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29/03/2022 | FRANCE | N°20VE01549

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 mars 2022, 20VE01549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAEM CDC Habitat a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement no 1812208 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à sa demande au titre de son activité de sous-location d'immeubles nus à usage

d'habitation et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAEM CDC Habitat a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement no 1812208 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à sa demande au titre de son activité de sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et deux mémoires, enregistrés sous le n° 20VE1549 le 7 juillet 2020 et le 7 décembre 2020, la SAEM CDC Habitat, représentée par Me Lecoq, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2° de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 au titre de son activité de location de locaux commerciaux.

La SAEM CDC Habitat soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que le dispositif transitoire prévu au II de l'article 1586 sexies du code général des impôts est réservé uniquement aux personnes exerçant une activité de location ou de sous-location d'immeubles qui n'étaient pas antérieurement passibles de la taxe professionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que le moyen de la requête n'est pas fondé.

Par une ordonnance du 13 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 20VE02070 le 18 août 2020 et le 22 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1° d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement attaqué en ce qu'il a partiellement fait droit à la demande de de la SAEM CDC Habitat de décharge des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 au titre de son activité de sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2° de remettre à la charge de la SAEM CDC Habitat les suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle est passible à raison de son activité de sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation au titre des années 2010 et 2011.

Le ministre soutient que la société " Société nationale immobilière " (SNI), à laquelle s'est substituée la SAEM CDC Habitat, exerçait une activité de sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation de façon régulière depuis au moins l'année 2009, en déployant des moyens matériels et intellectuels importants ; dès lors, cette activité constituait une activité professionnelle non salariée au sens de l'article 1447 du code général des impôts et passible, à ce titre, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Par un mémoire, enregistré le 24 juin 2021, la SAEM CDC Habitat, représentée par Me Lecoq, avocat, conclut au rejet de la requête.

La SAEM CDC Habitat fait valoir que le moyen de la requête n'est pas fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de la SAEM CDC Habitat et du ministre de l'économie, des finances et de la relance sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. La SAEM " Société nationale immobilière " (SNI), qui exerçait principalement l'activité d'administration et de location de logements sociaux et intermédiaires, a conclu avec l'Etat (ministère de la Défense) le 12 février 2009 un contrat par lequel cette société a pris à bail un ensemble immobilier de 10 900 logements à l'effet de les sous-louer, pour une durée de dix ans, à des personnels du ministère de la défense. Elle exerçait également une activité de location de locaux commerciaux. Elle a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a procédé, par une proposition de rectification du 29 juillet 2013, à des rehaussements de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises afférents à ces deux activités au titre des années 2010 et 2011. La SAEM CDC Habitat, qui s'est substituée à la SAEM SNI, relève appel du jugement du 2 juillet 2020 en tant que le tribunal administratif de Montreuil, après avoir partiellement fait droit à sa demande de décharge des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises correspondant à son activité de sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, a rejeté le surplus de sa demande de décharge des mêmes impositions correspondant à son activité de location de locaux commerciaux. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève également appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge de ces impositions auxquelles la SAEM CDC Habitat a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 au titre de l'activité de sous-location des immeubles nus à usage d'habitation.

Sur la requête du ministre :

3. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. / Pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises, les activités de location ou de sous-location d'immeubles, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, sont réputées exercées à titre professionnel ; ". Aux termes du I de l'article 1586 ter de ce code : " Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ".

4. Il résulte du I de l'article 1447 du code général des impôts, éclairé par les travaux préparatoires de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 dont il est issu, que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation s'entendent de celles consistant, pour le propriétaire ou le locataire d'un bien immobilier, à le louer ou le sous-louer nu à, respectivement, un preneur ou un sous-locataire dans le cadre d'un bail d'habitation.

5. Par ailleurs, d'une part, la location d'un immeuble nu par son propriétaire n'entre pas dans le champ de l'impôt sur le seul fondement du premier alinéa du I de l'article 1447 du code général des impôts relatif à l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle non salariée, sauf dans l'hypothèse où, à travers cette location, le bailleur ne se borne pas à gérer son propre patrimoine mais poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire. Il en va de même lorsqu'un immeuble nu est donné en sous-location par une personne qui en dispose en vertu d'un contrat de crédit-bail.

