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20/01/2022 | FRANCE | N°19VE01785

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 20 janvier 2022, 19VE01785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- sous le n° 1605620, de retirer et, à défaut, d'annuler l'avertissement du 14 janvier 2016, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, de condamner la commune de Franconville-la-Garenne à lui verser la somme de 20 000 euros, majorée des intérêts et de la capitalisation, en réparation de son préjudice moral en lien avec le harcèlement qu'elle subit depuis le 18 mars 2013 et de mettre à la charge de la com

mune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

- sous le n° 1605620, de retirer et, à défaut, d'annuler l'avertissement du 14 janvier 2016, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, de condamner la commune de Franconville-la-Garenne à lui verser la somme de 20 000 euros, majorée des intérêts et de la capitalisation, en réparation de son préjudice moral en lien avec le harcèlement qu'elle subit depuis le 18 mars 2013 et de mettre à la charge de la commune la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1609154, de condamner la commune de Franconville-la-Garenne à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice résultant du refus de lui accorder la protection fonctionnelle et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1609279, d'annuler les arrêtés du maire de la commune de Franconville-la-Garenne des 1er et 26 avril 2016 et les arrêtés subséquents la plaçant en congé maladie ordinaire à demi-traitement, d'enjoindre à la commune de prendre, dans un délai d'un mois, une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 17 novembre 2015 et la plaçant en congé maladie à ce titre, d'enjoindre à la commune de lui restituer les rémunérations retenues à tort depuis le mois d'avril 2016 et de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1706484, d'annuler la décision de la conseillère municipale déléguée de Franconville-la-Garenne du 19 mai 2017 refusant de déclarer imputable au service l'accident survenu le 17 novembre 2015, d'enjoindre au maire de prendre, dans un délai d'un mois, une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident du 17 novembre 2015 et la plaçant en congé maladie à ce titre et de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1709710, de condamner la commune de Franconville-la-Garenne à lui payer la somme de 10 000 euros, majorée des intérêts et de leur capitalisation, au titre des préjudices qu'elle a subis du fait de la non-reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 17 novembre 2015 et de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1605620, 1609154, 1609279, 1706484, 1709710 du 19 mars 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande n° 1609279, a annulé la décision du 19 mai 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A..., a enjoint au maire de Franconville-la-Garenne de prendre, dans le délai de deux mois, une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts de travail et des soins depuis le 17 novembre 2015, en lien avec l'état anxio-dépressif dont est atteinte Mme A..., a mis à la charge de la commune de Franconville-la-Garenne la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 15 mai 2019 et le 4 mai 2021 sous le n° 19VE01785, la commune de Franconville-la-Garenne, représentée par Me Rayssac, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 19 mai 2017 et lui a enjoint de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts de travail et des soins depuis le 17 novembre 2015, en lien avec l'état anxio-dépressif dont est atteinte Mme A... ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel incident ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable à faire appel, le maire ayant été habilité par une délibération du 22 mars 2018 ;

- l'entretien du 17 novembre 2015 n'est pas constitutif d'un accident de service en ce que Mme A..., au regard de son comportement agressif pendant cet entretien avec sa supérieure hiérarchique, est entièrement responsable et à l'origine des conditions dans lesquelles s'est déroulé cet entretien ; la commission de réforme a été induite en erreur par la présentation des faits par Mme A... et s'est donc fondée sur des éléments erronés pour donner un avis favorable sur l'imputabilité au service de l'accident ; l'exposante n'est pas liée par l'avis de la commission de réforme ;

- en se fondant sur l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017, le tribunal administratif a appliqué des dispositions inapplicables au litige et a commis une erreur de droit, en ce que le fait générateur est antérieur à l'entrée en vigueur de cet article ;

- le tribunal a appliqué les dispositions relatives à l'accident de service pour reconnaître une maladie professionnelle et a entaché son jugement d'erreur de droit, de fait et de qualification juridique ;

- il a dénaturé les écritures de la commune exposante ;

- les conclusions indemnitaires de Mme A... doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de la demande tendant à l'annulation de la décision du 19 mai 2017 ;

- en tout état de cause, la réalité et le quantum des préjudices ne sont pas justifiés.

