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25/01/2022 | FRANCE | N°19VE03150

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 25 janvier 2022, 19VE03150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 à raison de leurs revenus fonciers à hauteur de la somme totale de 5 129 euros, et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur la question préjudicielle qui lui a été transmise par la cour administrative d'appel de Douai le

14 décembre 2015.

Par un jugement n° 1607885 du 23 avril 2019, le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 à raison de leurs revenus fonciers à hauteur de la somme totale de 5 129 euros, et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne sur la question préjudicielle qui lui a été transmise par la cour administrative d'appel de Douai le 14 décembre 2015.

Par un jugement n° 1607885 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2019 et des mémoires, enregistrés les 9 novembre 2020 et le 13 avril 2021, M. et Mme F..., représentés par Me Alberti, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge et, à titre subsidiaire, le dégrèvement et le remboursement, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 7 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- depuis 2008, M. F... cotise au régime de sécurité sociale de l'organisation Eurocontrol, conformément aux stipulations du 2° de l'article 83 du statut administratif du personnel d'Eurocontrol et il ne bénéficie pas du régime de sécurité sociale français ;

- le principe d'unicité des législations sociales, prévu par le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, et les décisions de Ruyter et de Lobkowicz de la Cour de justice de l'Union européenne, s'appliquent aux agents d'Eurocontrol dont le statut administratif est équivalent à celui des fonctionnaires de l'Union européenne et les régimes de sécurité sociale identiques ;

- en tout état de cause, la seule constatation qu'il ne relèverait pas de ce règlement est insuffisante à justifier la discrimination dont il fait l'objet par rapport à un fonctionnaire de l'Union européenne ;

- leur assujettissement aux prélèvements sociaux à raison de revenus locatifs tirés de biens immobiliers sis en France porte atteinte à la liberté de circulation des travailleurs qui leur est garantie par l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en leur qualité de ressortissant de l'Union européenne, en raison d'une discrimination envers les non-résidents ;

- cet assujettissement porte également atteinte la libre circulation des capitaux, garantie par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dont relèvent les investissements immobiliers, nonobstant la décision Jahin de la Cour de justice de l'Union européenne, laquelle concerne des ressortissants d'États tiers ;

- les mêmes prélèvements, auxquels leurs revenus fonciers ont été soumis au titre des années 2015 et 2016, ont été dégrevés.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier ses articles 45 et 63 ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonfils,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Alberti, pour M. et Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., fonctionnaire de l'organisation Eurocontrol, et son épouse, sont tous deux français et résidents fiscaux belges. Ils ont été assujettis à des prélèvements sociaux au titre des années 2012, 2013 et 2014 à raison de revenus fonciers de source française. M. et Mme F... font appel du jugement du 23 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces prélèvements sociaux pour un montant total de 5 129 euros.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 11 du règlement (CE) n° 883 / 2004, " les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre (...). 3. (...) a), la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre ". Il résulte clairement de ces dispositions que celles-ci ne s'appliquent qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs États membres de l'Union européenne sans que le fait d'être un ressortissant ou un résident fiscal d'un Etat membre, non affilié au régime de sécurité sociale de cet Etat, suffise à faire entrer dans le champ du règlement. Il s'ensuit que les agents de l'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, Eurocontrol, affiliés au régime de sécurité sociale de cette organisation intergouvernementale n'entrent pas dans le champ d'application de ce règlement alors même qu'ils seraient ressortissants ou résidents fiscaux d'un Etat membre de l'Union européenne. Par ailleurs, dès lors que la qualité d'agents d'Eurocontrol ne saurait être assimilée à celle de fonctionnaires de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de transposer à leur situation la solution que la Cour de justice de l'Union européenne a retenue dans son arrêt du 10 mai 2017 Wenceslas de Lobkowicz (C-690/15) s'agissant des fonctionnaires de l'Union européenne.

3. Il résulte de ce qui précède que M. F..., fonctionnaire de l'organisation Eurocontrol depuis le 1er mai 2008, et en cette qualité obligatoirement affilié au régime de sécurité sociale de cette organisation, ainsi que son épouse à laquelle cette affiliation est étendue, n'entrent pas dans le champ du règlement précité et ne peuvent dès lors pas utilement soutenir que les impositions qu'ils contestent contreviendraient au principe d'unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale, alors même qu'il contribue à favoriser la libre circulation.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. / 2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail (...). ". Un ressortissant de l'Union européenne travaillant dans un Etat membre autre que son Etat membre d'origine et qui a accepté un emploi dans une organisation internationale relève du champ d'application de cet article.

