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08/02/2022 | FRANCE | N°20VE00585

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 08 février 2022, 20VE00585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, par une requête enregistrée sous le n° 1708331, de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 et d'autre part, par une requête enregistrée sous le n° 1803290, de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.<

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Par un jugement nos 1708331, 1803290 du 17 décembre 2019, le tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... B... ont demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, par une requête enregistrée sous le n° 1708331, de prononcer la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2016 et d'autre part, par une requête enregistrée sous le n° 1803290, de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement nos 1708331, 1803290 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Quertier et Me Noël, avocats, demandent à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de faire droit à leurs demandes ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 1 036 euros au titre des frais de traduction.

Ils soutiennent que :

- ils sont bien-fondés à opposer à l'administration des prises de position formelle de l'administration sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- A... acquittée au Portugal sur les pensions d'origine portugaise n'a pas la nature d'une imposition, comme l'a jugé expressément le juge constitutionnel portugais le 22 avril 2013, mais correspond à un mécanisme temporaire de baisse des pensions ;

- A... doit être déduite du montant du revenu imposable, puisqu'elle s'analyse comme une baisse des pensions, et comme une contribution de sécurité sociale ouvrant droit à déduction sur le fondement des dispositions du 1° et du 1° 0 bis de l'article 83 du code général des impôts ;

- il a effectivement présenté au Portugal des recours tendant à obtenir le remboursement de A..., recours qui ont été rejetés ;

- ayant pris l'initiative d'interroger à plusieurs reprises le service, les pénalités mises à leur charge ne sont pas justifiées.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Met, rapporteur public ;

- et les observations de Me Quertier, pour M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a perçu au cours des années 2014 à 2016 des pensions de retraite de source portugaise. Au titre des années 2014 et 2015, M. et Mme B... ont déclaré les sommes correspondantes comme étant partiellement exonérées d'impôt sur le revenu. A la suite d'un contrôle sur pièces dont ils ont fait l'objet, l'administration a remis en cause cette exonération par proposition de rectification du 29 août 2017. Au titre de l'année 2016, M. et Mme B... ont déclaré le 22 mai 2017 la somme globale de 235 880 euros en tant qu'" autres pensions imposables de source étrangère " puis ont, après la mise en recouvrement de leur cotisation d'impôt sur le revenu, modifié le 13 septembre 2017 leur déclaration initiale afin d'exclure cette somme des revenus imposables en France. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 et 2015 et, d'autre part, à la réduction de la cotisation primitive de l'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2016.

Sur le principe de l'imposition des pensions en France :

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

En ce qui concerne la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / (...) ". Aux termes de l'article 4 B de ce code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; ".

4. En l'espèce, il est constant que M. et Mme B... ont eu en France leur foyer lors des années 2014, 2015 et 2016. Par suite, ils doivent être considérés comme ayant eu en France leur domicile fiscal et sont passibles, au titre de ces années, de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus, de source française comme étrangère.

En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-portugaise :

5. Aux termes de l'article 19 de la convention du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu : " Sous réserve des dispositions du paragraphe 1 de l'article 20, les pensions et autres rémunérations similaires, versées à un résident d'un Etat contractant au titre d'un emploi antérieur, ne sont imposables que dans cet Etat ". Aux termes de l'article 20 de cette convention, dans sa rédaction issue de l'avenant du 25 août 2016, applicable aux années d'imposition en litige en vertu du 3. de l'article 7 de cet avenant, et dont le paragraphe 1 auquel renvoie l'article 19 de la convention figure depuis au paragraphe 2 : " 2. Les pensions et autres rémunérations similaires payées par un Etat contractant ou l'une de ses subdivisions politiques ou administratives ou collectivités locales ou territoriales ou par une de leurs personnes morales de droit public, soit directement, soit par prélèvement sur des fonds qu'ils ont constitués, à une personne physique au titre de services rendus à cet Etat, subdivision, collectivité ou personne morale ne sont imposables que dans cet Etat. Toutefois, ces pensions et autres rémunérations similaires ne sont imposables que dans l'autre Etat contractant si la personne physique est un résident de cet Etat et en possède la nationalité ". Il résulte de ces stipulations que, dès lors que M. B..., qui a perçu des pensions de retraite de source portugaise versées par un fonds de pension privée et par un fonds public de la sécurité sociale du Portugal, réside en France et possède la nationalité française, ces pensions ne sont imposables qu'en France.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la loi fiscale :

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt n° 187/2013 publié le 22 avril 2013 du Tribunal constitutionnel portugais que, si la " contribuiçao extraordinaria de solidariedade " (CES) acquittée par les appelants sur les pensions de retraite de source portugaise n'est pas un impôt sur le revenu au sens du paragraphe 1er de l'article 104 de la Constitution portugaise, il s'agit d'une contribution financière obligatoire instaurée afin de parer aux difficultés budgétaires de l'Etat portugais et de réduire le déficit de la sécurité sociale portugaise. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., A... acquittée par M. B... au Portugal sur ses pensions d'origine portugaise ne correspond pas à un mécanisme temporaire de baisse des pensions mais à un prélèvement obligatoire. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que, pour ce motif, l'administration aurait dû déduire de la base imposable la part correspondant à cette contribution.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 83 du code général des impôts : " " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : / 1° Les cotisations de sécurité sociale, y compris : / (...) / 1° 0 bis Les cotisations versées conformément aux dispositions du règlement CEE n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ou conformément aux stipulations d'une convention ou d'un accord international relatif à l'application des régimes de sécurité sociale ; ".

