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15/03/2022 | FRANCE | N°20VE02980

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 15 mars 2022, 20VE02980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003400 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces

complémentaires, enregistrées le 19 novembre 2020 et le 4 juin 2021, M. B..., représenté par Me L...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 6 mai 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2003400 du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le 19 novembre 2020 et le 4 juin 2021, M. B..., représenté par Me Lalevic, avocate, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d'annuler les décisions contestées ;

3° d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le préfet de l'Essonne a entaché ses décisions de refus de séjour et d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle et familiale.

Vu :

- le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les observations de Me Do Lago, substituant Me Lalevic, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant serbe né le 20 juin 1979 à Villepinte (93) entré en France en dernier lieu en mars 2013, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 6 mai 2020, le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a fait interdiction de retour d'une durée de deux ans. M. B... relève régulièrement appel du jugement du 16 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. " Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) ".

3. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né en France et dont le père résidait régulièrement en France depuis 1973, est entré une première fois en France le 16 février 2010 et a présenté une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride le 6 septembre 2010. Sa demande a été rejetée le 24 octobre 2011 par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par l'OFPRA le 1er octobre 2012, suite au rejet de son recours par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 1er décembre 2011. S'il se prévaut d'une nouvelle entrée en France en mars 2013 et établit par les pièces qu'il produit, notamment le relevé de ses trimestres validés dans le régime de retraite des salariés du secteur privé, que, contrairement aux énonciations de l'arrêté attaqué par lesquelles le préfet de l'Essonne conteste sa présence en France au cours des années 2015 et 2016, il réside en France de manière continue depuis au moins septembre 2015, il ressort également des pièces du dossier que M. B... a présenté le 26 septembre 2012 une demande de titre de séjour pour raison de santé, demande rejetée le 28 mars 2013, une deuxième demande le 10 décembre 2013, pour le même motif, demande rejetée le 27 mai 2014, décision confirmée par un jugement du tribunal administratif de Versailles le 31 mars 2015, et une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié le 25 octobre 2016, rejetée le 3 janvier 2017, à l'appui de laquelle il a produit des bulletins de paie de septembre 2015 à septembre 2016, tandis que son passeport comporte des tampons de police au départ de Roissy le 7 février 2013 et au retour le 6 mars 2013. Il ressort également du dossier produit par le préfet de l'Essonne en première instance et des pièces produites par M. B... pour justifier de son insertion professionnelle que, contrairement aux motif énoncé dans l'arrêté attaqué, qui ne fait état que d'une promesse d'embauche, le requérant a travaillé à temps plein pour un salaire au moins équivalent au SMIC, et cotisé pour la retraite, du 9 janvier au 5 avril 2013 pour la société Uniprom, du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2017, soit pendant 2 ans pour la société PS Métal qui avait justifié sa première demande d'admission au séjour en qualité de salarié, du 1er au 30 novembre 2017 pour la société Lic, du 10 septembre 2018 au 1er février 2019 pour la SARL Bati Nova dans un emploi déclaré de serrurier-métallier, et depuis le 1er février 2019 en contrat à durée indéterminée, dans la même spécialité de serrurier-métallier, pour la société ID NEO qui a présenté une demande d'autorisation de travail en sa faveur le 22 novembre 2019. Recruté à temps plein au SMIC au coefficient 150, il perçoit un salaire brut de 2 902 euros par mois, depuis le 1er février 2020, correspondant au coefficient 170. En outre, M. B... s'est marié en France le 28 novembre 2015 à Grigny (91) avec une compatriote en cours de régularisation qui travaille comme garde d'enfants et dont la mère et la sœur sont titulaires de cartes de séjour pluriannuelles. Le couple, qui s'est logé dans le parc privé, a acheté un appartement en viager le 28 septembre 2018 et déclaré un revenu fiscal de référence de 33 853 euros en 2020. Enfin, M. B... est atteint d'une maladie génétique rare, pour le suivi de laquelle il est pris en charge au Kremlin-Bicêtre. Dans ces circonstances très particulières, nonobstant les refus de séjour assortis de mesures d'éloignement dont M. B... a fait l'objet le 28 mars 2013, le 27 mai 2014 et le 3 janvier 2017, eu égard notamment à la stabilité de l'insertion sociale et professionnelle de M. B... en France, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire sans délai, le préfet de l'Essonne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2020 du préfet de l'Essonne rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire sans délai.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'annulation prononcée par le présent arrêt, pour le motif exposé au point 4, implique nécessairement que le préfet de l'Essonne délivre à M. B... un récépissé sans délai et un titre de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2003400 du 16 octobre 2020 du tribunal administratif de Versailles et l'arrêté du 6 mai 2020 du préfet de l'Essonne sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de délivrer à M. B... un récépissé sans délai et un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

2

N° 20VE02980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE02980
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : LALEVIC

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-03-15;20ve02980 ?
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