5. L'adoption d'actes de droit dérivé dans le domaine de la sécurité sociale ne saurait faire obstacle à ce que les contribuables puissent invoquer, même en substance, les stipulations relatives à la libre circulation d'un traité régissant leur situation, notamment lorsqu'ils n'entrent pas dans le champ des actes de droit dérivé en cause. Si la coordination des systèmes de sécurité sociale ne découle pas directement de la liberté de circulation posée par l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qu'elle a seulement vocation à favoriser, cela ne saurait faire obstacle à ce que ces stipulations soient susceptibles de s'opposer à une entrave prenant la forme de prélèvements obligatoires. L'existence d'une réglementation de l'Union de mise en œuvre de cette liberté oblige à examiner la compatibilité du régime national litigieux, tant avec celle-ci, en l'occurrence, le règlement n° 883/2004, qu'avec le droit primaire. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne le 23 janvier 2019, dans l'affaire C-272/17 K. M. B... contre Staatssecretaris van Financiën : " (...) si les États membres conservent en principe leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, ils doivent néanmoins, dans l'exercice de cette compétence, respecter le droit de l'Union et, notamment, les dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des travailleurs. ".

6. Par son arrêt rendu le 6 octobre 2016 dans l'affaire C-466/15, la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que l'article 45 du traité s'oppose à toute mesure qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les ressortissants de l'Union, des libertés fondamentales garanties par ce traité. Le droit primaire de l'Union ne saurait garantir à un assuré qu'un déplacement dans un autre État membre soit neutre en matière de sécurité sociale, compte tenu des disparités existant entre les régimes et les législations des États membres, un tel déplacement pouvant, selon les cas, être plus ou moins avantageux ou désavantageux pour le travailleur sur le plan de la protection sociale. Toutefois, dans le cas où son application est moins favorable, une réglementation nationale n'est conforme au droit de l'Union que pour autant que, notamment, cette réglementation nationale ne désavantage pas le travailleur concerné par rapport à ceux qui exercent la totalité de leurs activités dans l'État membre où elle s'applique et qu'elle ne le conduit pas purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus. N'est donc pas conforme au droit de l'Union, et constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs, une réglementation nationale qui a pour effet que le travailleur migrant contribue non seulement au financement du régime de sécurité sociale auquel il est affilié, mais aussi au financement d'un régime de sécurité sociale auquel il n'est pas affilié et qui ne peut donc lui procurer aucun bénéfice, et verse ainsi des contributions à fonds perdus au financement d'un régime national de sécurité sociale dont il ne relève pas.

7. La circonstance qu'un prélèvement soit qualifié d'impôt et non de cotisation sociale par une législation nationale ne signifie pas que, au regard de la prohibition exposée ci-dessus, ce même prélèvement ne puisse être regardé comme prohibé, le critère déterminant étant celui de l'affectation spécifique du prélèvement en cause au financement du système de sécurité sociale de l'État concerné. S'agissant d'un ressortissant de l'Union travaillant dans un État membre autre que son Etat membre d'origine et qui, ayant accepté un emploi dans une organisation internationale, contribue au régime de sécurité sociale propre à cette organisation, dont il relève, l'obligation faite par la loi d'acquitter une contribution affectée directement et spécifiquement au financement de prestations contributives d'un régime national de sécurité sociale dont il ne relève pas le conduit à contribuer à fonds perdus au financement de ces prestations dès lors que cette obligation est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servi par ledit régime national.

8. Il s'ensuit qu'une législation fiscale nationale qui impose à un ressortissant de l'Union travaillant dans un Etat membre autre que son Etat membre d'origine et qui, ayant accepté un emploi dans une organisation internationale, contribue au régime de protection sociale propre à l'organisation dont il relève, de contribuer également au financement d'un régime de sécurité sociale nationale, sans que cette contribution lui ouvre un droit à protection sociale dans cet État en complément de celle dont il bénéficie du chef de l'organisation dont il relève, constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs. Une telle restriction peut néanmoins être admise si elle poursuit un objectif légitime compatible avec les traités, est justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général s'appliquant à tous, propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint. Il incombe aux autorités nationales compétentes, lorsqu'elles adoptent une mesure dérogatoire à un principe consacré par le droit de l'Union, de prouver, dans chaque cas d'espèce, que ladite mesure est propre à garantir la réalisation de l'objectif invoqué et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci. Les raisons justificatives susceptibles d'être invoquées par un État membre doivent donc être accompagnées de preuves appropriées ou d'une analyse de l'aptitude et de la proportionnalité de la mesure restrictive adoptée par cet État, ainsi que des éléments précis permettant d'étayer son argumentation.

