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08/02/2022 | FRANCE | N°20VE01020

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 février 2022, 20VE01020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sopra Steria Group, agissant pour elle-même et en tant que tête du groupe auquel appartient sa filiale intégrée Sopra Banking Software, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013, correspondant, à titre principal, à l'imputation de crédits d'impôt afférents aux retenues à la source sur ses redevances de source étrangère, à titre

subsidiaire, à la réduction en base de son bénéfice imposable à concurrence de ces re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sopra Steria Group, agissant pour elle-même et en tant que tête du groupe auquel appartient sa filiale intégrée Sopra Banking Software, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 et 2013, correspondant, à titre principal, à l'imputation de crédits d'impôt afférents aux retenues à la source sur ses redevances de source étrangère, à titre subsidiaire, à la réduction en base de son bénéfice imposable à concurrence de ces retenues à la source.

Par un jugement n° 1806902 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, correspondant à l'admission des conclusions présentées à titre subsidiaire par la société Sopra Steria Group, et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 mars 2020 et le 4 février 2021, la société Sopra Steria Group, représentée par Me Schmitt, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il rejette le surplus de sa demande ;

2° de prononcer la décharge des impositions restant en litige pour un montant total, en droits et intérêts, de 201 867 euros au titre de l'année 2012 et de 599 145 euros au titre de l'année2013 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité du fait du refus opposé à sa demande de saisine pour avis de la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- les retenues à la source pratiquées par les Etats source sur ses rémunérations perçues de ses clients étrangers lui ouvrent droit à des crédits d'impôt imputables sur son imposition en France dès lors que ces rémunérations constituent des redevances au sens des conventions fiscales applicables ; les prestations informatiques relatives à l'intégration des systèmes d'information et de progiciel ne sont pas dissociables de la concession des droits d'utilisation des logiciels ; ces prestations impliquent une forte part de création de solutions adaptées aux besoins du client et un transfert de connaissances à son profit ; la participation active du client à l'intégration de la solution logicielle à son système d'information implique un transfert de savoir-faire ; ses rémunérations en provenance du Maroc et de la Tunisie doivent également être qualifiées de redevances au titre de la fourniture d'études techniques.

Vu le jugement attaqué et les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale conclue entre la France et le Maroc du 29 mai 1970 ;

- la convention fiscale conclue entre la France et la Tunisie du 28 mai 1973 ;

- la convention fiscale conclue entre la France et le Ghana du 5 avril 1993 ;

- la convention fiscale conclue entre la France et l'Algérie du 17 octobre 1999 ;

- la convention fiscale conclue entre la France et la Guinée du 15 février 1999 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion ;

- les conclusions de M. Met, rapporteur public ;

- et les observations de Me Schmitt pour la société Sopra Banking Software.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sopra Steria Group et sa filiale Sopra Banking Software, intégrée à compter de 2013, qui exercent une activité de conception de logiciels, de conseil et de prestation de services dans le domaine informatique, ont fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, à l'issue desquelles l'administration fiscale a notamment remis en cause l'imputation de crédits d'impôt correspondant à des retenues à la source pratiquées par les Etats source à raison de prestations réalisées en Algérie, au Ghana, en Guinée, au Maroc et Tunisie. Si le service a admis de prendre en compte, au titre d'une prise de position formelle antérieure, les rémunérations de prestations de licence et de maintenance, regardées comme des redevances, il a refusé d'imputer sur l'impôt dû en France l'impôt étranger afférent aux autres prestations, notamment les prestations d'intégration des logiciels donnés en licence aux clients. La société Sopra Steria Group relève appel, , en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande, du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...). " Aux termes de l'article de l'article L. 59 C de ce livre : " La commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du code général des impôts intervient pour les entreprises qui exercent une activité industrielle et commerciale sur les désaccords en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxes sur le chiffre d'affaires dans les mêmes conditions que celles définies à l'article L. 59 A. " L'article L. 59 A du même livre dispose que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient notamment lorsque le désaccord porte sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition.