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II. Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 16 mai 2019 et le 11 mai 2020 sous n° 19VE01786, Mme A..., représentée par Me Chazat-Rateau, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes enregistrées sous les n° 1605620 et 1609154 ;

2°) d'annuler les décisions implicites de rejet de la commune de Franconville-la-Garenne en date des 9 mai et 24 juillet 2016 ;

3°) de retirer et annuler l'avertissement du 14 janvier 2016 ;

4°) de condamner la commune de Franconville-la-Garenne à lui payer la somme de 20 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2016, avec capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;

5°) de condamner la commune de Franconville-la-Garenne à lui payer la somme de 5 000 euros au titre du préjudice découlant du défaut d'octroi de la protection fonctionnelle, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 mai 2016, avec capitalisation des intérêts ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Franconville-la-Garenne la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses conclusions indemnitaires liées au refus de protection fonctionnelle sont recevables ; avant le 1er janvier 2017, seule une décision expresse de rejet faisait courir le délai de deux mois en matière de plein contentieux ;

- le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve en matière de harcèlement ;

- il a entaché son jugement d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;

- il n'a pas examiné les éléments médicaux ;

- elle a fait l'objet d'un harcèlement ; sa remplaçante a été titularisée illégalement ; sa réintégration a été refusée ; ses responsabilités de direction des orchestres à cordes lui ont été retirées ; il lui a été interdit de participer aux orchestres ; elle a été affectée à des tâches de classement des partitions relevant d'un autre cadre d'emploi ; elle a fait l'objet de critiques et de dénigrements ; elle a fait l'objet d'une sanction injustifiée et d'un refus injustifié de reconnaître l'imputabilité au service de son accident ; ses conditions de travail se sont dégradées et il a été porté atteinte à sa santé physique et mentale ; c'est donc illégalement que la commune lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- l'avertissement dont elle a fait l'objet a été pris en méconnaissance des droits de la défense ; cette sanction a été prise le 20 novembre alors qu'une médiation était prévue le 26 novembre ;

- les faits justifiant la sanction ne sont pas matériellement établis ;

- la sanction n'est pas justifiée ; elle n'a aucun passé disciplinaire ; les faits ont eu lieu dans un contexte de provocation et de dépression ;

- son préjudice lié au harcèlement dont elle a fait l'objet peut être évalué à la somme de 20 000 euros ;

- son préjudice lié au refus de lui assurer une protection fonctionnelle et au refus de saisir le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de procéder à une enquête, peut être évalué à la somme de 5 000 euros.

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- les observations de Me Serrano-Bentchich, pour la commune de Franconville-la-Garenne et celles de Me Gérard, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par la requête susvisée enregistrée sous le n° 19VE01785, la commune de Franconville-la-Garenne relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 mars 2019 en tant qu'il a annulé la décision de son maire du 19 mai 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A... et a fait injonction au maire de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts de travail de l'intéressée depuis le 17 novembre 2015. Par la voie de l'appel incident, Mme A... sollicite la condamnation de la commune de Franconville-la-Garenne à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice résultant du refus de reconnaître cette imputabilité au service. Par ailleurs, par la requête enregistrée sous le n° 19VE01786, Mme A... relève appel de ce même jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes dans les instances nos 1605620 et 1609154 qui tendaient, d'une part, à la condamnation de la commune de Franconville-la-Garenne à l'indemniser des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle aurait été victime et de l'illégalité du refus de protection fonctionnelle qui lui a été opposé et, d'autre part, à l'annulation de l'avertissement qui lui a été infligé le 14 janvier 2016.