9. Au cas d'espèce, et ainsi qu'il a été indiqué au point 3., M. et Mme F... n'entrent pas dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883/2004. En revanche, M. F..., ressortissant français domicilié en Belgique, occupe un emploi de fonctionnaire au sein de l'agence de l'organisation Eurocontrol située en Belgique. Par suite, il relève du champ d'application de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Etant affilié, ainsi que son épouse, au régime autonome de sécurité sociale de cette organisation, ils ne sont pas assujettis aux cotisations sociales finançant les risques couverts par le régime français de sécurité sociale, dont ils ne relèvent pas. L'obligation dans laquelle ils se trouvent d'acquitter, sur leurs revenus du patrimoine, les contributions en litige est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servi par un régime de sécurité sociale français. Pour celles de ces contributions qui sont affectées au financement du régime de sécurité sociale français, dont les appelants ne relèvent pas, cette obligation, qui ne leur ouvre aucun droit au bénéfice de prestations, les conduit à contribuer à fonds perdus au financement d'un régime dont ils ne bénéficient pas tout en contribuant parallèlement au régime dont ils bénéficient et les désavantage par rapport aux travailleurs qui, n'ayant pas fait usage de leur liberté de circulation, exercent la totalité de leurs activités en France, seulement astreints à financer le régime de sécurité sociale français, dont ils bénéficient. Une telle obligation constitue une entrave à l'exercice, par M. et Mme F..., A... la liberté garantie par l'article 45 du traité. Aucune justification n'est avancée par l'administration pour justifier la restriction en cause, son caractère adapté et proportionné à l'objectif poursuivi. Ces justifications ne résultent pas par ailleurs de l'instruction.

10. Pour les années en litige, il n'est pas contesté que les différents prélèvements sociaux auxquels M. et Mme F... ont été assujettis, à savoir la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, le prélèvement social et la contribution additionnelle au prélèvement social, avaient vocation à abonder le financement de différentes caisses ayant vocation à financer des prestations qui, eu égard au risque qu'elles ont vocation à couvrir et aux modalités de leur attribution, correspondent à des prestations de sécurité sociale et non à des prestations d'assistance. Il en résulte que l'obligation faite aux intéressés d'acquitter ces contributions sociales au titre des années 2012 à 2014 les conduit à contribuer sans contrepartie au financement du régime de sécurité sociale français, alors qu'ils sont affiliés au régime de sécurité sociale propre à l'organisation Eurocontrol. Par suite, les impositions ainsi mises à leur charge méconnaissent les obligations résultant de la liberté garantie par l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

11. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. - Il est institué : / 1° Un prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine mentionnés à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale ; / 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. / II. - Le prélèvement de solidarité mentionné au 1° du I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. / Le prélèvement de solidarité mentionné au 2° du même I est assis, contrôlé et recouvré selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que la contribution mentionnée à l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale. / III. - Le taux des prélèvements de solidarité mentionnés au I est fixé à 2 %. / IV. - Le produit des prélèvements de solidarité mentionnés au I est affecté à hauteur de : / 1° 1,37 % au fonds mentionné à l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles ; / 2° 0,53 % au fonds mentionné à l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation ; / 3° 0,1 % au fonds mentionné à l'article L. 5423-24 du code du travail. ".

12. En vertu de l'article L. 351-6 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national d'aide au logement finance l'aide personnalisée au logement, la prime de déménagement prévue à l'article L. 351-5 du même code et les dépenses de gestion qui s'y rapportent, les dépenses du conseil national de l'habitat ainsi que l'allocation de logement relevant du titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale et les dépenses de gestion qui s'y rapportent. Les prestations financées par le fonds national d'aide au logement ne relèvent ainsi d'aucune des branches de sécurité sociale au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004. En particulier, elles ne relèvent pas de la branche qui concerne les " prestations familiales " au sens du z) de l'article 1er du règlement, dès lors qu'elles ne sont pas " destinées à compenser les charges de famille ".