8. Ainsi qu'exposé précédemment, A... acquittée M. et Mme B... sur les pensions de retraite de source portugaise de M. B... est une contribution financière obligatoire instaurée dans le but de parer aux difficultés budgétaires de l'Etat portugais et de réduire le déficit de la sécurité sociale portugaise. Ainsi, nonobstant ce qu'a jugé le tribunal constitutionnel portugais le 22 avril 2013 pour l'application du droit portugais, il ne s'agit, pour l'application de l'article 83 précité du code général des impôts, ni d'une cotisation de sécurité sociale ni a fortiori d'une cotisation versée conformément aux dispositions du règlement du Conseil du 14 juin 1971 alors au demeurant que M. B... n'a pas acquitté cette contribution en qualité de travailleur détaché en France. Dès lors, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que A... doit être déduite du montant de leur revenu imposable sur le fondement des dispositions précitées de l'article 83 du code général des impôts.

9. En dernier lieu, ainsi qu'exposé au point 5, M. B..., qui a perçu des pensions de retraite de source portugaise versées par un fonds de pension privé et par un fonds public de la sécurité sociale du Portugal, réside en France et possède la nationalité française, de sorte que ses pensions ne sont imposables qu'en France. Au surplus, à supposer établie que M. B... a effectivement présenté des recours tendant à obtenir le remboursement de A..., et que ses recours ont été rejetés, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige dès lors que, ainsi que le reconnaissent les appelants eux-mêmes, cette contribution financière obligatoire n'a pas la nature d'une imposition et n'entre pas, par suite, dans le champ des stipulations prévues pour éviter la double imposition figurant à l'article 24 de la convention fiscale du 14 janvier 1971 entre la France et le Portugal

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

10. Aux termes de L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi ".

11. Si M. et Mme B... soutiennent que l'administration fiscale a pris une position formelle s'agissant du caractère non imposable des revenus provenant des pensions de retraite de source portugaise perçues par M. B... et se prévalent de courriels qui leur ont été adressés les 17 et 20 septembre 2010 par Mme F... C..., agent administratif du centre des impôts de Versailles Nord, en réponse à leurs interrogations concernant leur déclaration des revenus de l'année 2009, il résulte en tout état de cause de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle portant sur ces revenus, l'administration a proposé aux intéressés, le 12 octobre 2012, des rectifications afin d'intégrer dans leurs revenus imposables les pensions de retraite de source portugaise perçues par M. B.... De plus, dans sa réponse aux observations du contribuable du 2 avril 2013, l'administration leur a indiqué que la réponse par courriel du 20 septembre 2010 du service du centre des impôts de Versailles Nord ne constituait pas une prise de position formelle. Ainsi, en tout état de cause, la position qui aurait été exprimée en 2010, qui émanait d'un agent de catégorie C et qui ne portait nullement sur la question de la déductibilité de A... acquittée sur les pensions d'origine portugaise, a été rapportée par la proposition de rectification du 12 octobre 2012 ainsi que par la réponse aux observations du contribuable sur cette proposition. Par suite, M. et Mme B... ne sauraient s'en prévaloir au titre des années d'imposition en litige, alors au surplus que leurs revenus au titre de l'année 2016 n'ont pas été rehaussés. Enfin, il ne résulte d'aucune des pièces versées à l'instruction que, lors de leurs échanges en 2014 avec Mme D..., inspectrice des finances publiques, ou que lors de la correction de leur télédéclaration opérée en septembre 2017, l'administration aurait adopté une prise de position formelle admettant l'exonération des pensions de retraite de source portugaise de leur impôt sur le revenu.

Sur le bien-fondé des pénalités :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que droits rappelés au titre des années 2014 et 2015 ont été majorés de 10% en application de l'article 1758 A du code général des impôts, aux termes duquel " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue ". De telles pénalités s'appliquant indépendamment de la bonne ou de la mauvaise foi du contribuable, M. et Mme B... ne peuvent utilement soutenir que M. B... a fait preuve de sa bonne foi en ayant pris l'initiative d'interroger à plusieurs reprises le service et que pour ce motif les pénalités mises à leur charge ne sont pas justifiées.

13. En second lieu, les intérêts de retard prévus par l'article 1727 du code général des impôts s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une sanction. Par suite, si M. et Mme B... contestent, pour les mêmes motifs, les intérêts de retard ayant assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige, ce moyen doit également être écarté comme étant inopérant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Leur requête doit par suite être rejetée, y compris leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

2

N° 20VE00585


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00585
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Formes.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : NOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-02-08;20ve00585 ?
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