du délai de quinze jours de mise en instance prévu par la réglementation postale et que l'intéressée a été informée de ce que le pli pouvait être retiré au bureau de poste Clichy-Vendôme dont elle dépendait. Il s'ensuit que le moyen selon lequel la décision du 22 juillet 2015 ne serait pas devenue définitive faute d'avoir été régulièrement notifiée à l'intéressée doit être écarté.
9. Aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales : " Les décisions de l'administration sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif. " L'article R. 751-3 du code de justice administrative dispose : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. "
10. En indiquant que les décisions par lesquelles l'administration statue sur une réclamation sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif, l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales a entendu renvoyer aux dispositions qui régissent la notification des décisions clôturant l'instance. Il suit de là que le délai de recours devant le tribunal administratif court à compter du jour où la notification de la décision de l'administration statuant sur la réclamation du contribuable a été faite au contribuable lui-même, à son domicile réel, alors même que cette réclamation aurait été présentée par l'intermédiaire d'un mandataire au nombre de ceux mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative. La circonstance que le contribuable aurait non seulement mandaté un conseil pour le représenter, mais aussi fait élection de domicile en son cabinet, est sans incidence sur l'application de cette règle. Mme A... n'est par suite pas fondée à soutenir que la décision de rejet de sa réclamation ne lui est pas opposable faute d'avoir été notifiée à l'avocat qu'elle avait mandaté pour présenter cette réclamation en son nom.
11. Dès lors que la décision du 22 juillet 2015 de rejet de sa réclamation est réputée lui avoir été régulièrement notifiée et qu'elle disposait de la faculté de contester le rejet implicite de sa demande né à l'expiration d'un délai de six mois prévu par l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, Mme A... ne peut utilement faire valoir qu'elle a été privée du droit de contester les impositions en litige en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à ce que soit prononcée la mainlevée de l'avis à tiers détenteur du 12 juillet 2017 sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente-assesseure,
M. Bouzar, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2022.
La rapporteure,
O. DORIONLe président,
P. BEAUJARDLa greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 20VE01740 2