13. En vertu de l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015, le fonds national des solidarités actives finance une part du revenu de solidarité active. S'agissant du revenu de solidarité active, il constitue une prestation non contributive relevant de l'assistance sociale dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt du 28 mai 1974, Odette Callemeyn contre Etat belge (187/73), qu'une prestation relève de l'assistance sociale pour l'application de ce règlement " notamment lorsqu'elle retient le besoin comme critère essentiel d'application et fait abstraction de toute exigence relative à des périodes d'activité professionnelle, d'affiliation ou de cotisation ". Or, en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un revenu garanti, a droit au revenu de solidarité active (...) ". Alors même qu'il posséderait également les caractéristiques d'une législation en matière de sécurité sociale visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement du 29 avril 2004, le revenu de solidarité active n'est, en tout état de cause, pas mentionné à l'annexe X de ce règlement du 29 avril 2004 qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

14. En vertu de l'article L. 5423-24 du code du travail, le fonds de solidarité gère les moyens de financement de l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 5423-1, de l'allocation équivalent retraite prévue à l'article L. 5423-18, de la prime forfaitaire prévue à l'article L. 5425-3 et de l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997. En application de l'article L. 5423-1 du même code : " Ont droit à une allocation de solidarité spécifique les travailleurs privés d'emploi qui ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance ou à l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 5423-7 et qui satisfont à des conditions d'activité antérieure et de ressources ". Aux termes de l'article L. 5423-18 du même code, abrogé à compter du 1er janvier 2009 et dont les dispositions sont restées applicables aux bénéficiaires de l'allocation à cette date : " Ont droit à une allocation équivalent retraite, sous conditions de ressources, les demandeurs d'emploi qui justifient, avant l'âge de soixante ans, de la durée de cotisation à l'assurance vieillesse, définie au deuxième alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, requise pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein, validée dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ainsi que de celle des périodes reconnues équivalentes ". Aux termes de l'article L. 5423-19 du même code, dans cette même rédaction : " L'allocation équivalent retraite se substitue, pour leurs titulaires, à l'allocation de solidarité spécifique ou à l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. / L'allocation équivalent retraite prend la suite de l'allocation d'assurance pour ceux qui ont épuisé leurs droits à cette allocation. / Elle peut également compléter l'allocation d'assurance lorsque cette allocation ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un total de ressources égal à celui prévu à l'article L. 5423-20 ". Aux termes de l'article L. 5425-3 du même code : " Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire ". Aux termes du II de l'article 136 de la loi du 30 décembre 1996 de finances pour 1997 : " Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article

L. 351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein. / Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter de la date de création ou de la reprise d'entreprise ".

15. Enfin, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 5423-1 du code du travail que l'allocation de solidarité spécifique, dont les bénéficiaires ont épuisé leurs droits à l'allocation d'assurance chômage et bénéficient de cette allocation au titre d'un régime de solidarité pour les travailleurs involontairement privés d'emploi, n'est pas une " prestation de chômage " au sens de l'article 3, paragraphe 1, sous h) du règlement du 29 avril 2004. Il en va de même pour l'allocation équivalent retraite qui, en vertu de l'article L. 5423-19 du code du travail, soit se substitue à l'allocation de solidarité spécifique ou au revenu minimum d'insertion devenu revenu de solidarité active, soit complète l'allocation d'assurance chômage lorsque celle-ci ne permet pas d'assurer à son bénéficiaire un minimum de ressources. Il en va également de même pour les deux autres prestations financées par le fonds de solidarité, qui sont versées, sous certaines conditions, aux personnes bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique qui reprennent une activité salariée ou non salariée ou reprennent ou créent une entreprise. A supposer que ces prestations spéciales à caractère non contributif financées par le fonds de solidarité entrent dans le champ défini au paragraphe 1 de l'article 70 du règlement du 29 avril 2004, elles ne sont en tout état de cause pas énumérées à l'annexe X de ce règlement qui liste les branches de sécurité sociale auxquelles il s'applique.