3. Suite au maintien des rectifications en réponse à ses observations, la société Sopra Steria Group a demandé le 11 avril 2016 que soit soumis pour avis à l'appréciation de la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, le différend relatif à la nature des prestations informatiques délivrées à ses clients, à l'interprétation des conventions fiscales signées avec le Maroc et la Tunisie, et au traitement fiscal des retenues à la source subies dans ces deux pays. Le litige portant sur l'imputation d'un crédit d'impôt, et non sur la détermination du résultat imposable de la contribuable, n'entrait pas dans le champ de compétence de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires défini par l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. En outre, le désaccord persistant entre le contribuable et l'administration, relatif à la qualification juridique des rémunérations reçues de l'étranger par la société Sopra Steria Group, portait sur une question de droit échappant également à la compétence de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il s'ensuit que le refus de l'administration fiscale de saisir cette commission pour avis, qui lui a été opposé le 6 juillet 2017, n'a pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. D'une part, il résulte de l'article 16 de la convention fiscale franco-marocaine, de l'article 19 de la convention fiscale franco-tunisienne, et des articles 12 des conventions fiscales franco-guinéenne, franco-ghanéenne et franco-algérienne et que les redevances perçues par un résident français en provenance de l'un de ces Etats en contrepartie de l'usage ou du droit à l'usage de droits d'auteur sur des œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques, y compris d'une formule ou d'un procédé secrets, peuvent donner lieu à une retenue à la source dans l'Etat d'où elles proviennent et entrer également dans l'assiette imposable du bénéficiaire résidant en France.

5. D'autre part, en vertu des stipulations relatives à l'élimination des doubles impositions figurant aux articles 24 des conventions fiscales conclues avec l'Algérie, la Guinée et le Ghana, lorsqu'un résident fiscal de France perçoit des revenus en provenance de ces Etats qui ont la nature de redevances et qui ont supporté l'impôt à l'étranger, la France accorde au bénéficiaire de ces revenus un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français, égal au montant de l'impôt prélevé dans l'État d'origine mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. Les stipulations de l'article 25 de la convention fiscale franco-marocaine et de l'article 29 de la convention fiscale franco-tunisienne prévoient également, en ce qui concerne cette catégorie de revenus, que la France accorde au bénéficiaire de telles redevances qui a son domicile fiscal en France, une réduction d'impôt correspondant au montant des impôts prélevés au Maroc et en Tunisie sur ces mêmes revenus.

6. Il résulte de l'instruction que la société Sopra Banking Software, éditeur et concepteur des logiciels et progiciels " Banking " de la gamme Evolan, a déduit de son imposition au titre de l'année 2013 des crédits d'impôt correspondant aux retenues à la source opérées par l'Algérie, le Ghana, la Guinée, le Maroc et la Tunisie, sur ses rémunérations perçues à raison de contrats de concession de licences de progiciels, de prestations d'intégration de programmes informatiques et de maintenance informatique. De même, la société Sopra Steria Group, spécialisée dans la fourniture de solutions informatiques sur mesure, a imputé au même titre des retenues à la source afférentes à des prestations réalisées au Maroc et en Tunisie en 2012 et 2013. Elle soutient que la rémunération des prestations d'intégration des logiciels doit être qualifiée de redevance au sens des conventions fiscales applicables et ouvrir droit à réduction d'impôt. T premier lieu, alors même qu'elles ne pourraient être rendues séparément, les prestations de concession de licence, d'intégration et de maintenance peuvent être individualisées et ont d'ailleurs fait l'objet de contrats distincts et d'une facturation séparée selon des modes de rémunération différents, de sorte qu'elles ne peuvent être regardées comme un tout indissociable. En deuxième lieu, l'adaptation des progiciels de la société au système d'information du client n'emporte pas de transfert de savoir-faire et d'expérience scientifique au profit de ce dernier, dès lors que le contrat de licence ne porte que sur un droit d'utilisation du logiciel et qu'il ressort des documents contractuels que le client, qui ne peut procéder par lui-même aux adaptations nécessaires, doit recourir aux services et à l'expertise du prestataire pour le déploiement et l'intégration des évolutions de la solution dans son propre système d'information. Enfin, les prestations de fabrication et d'intégration de logiciels assurées par la société n'ont pas pour objet la fourniture d'études techniques ou économiques au sens des stipulations des conventions franco-marocaine et franco-tunisienne. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause l'imputabilité de l'impôt étranger afférents aux prestations d'intégration des logiciels concédés dans le système d'information du client réalisées par la société, au motif que la rémunération de ces prestations ne pouvait être qualifiée de redevance au sens des conventions fiscales applicables.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Sopra Steria Group n'est pas fondée à se soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Sopra Steria Group est rejetée.

N° 20VE01020 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01020
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Interprétation

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : CABINET DE GAULLE FLEURANCE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-02-08;20ve01020 ?
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