2. Les requêtes de la commune de Franconville-la-Garenne et de Mme A... étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête n° 19VE01785 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'habilitation du maire de Franconville-la-Garenne pour faire appel du jugement attaqué :

3. La commune de Franconville-la-Garenne a produit la délibération en date du 22 mars 2018 par laquelle le conseil municipal a donné au maire habilitation pour " intenter au nom de la commune toute action en justice (...) et ce, tant en première instance, qu'en appel ou en cassation (...) devant l'ensemble des juridictions administratives (...) ". Par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme A... doit être écartée.

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

4. Si la commune de Franconville-la-Garenne soutient que le tribunal administratif a commis des erreurs de droit, de fait et de qualification juridique des faits et qu'il a dénaturé ses écritures, ces moyens se rattachent au raisonnement qu'il a suivi et sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 19 mai 2017 refusant de reconnaître l'imputabilité de l'état de santé de Mme A... à un accident au service :

5. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif a annulé cette décision aux motifs, d'une part, qu'elle n'est pas suffisamment motivée et, d'autre part, que la maladie de Mme A... est imputable au service. Si la commune de Franconville-la-Garenne demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette annulation, elle se borne toutefois à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que la maladie de Mme A... est imputable au service et ne conteste pas le premier motif d'annulation retenu par le tribunal administratif.

6. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

7. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport circonstancié établi le 18 novembre 2015 par la directrice de l'école de musique et d'un témoignage d'une personne présente lors de l'entretien du 17 novembre 2015 à la demande de Mme A..., que cet entretien avait pour objet de faire le point, à la demande de la directrice du conservatoire, sur la constitution des groupes de musique de chambre, dont Mme A... avait la charge. Il n'est pas sérieusement contesté que cette dernière a d'emblée manifesté une certaine agressivité à l'encontre de son interlocutrice puis a rapidement changé de sujet en reprochant notamment à la directrice d'avoir tenu des propos négatifs à son égard auprès du professeur de piano. Mme A... a adressé de vifs reproches à la directrice, contestant notamment les conditions de son entretien professionnel pour 2015. Elle a quitté cet entretien en indiquant qu'elle se rendait en mairie puis à l'hôpital. A la suite de cet entretien, elle a été placée en arrêt de travail du 17 novembre 2015 au 7 décembre 2015 puis de manière continue à partir du 12 janvier 2016.

9. Il résulte notamment du témoignage de la personne présente lors de cet entretien le 17 novembre 2015, que la directrice du conservatoire est restée calme et n'a tenu aucun propos déplacé à l'encontre de Mme A.... Ainsi, il n'est pas établi que la directrice du conservatoire ait tenu des propos ou ait adopté un comportement qui auraient excédé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique. La triple circonstance que cet entretien aurait entraîné pour Mme A... un syndrome anxio-dépressif, que la commission de réforme, conformément à l'avis du médecin psychiatre qu'elle a consulté, a émis un avis favorable à l'imputabilité au service de l'accident du 17 novembre 2015 et que Mme A... soutient avoir fait l'objet d'un harcèlement moral et d'une sanction disciplinaire injustifiée, ne sont, par elles-mêmes, de nature à établir qu'elle aurait été victime d'un accident de service à cette date.

10. Par suite, la commune de Franconville-la-Garenne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la pathologie de Mme A... présentait un lien suffisamment direct et certain avec l'entretien du 17 novembre 2015 pour être regardée comme imputable au service et a enjoint à son maire de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service des arrêts de travail de l'intéressée depuis le 17 novembre 2015.