16. Ainsi, aucune des prestations financées par les trois fonds mentionnés ci-dessus auxquels est spécifiquement affecté le prélèvement de solidarité prévu à l'article 1600-0 S du code général des impôts dans sa rédaction applicable avant le 1er janvier 2015 n'entre dans le champ d'application du règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ce texte est inopérant à l'égard de ce prélèvement.

17. D'autre part, M. et Mme F... ne contestent pas avoir été assujettis au prélèvement de solidarité prévu par l'article 1 600-0 S du code général des impôts. Pour le même motif, et dès lors que ce prélèvement finançait des prestations qui, eu égard aux risques qu'elles avaient vocation à couvrir et aux modalités de leur attribution, soit correspondaient à des prestations d'assistance et non à des prestations de sécurité sociale soit ne pouvaient être regardées comme relevant d'une branche de sécurité sociale, la soumission des revenus en litige perçus par M. et Mme F... au prélèvement de solidarité ne conduisait pas les intéressés à financer un régime de sécurité sociale auquel ils n'étaient pas affiliés et qui ne pouvait donc leur procurer aucun bénéfice, et ainsi à verser des contributions à fonds perdus au financement d'un régime national de sécurité sociale dont ils ne relevaient pas. Il en résulte que l'obligation dans laquelle ils se trouvaient d'acquitter ce prélèvement n'a pas méconnu les obligations découlant de l'article 45 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

18. Enfin, aux termes de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes de l'article 64 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " L'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national (...) en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers (...) ".

19. En vertu de l'article 63, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la liberté de circulation des capitaux, sont prohibées les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres ainsi qu'entre Etats membres et pays tiers. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier de son arrêt C-156/17 du 30 janvier 2020, Köln-Aktienfonds Deka, que les mesures interdites par l'article 63, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de procéder à des investissements dans un Etat membre, qu'elles introduisent une différence de traitement entre résidents et non-résidents (restriction directe), ou que, bien qu'indistinctement applicables aux résidents et aux non-résidents, elles défavorisent, de fait, les situations transfrontalières (restriction indirecte). De telles restrictions peuvent néanmoins être justifiées, et partant compatibles avec la liberté de circulation des capitaux, lorsqu'elles s'appliquent à des situations qui ne sont pas objectivement comparables, ainsi qu'il résulte de l'article 65, paragraphe 1, du même traité, tel qu'interprété par une jurisprudence constante de la Cour de justice, notamment les deux arrêts mentionnés ci-dessus.

20. Les règles relatives à l'assujettissement au prélèvement de solidarité des revenus fonciers sont indistinctement applicables, sans considération de leur nationalité, aux résidents de France et aux résidents des autres Etats membres de l'Union européenne, tels que M. et Mme F..., si bien qu'aucune restriction directe à la liberté de circulation des capitaux ne peut en l'espèce être constatée. Aucune restriction indirecte entre résidents de France et résidents d'un autre Etat membre de l'Union européenne ne saurait davantage résulter de la circonstance que l'assujettissement au prélèvement de solidarité des seconds ne leur permet pas de bénéficier en France des prestations sociales généralement offertes aux premiers, dès lors que ce prélèvement n'a pas le caractère d'une cotisation contributive ouvrant vocation au bénéfice des prestations et avantages servis par les régimes français obligatoires de sécurité sociale, mais celui d'une imposition de toute nature. Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que leur assujettissement au prélèvement de solidarité méconnaîtrait le principe de libre circulation des capitaux.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé de prononcer la décharge des prélèvements sociaux dont ils se sont acquittés à raison des revenus fonciers de source française qu'ils ont perçus au titre des années 2012 à 2014, à l'exception du prélèvement de solidarité de 2 % prévu par le IV de l'article 1 600-0 S du code général des impôts.

Sur les frais liés à l'instance :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions présentées par le ministre de l'action et des comptes publics sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doivent, en tout état de cause, être rejetées, en l'absence de dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : M. et Mme F... sont déchargés des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014, à l'exception du prélèvement de solidarité prévu par le IV de l'article 1 600-0 S du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement n° 1607885 rendu le 23 avril 2019 par le tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. et Mme F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le ministre de l'action et des comptes publics au titre des dépens sont rejetées.

2

N° 19VE03150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03150
Date de la décision : 25/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Libertés de circulation - Libre circulation des capitaux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Gaëlle BONFILS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : ALBERTI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-25;19ve03150 ?
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