Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Matmut a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la communauté d'agglomération des portes de l'Essonne à lui verser une indemnité totale, à parfaire, de 556 450,53 euros, assortie des intérêts légaux, en remboursement des sommes qu'elle a dû verser à M. B... et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Essonne, à raison de l'accident dont celui-ci a été victime le 1er novembre 2006, et à lui régler les frais futurs qu'elle devra encore exposer à ce titre, et de mettre à la charge de cette communauté d'agglomération le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1604059 du 18 octobre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 5 décembre 2019 et 26 juillet 2020, la société Matmut, représentée par Me Callon, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvres, venant aux droits et obligations de la communauté d'agglomération des portes de l'Essonne, à lui verser une indemnité totale, à parfaire, de 736 773,67 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en remboursement des sommes qu'elle a dû verser à M. B... et à la CPAM de l'Essonne, à raison de l'accident dont celui-ci a été victime le 1er novembre 2006 ;
3°) de mettre à la charge de cet établissement le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- comme l'a jugé le tribunal administratif, sa demande indemnitaire n'est pas prescrite au regard de la loi du 31 décembre 1968 ;
- la responsabilité de l'établissement intimé est engagée en raison du défaut d'entretien normal de la voie publique, dès lors que l'éclairage de celle-ci ne fonctionnait pas et que cette panne n'avait pas été signalée aux usagers ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, la faute de la victime n'est pas exonératoire dès lors, d'une part, que celle-ci, tiers à l'ouvrage, bénéficie d'un régime de responsabilité sans faute et, d'autre part, qu'à la considérer comme étant usager de l'ouvrage, cette faute n'est pas établie et ne pouvait, en tout état de cause, être totalement exonératoire ;
- par conséquent, elle est en droit d'obtenir le remboursement des sommes qu'elle a versées, à raison des conséquences de l'accident en cause, à la victime elle-même, soit 474 235,02 euros, et à la CPAM, soit 262 583,65 euros.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des assurances ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutain,
- et les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 1er novembre 2006 vers 19h15, M. C..., qui circulait à bord de son véhicule sur l'avenue Gabriel Péri à Juvisy-sur-Orge (Essonne), a percuté M. B..., alors que ce dernier traversait la chaussée pour regagner son domicile, situé au n° 39 de cette voie. La société Matmut, assureur du véhicule de M. C..., a indemnisé M. B..., blessé lors de cet accident, à raison des préjudices subis, ainsi que la CPAM de l'Essonne, en remboursement des prestations servies à la victime. Après vaine réclamation indemnitaire préalable, la société Matmut, en qualité d'assureur subrogé, a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la communauté d'agglomération des portes de l'Essonne, aux droits et obligations de laquelle est venu l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvres, à lui verser une indemnité totale, à parfaire, de 556 450,53 euros, assortie des intérêts légaux, en remboursement des sommes qu'elle a ainsi respectivement versées à M. B... et à la CPAM de l'Essonne, et à lui régler également les frais futurs qu'elle devrait encore exposer à ce titre. Par un jugement du 18 octobre 2019, ce tribunal a rejeté sa demande. La société Matmut relève appel de ce jugement, en portant le montant des sommes dont elle sollicite le remboursement à un total, à parfaire, de 736,773,67 euros, assorti des intérêts légaux et de leur capitalisation.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. D'une part, l'assureur de l'auteur d'un dommage ayant indemnisé la victime d'un accident de circulation, à la suite d'une décision de la juridiction judiciaire ou par une transaction, peut saisir la juridiction administrative d'un recours en vue de faire supporter la charge de la réparation par la personne tenue d'y répondre sur le fondement du régime de responsabilité pour dommages de travaux publics. Cette action revêt un caractère subrogatoire, l'assureur étant subrogé dans les droits de la victime par l'effet successif de la subrogation dans les droits du conducteur responsable, son assuré, et de sa subrogation dans les droits de la victime d'un dommage de travaux publics à l'encontre du maître de l'ouvrage ou de la personne devant répondre de son entretien.
3. D'autre part, il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'absence de défaut d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
4. En l'espèce, il est constant qu'au moment de l'accident décrit au point 1, survenu alors qu'il faisait déjà nuit, la portion de l'avenue Gabriel Péri située au niveau du n° 39 de cette voie n'était pas éclairée, le candélabre y étant implanté se trouvant alors en panne et n'ayant été réparé que le lendemain. Par ailleurs, l'établissement intimé, venant aux droits et obligations de la communauté d'agglomération qui était, à l'époque, le maître de l'ouvrage, n'établit, ni même n'allègue, que cette défaillance de l'éclairage de cette voie publique aurait fait l'objet d'une signalisation particulière, ni qu'elle serait survenue trop peu de temps avant l'accident pour être signalée. Dans ces conditions, un tel défaut d'éclairage doit être regardé comme procédant d'un manquement du maître de l'ouvrage à son obligation d'entretien de la voie publique et de ses dépendances dont M. B... était l'usager.
5. Toutefois, il résulte de l'instruction et, notamment, des procès-verbaux d'audition des témoins de l'accident dressés par les services de police que M. B..., victime de l'accident, alors âgé de soixante-dix-huit ans et marchant à l'aide d'une canne, a entrepris, accompagné de sa fille âgée de quarante-cinq ans, de traverser cette avenue, à double sens de circulation, au droit de son domicile, dans l'obscurité et en dehors des passages pour piétons pourtant aménagés sur cette voie urbaine. Par ailleurs, il ressort également des mêmes pièces et, en particulier, du procès-verbal d'audition de M. A..., témoin de l'accident, que M. B... et sa fille se sont engagés sur cette voie de circulation précisément depuis l'avant d'un véhicule alors stationné à cheval sur le trottoir, obstacle qui les dissimulait à la vue des automobilistes approchants, depuis Savigny-sur-Orge et en direction de la route nationale n° 7, et qui, par suite, empêchait ces derniers, quel que soit l'état d'éclairage du trottoir, d'apercevoir les intéressés avant qu'ils n'en descendent. Dans ces conditions, l'accident survenu à M. B... doit être regardé comme étant uniquement imputable à l'imprudence de ce dernier, et non à la panne du candélabre voisin.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Matmut n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvres, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à la société Matmut de la somme que celle-ci demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Elles font également obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles qui n'ont pas la qualité de parties à l'instance mais d'observateurs. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Matmut le versement à l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvres de la somme de 2 000 euros par application des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Matmut est rejetée.
Article 2 : La société Matmut versera à l'établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvres la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
2
N° 19VE04029