11. En revanche, eu égard au motif d'annulation de la décision du 19 mai 2017 retenu par le tribunal administratif et non contesté en appel par la commune de Franconville-la-Garenne, tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, il y a seulement lieu d'enjoindre au maire de la commune de prendre une nouvelle décision sur la demande de Mme A... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de " l'accident " du 17 novembre 2015, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de Mme A... :

12. Par la voie de l'appel incident, Mme A... sollicite la condamnation de la commune de Franconville-la-Garenne à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant de l'illégalité de la décision du 19 mai 2017. Toutefois, l'illégalité d'une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique pour autant qu'elle ait été à l'origine d'un préjudice direct et certain. Il résulte de ce qui précède que le refus de reconnaître l'imputabilité au service de " l'accident " invoqué par Mme A... était justifié au fond. Par suite, la faute commise par la commune de Franconville-la-Garenne, en ne motivant pas cette mesure, n'a pas, en l'espèce, causé à Mme A... un préjudice indemnisable. Dès lors, ces conclusions doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité.

Sur la requête n° 19VE01786 :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

13. En premier lieu, si Mme A... soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit, une erreur d'appréciation et qu'il a inversé la charge de la preuve en matière de harcèlement, ces moyens se rattachent au raisonnement qu'il a suivi et sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

14. En second lieu, il ressort du jugement attaqué, en particulier de son point 10, que le tribunal administratif a pris en compte les éléments concernant l'état de santé de Mme A.... Ainsi, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait omis de prendre en compte ces pièces doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne le harcèlement moral et le refus de protection fonctionnelle :

15. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

16. Mme A..., qui avait auparavant exercé les fonctions de professeure contractuelle de violon à l'école municipale de musique de Franconville-la-Garenne, a été titularisée dans le grade d'assistant d'enseignement artistique par un arrêté du maire du 5 décembre 2005. Sa durée hebdomadaire de travail a été fixée à 20 heures par un arrêté du 23 juillet 2009. A sa demande, elle a été placée en disponibilité pour convenances personnelles pour une période d'une année renouvelable par un arrêté du 6 septembre 2010. Cette disponibilité a été renouvelée à sa demande pour une nouvelle période d'une année par un arrêté du 9 juin 2011. Elle a été maintenue en disponibilité à la rentrée 2012 par un arrêté du 14 mai 2012, puis a finalement été réintégrée dans les effectifs de la commune à compter du 18 mars 2013 par un arrêté du 19 mars 2013.

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours de la période de disponibilité pour convenances personnelles de Mme A..., la commune a, pour pourvoir aux besoins du service, recruté un nouveau professeur de violon et l'a titularisé. Alors même que ce recrutement et cette titularisation ont pu retarder la réintégration de Mme A... à la rentrée 2012 et n'ont pas permis de lui redonner en mars 2013 l'ensemble des heures de cours et des attributions qui étaient les siennes avant son placement en disponibilité, en particulier celles de direction d'orchestres qu'elle exerçait auparavant, ces circonstances ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral dont l'intéressée aurait fait l'objet.

18. En deuxième lieu, Mme A... soutient qu'elle a subi une dégradation de ses conditions de travail à la suite de sa réintégration, ses attributions ayant été réduites et certaines activités, en particulier celles liées aux orchestres, lui ayant été interdites. Toutefois, si les attributions de Mme A... à la suite de sa réintégration différaient de celles qui étaient les siennes avant son placement en disponibilité ainsi qu'il a été dit, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du courriel de la directrice des affaires culturelles de la commune de Franconville-la-Garenne du 24 juillet 2013 ou des témoignages de professeurs du conservatoire, que tout ou partie des nouvelles responsabilités confiées à l'intéressée à la suite de sa réintégration lui auraient été retirées sans justification ou que certaines activités lui auraient été interdites. Si l'élaboration de la fiche de poste a suscité une opposition entre le directeur du conservatoire et la directrice des affaires culturelles, il résulte de l'instruction que les attributions confiées à Mme A... ont pris en compte les besoins du conservatoire, ses disponibilités, l'intéressée ne travaillant pas le samedi, ainsi que les choix des élèves. En outre, il n'est pas davantage sérieusement contesté, ainsi qu'il résulte notamment du témoignage de la directrice adjointe du conservatoire du 20 mai 2016, que de nouveaux élèves ont été orientés vers ses cours pour lui permettre de compléter son service et que le recrutement d'un nouveau professeur de violon ou le fait de confier quelques heures de cours à un autre enseignant n'ont pas contribué à réduire les attributions d'enseignement de Mme A.... Enfin, si l'intéressée s'est vu confier un travail de classement de partitions de musique, cette tâche relevait de celles pouvant être confiées à un assistant territorial d'enseignement artistique et ne traduit pas en l'espèce une mise à l'écart de l'intéressée. Dans ces conditions, la nature des attributions confiées à Mme A... après sa réintégration ne fait pas présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet.

