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03/02/2022 | FRANCE | N°20VE03422

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 03 février 2022, 20VE03422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, avec un délai de départ volontaire de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification d

u jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce titre, une autorisati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, avec un délai de départ volontaire de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce titre, une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, enfin, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2005435 du 19 novembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2020, M. A..., représenté par Me Mériau, avocat, demande à la cour :

1°) d'infirmer ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté et les décisions qu'il contient ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure dont il a fait l'objet est irrégulière dès lors que l'avis du 25 février 2020 de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ne lui a pas été communiqué ;

- cet avis est en outre entaché d'incompétence dès lors que la DIRECCTE n'avait pas compétence pour se prononcer sur le renouvellement de son titre de séjour ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis de la DIRECCTE ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a toujours travaillé pendant la période concernée même s'il a changé d'employeur et qu'il démontre sa capacité d'intégration par le travail ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, bien qu'il soit le père d'un enfant encore mineur, il a développé sa vie privée sur le territoire français où il réside depuis douze années à la date de la décision attaquée et où il est parfaitement intégré par le travail ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes motifs que ceux soulevés à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision fixant son délai de départ volontaire à 30 jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce que ce délai ne lui permet pas d'organiser dans un délai raisonnable un départ de France compte tenu de sa situation personnelle et professionnelle.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes, signée à Bamako le 26 septembre 1994 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant malien né le 31 décembre 1982, est, selon ses déclarations, entré en France au cours de l'année 2008. Le 30 novembre 2017, il a obtenu son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, pour travailler auprès de la société à responsabilité limitée (SARL) M. L. Energie. Il a ensuite présenté le 22 novembre 2018 au préfet de l'Essonne une demande de renouvellement de son titre de séjour, en qualité cette fois de salarié de la société par actions simplifiée (SAS) Signature. L'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a émis le 25 février 2020 un avis défavorable à sa demande. Par un arrêté du 21 juillet 2020, le préfet de l'Essonne lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il était susceptible d'être éloigné à l'expiration de ce délai. M. A... relève appel du jugement du 19 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 5221-17 du code du travail : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ". Si ces dispositions prévoient que la décision relative à la demande d'autorisation de travail est notifiée à l'étranger, cette obligation ne s'applique qu'à la décision prise sur la demande d'autorisation de travail par le préfet, qui est compétent à cet effet, et non à l'avis éventuellement émis par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans le cadre de l'instruction de la demande présentée par l'étranger pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ". Par suite, ainsi que l'ont exactement relevé les premiers juges, M. A..., qui a eu communication de la décision du préfet de l'Essonne, ne peut utilement se prévaloir de l'absence de notification de l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 25 février 2020 à l'encontre de la décision de refus de titre de séjour.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des motifs retenus par l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dans son avis du 25 février 2020 que, nonobstant l'impropriété des termes employés par cette dernière, celle-ci n'a pas entendu refuser la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé mais uniquement émettre un avis défavorable au renouvellement de son autorisation de travail. Par suite, le moyen nouveau invoqué en appel, tiré de ce que cet avis serait entaché d'incompétence, doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui s'est approprié les motifs de l'avis de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, se soit estimé lié par cet avis. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en se plaçant en situation de compétence liée doit donc être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 5221-34 du code du travail : " Le renouvellement d'une des autorisations de travail mentionnées aux articles R. 5221-32 et R. 5221-33 peut être refusé en cas de non-respect des termes de l'autorisation par l'étranger ou en cas de non-respect par l'employeur : 1° De la législation relative au travail ou à la protection sociale ; / 2° Des conditions d'emploi, de rémunération ou de logement fixées par cette autorisation ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu le 30 novembre 2017 son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié pour travailler auprès de la SARL M. L. Energie alors même qu'il avait déjà démissionné de cette société à la fin du mois de juillet 2017, soit avant même la délivrance de son titre de séjour, et qu'il avait été embauché, à compter du mois d'août 2017, par la société par actions simplifiée (SAS) Signature, sans avoir fait état de ce recrutement auprès de l'administration. En ne respectant pas les termes de l'autorisation de travail initiale qui lui a été accordée et en travaillant pour la SAS Signature sans y avoir expressément été autorisé, l'intéressé a méconnu les dispositions de l'article R. 5221-34 du code du travail. Par suite, le préfet pouvait légalement lui refuser le renouvellement de son autorisation de travail et de son titre de séjour. Dans ces conditions, et compte tenu, notamment, du caractère fictif de l'embauche par la SARL M. L. Energie dont a fait état M. A... devant l'administration, le préfet de l'Essonne ne s'est pas non plus livré à une appréciation manifestement erronée des faits de l'espèce en refusant de renouveler son titre de séjour.

7. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est célibataire et sans charge de famille en France. Il ressort aussi des mentions non contestées de l'arrêté attaqué qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents ainsi que son enfant mineur. Dans ces conditions, le préfet de l'Essonne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

10. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 8 concernant le refus de titre de séjour, que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent, pour les motifs précédemment exposés, être écartés.

Sur la décision fixant le délai de départ volontaire :

11. Il résulte du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. Si les dispositions de cet article prévoient que l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne aurait, dans les circonstances de l'espèce, commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accordant pas à M. A..., à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête. Par suite, la requête d'appel de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

N° 20VE03422 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE03422
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : MERIAU

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-02-03;20ve03422 ?
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