6. D'autre part, hors du cas où un locataire principal dispose d'un bien dans le cadre d'un contrat de crédit-bail, une activité de sous-location d'immeuble nu n'entre dans le champ de l'impôt en raison de l'exercice à titre habituel d'une activité professionnelle non salariée, sur le seul fondement des dispositions rappelées au point 3 ci-dessus, que si ce sous-loueur met en œuvre de manière régulière et effective, pour cette activité de sous-location, des moyens matériels et humains ou s'il poursuit, selon des modalités différentes, une exploitation commerciale antérieure ou participe à l'exploitation du locataire.

7. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SAEM SNI, à laquelle s'est substituée la SAEM CDC Habitat, mettait en œuvre de manière régulière et effective des moyens matériels et humains pour la prise en charge de l'activité de sous-location des logements de l'Etat au profit des personnels du ministère de la Défense. Ainsi, la SAEM SNI assumait des dépenses d'exploitation et de maintenance de ces logements conformément aux stipulations du contrat du 12 février 2009 conclu avec l'Etat, faisait appel à un nombre important de gardiens et de concierge et avait recours à son personnel pour la prise en charge du contentieux et du recouvrement afférents à ces sous-locations. Dès lors, la SAEM SNI doit être regardée comme ayant exercé une activité professionnelle non salariée au sens et pour l'application de l'article 1447 précité du code général des impôts. Si la SAEM CDC Habitat fait valoir que son activité doit être assimilée à une activité de gestion de patrimoine, ce moyen est inopérant dès lors qu'elle n'est pas propriétaire du parc immobilier qu'elle sous-loue. De plus, la circonstance alléguée que les logements en cause seraient également passibles de la taxe d'habitation est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a considéré que cette activité ne présentait pas le caractère d'une activité professionnelle et prononcé, pour ce motif, la décharge des suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette auxquels la SAEM CDC Habitat a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 à raison de cette activité.

Sur la requête de la SAEM CDC Habitat :

8. Aux termes du II alors en vigueur de l'article 1586 sexies du code : " Par exception au I, les produits et les charges mentionnés au même I et se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus réputée exercée à titre professionnel au sens de l'article 1447 ne sont pris en compte, pour le calcul de la valeur ajoutée, qu'à raison de 10 % de leur montant en 2010, 20 % en 2011, 30 % en 2012, 40 % en 2013, 50 % en 2014, 60 % en 2015, 70 % en 2016, 80 % en 2017 et 90 % en 2018 ". Ces dispositions ont pour objet de prévoir une soumission progressive à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour les produits et les charges se rapportant à une activité de location ou de sous-location d'immeubles nus exercée par les loueurs, autres que les activités de location ou sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation, lorsqu'une telle activité de location ou de sous-location n'entre pas déjà dans le champ de cet impôt sur le seul fondement du premier alinéa du I de l'article 1447 du même code.

9. En l'espèce, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que l'activité de location de locaux commerciaux prise en charge par la SAEM SNI était, antérieurement aux années d'imposition en litige, assujettie à la taxe professionnelle. Ainsi, alors qu'il n'est pas davantage contesté que cette activité était passible de cette taxe, cette activité entrait déjà dans le champ de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sur le seul fondement du premier alinéa du I précité de l'article 1447 du code général des impôts. Par conséquent, la SAEM CDC Habitat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu ce motif et rejeté sa demande de décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle et de frais d'assiette auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 à raison de la réintégration dans la base imposable de la totalité des produits et charges se rapportant à cette activité.

DECIDE :

Article 1er : Les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont la SAEM CDC Habitat est passible à raison de son activité de sous-location d'immeubles nus à usage d'habitation au titre des années 2010 et 2011 sont remis à sa charge.

Article 2 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 juillet 2020 sont annulés.

Article 3 : La requête de la SAEM CDC Habitat est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAEM CDC Habitat et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Beaujard, président de chambre,

Mme Dorion, présidente assesseure,

M. Bouzar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2022.

Le rapporteur,

M. BOUZARLe président,

P. BEAUJARDLa greffière,

C. FAJARDIE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 20VE01549 et 20VE02070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01549
Date de la décision : 29/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-045-03-02 Contributions et taxes. - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : LECOCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-29;20ve01549 ?
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