19. En troisième lieu, si la réintégration de Mme A... a suscité un climat de tensions avec la professeure de violon recrutée en son absence et nommée ultérieurement directrice du conservatoire, il n'est pas établi, en particulier par le témoignage de l'ancien directeur et ceux d'autres professeurs, qui sont dépourvus de tout élément précis et circonstancié, qu'elle a alors fait l'objet de critiques et de dénigrements répétés pouvant faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

20. En quatrième lieu, si Mme A... a fait l'objet d'un avertissement le 14 janvier 2016 en raison de son comportement lors d'une réunion avec la directrice du conservatoire le 17 novembre 2015, ni cette circonstance, ni la dégradation de l'état de santé de l'intéressée qui l'a suivie, ne permettent davantage de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral en l'absence de tout élément de nature à établir que l'autorité disciplinaire a excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

21. Enfin, la triple circonstance que l'état de santé de Mme A... s'est dégradé à la suite de l'entretien du 17 novembre 2015, qu'elle a été placée en congé maladie pendant plusieurs mois et que la commune a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, ne fait pas présumer l'existence d'un harcèlement moral dont elle aurait fait l'objet.

22. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions relatives au harcèlement moral dont elle estime avoir fait l'objet et au refus de protection de fonctionnelle y afférent.

En ce qui concerne l'avertissement du 14 janvier 2016 :

23. En premier lieu, si, à la suite de l'entretien du 17 novembre 2015 qui a donné lieu à l'avertissement en litige, Mme A... a sollicité un entretien avec la nouvelle directrice des affaires culturelles qui a été fixé le 26 novembre 2015, la circonstance que l'intéressée a fait l'objet d'une proposition d'avertissement le 20 novembre 2015 et qu'elle a été informée de l'engagement d'une procédure disciplinaire pouvant conduire à cette sanction par un courrier du maire du 17 décembre 2015, ne permet nullement d'établir que les droits de la défense ont été méconnus.

24. En deuxième lieu, l'excès de comportement reproché à Mme A... est suffisamment établi par le rapport circonstancié du 18 novembre 2015 et le témoignage de la directrice adjointe présente à cette occasion.

25. Enfin, il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que cet entretien est intervenu dans un contexte de provocation et de dépression affectant Mme A..., son état de santé s'étant dégradé à la suite de cet entretien. Alors même qu'elle n'avait fait l'objet, auparavant, d'aucune sanction disciplinaire, l'avertissement prononcé à son encontre n'est pas disproportionné à la gravité des faits qui lui sont reprochés. Ainsi, cette sanction disciplinaire n'est pas injustifiée.

26. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'avertissement du 14 janvier 2016.

Sur les frais liés aux instances :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Franconville-la-Garenne, qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de même nature présentées par la commune de Franconville-la-Garenne peuvent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 3 du jugement nos 1605620, 1609154, 1609279, 1706484, 1709710 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 mars 2019 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Franconville-la-Garenne de prendre une nouvelle décision sur la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de " l'accident " du 17 novembre 2015, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

2

Nos 19VE01785...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01785
Date de la décision : 20/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection en cas d'accident de service.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : CAABINET RAYSSAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-20;19ve01785 ?
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