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11/01/2022 | FRANCE | N°20VE01248

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 11 janvier 2022, 20VE01248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1801977, M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par une réclamation soumise d'office au tribunal administratif de Versailles, enregistrée sous le n° 1908011, Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en dro

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1801977, M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2007, 2008 et 2009.

Par une réclamation soumise d'office au tribunal administratif de Versailles, enregistrée sous le n° 1908011, Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008.

Par deux requêtes enregistrées sous les nos 1801978 et 1907915, M. E... et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2009, d'une part et au titre de l'année 2010, d'autre part.

Par un jugement nos 1801977, 1908011, 1801978 et 1907915 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 mai 2020 et le 7 janvier 2021, M. E... et Mme C..., représentés par Me Noël et Me Quertier, avocats, demandent à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de faire droit à leurs demandes tendant à la décharge en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2010 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E... et Mme C... soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- l'administration n'a pas apporté la preuve de l'existence des faits d'activité illicite à l'origine des rectifications, de sorte qu'elle ne pouvait mettre en œuvre la procédure d'évaluation d'office sans mise en demeure préalable ;

- le tribunal n'a pu, sans entacher son jugement d'une contradiction de motifs, considérer d'une part qu'il appartenait à l'administration d'établir les faits permettant la mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office et, d'autre part, considérer que l'administration n'avait pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- le délai de reprise ne pouvait pas excéder trois ans ;

- alors que les rectifications en base s'établissent à environ 380 000 euros, le tribunal, qui n'a jamais eu communication d'aucun document en ce sens, a considéré à tort que la somme de 925 000 euros avait été détournée ;

- l'administration n'a pas apporté la preuve de l'existence des faits d'activité illicite à l'origine des rectifications, de sorte que le bien-fondé des rectifications n'est pas établi ;

- l'administration a utilisé des données douteuses, voire fictives, pour fixer les bases d'imposition.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bouzar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public,

- et les observations de Me Quertier, pour M. E... et Mme C....

Une note en délibéré a été présentée le 20 décembre 2021, pour M. E... et Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... et Mme C..., qui vivaient maritalement avant de conclure un pacte civil de solidarité le 3 mars 2009, ont fait l'objet d'une enquête judiciaire pour des faits d'abus de faiblesse et de détournements de fonds au détriment d'une personne âgée. A la suite d'un examen de leur situation fiscale personnelle et sur le fondement d'informations qui lui ont été transmises par l'autorité judiciaire, l'administration fiscale a estimé qu'ils avaient exercé une activité occulte de détournement de fonds et leur a notifié, selon la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions combinées du 2° de l'article L. 73 et du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, des rectifications en matière de bénéfices non commerciaux au titre des années 2007 à 2013. L'administration a ainsi évalué que les requérants avaient détourné une somme globale de 175 885 euros du 1er janvier 2007 au 3 mars 2009, qui a fait l'objet d'impositions séparées à hauteur de 50 % entre les mains de chacun d'entre eux, ainsi que des sommes, qui ont fait l'objet d'une imposition commune, de 84 851 euros du 4 mars au 31 décembre 2009, de 121 901 euros en 2010, de 52 854 euros en 2011, de 80 351 euros en 2012 et de 20 651 euros en 2013. M. E... et Mme C... relèvent appel du jugement du 10 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes tendant à la décharge, en droits, majorations et intérêts de retard, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 à 2010.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie :

2. Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux (...) 2°. Aux termes de l'article L. 68 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...). Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : (...) 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 169 ". Enfin, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ".

3. Il appartient à l'administration qui entend procéder à l'évaluation d'office d'un revenu professionnel pour défaut de déclaration, en application des dispositions précitées des articles L. 73 et L. 68 du livre des procédures fiscales, d'établir que le contribuable exerce une activité professionnelle génératrice de revenus. Elle peut se fonder, à cet effet, sur des documents obtenus de tiers. Lorsqu'elle entend se fonder sur des pièces obtenues de tiers, elle apporte cette preuve en informant le contribuable de la nature et de la teneur des documents ainsi obtenus et, lorsque le contribuable en fait la demande, en lui communiquant ces documents, en application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, qui dispose que : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

4. Il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification adressée aux requérants, l'administration a développé avec précisions des faits de nature à établir que les intéressés ont perçus d'importantes sommes d'argent entre 2006 et 2013, obtenus grâce à une procuration sur deux comptes bancaires ouverts au nom de Mme A... auprès de deux établissements bancaires, que Mme C... détenait également la carte bancaire correspondante à l'un de ces deux comptes, que des chèques avaient été tirés sur les comptes bancaires de Mme A... et émis sous la signature de Mme C..., que de nombreux retraits d'espèces ont été effectués au profit de M. E... et de Mme C..., qu'enfin, ces derniers ont bénéficié de multiples cadeaux, et qu'ils ont fait pour cela l'objet d'une plainte pour abus de faiblesse, Mme A... étant une personne âgée, souffrant d'une pathologie la rendant vulnérable, influençable et la plaçant dans un état de faiblesse sévère. L'administration a en outre indiqué avec précision la nature et l'origine des documents utilisés, et obtenus de tiers, en l'espèce les pièces de la procédure pénale diligentée à l'encontre de M. E... et de Mme C... devant le tribunal de grande instance de Versailles. Ils ont ainsi mis les requérants en mesure de demander la communication de ces pièces, ce qu'ils n'ont pas fait. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant accompli les diligences qui lui incombaient pour établir l'existence d'une activité occulte. Il est par ailleurs constant qu'aucune déclaration n'a été déposée par M. E... et de Mme C... au titre des années en litige. C'est par suite à bon droit que l'administration a mis en œuvre la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions précitées de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. En écartant le moyen des requérants, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'une contradiction de motifs.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :

5. En premier lieu, pour les raisons exposées au point 4 ci-dessus, eu égard à l'existence d'une activité occulte, c'est à bon droit que l'administration a exercé son droit de reprise pour une durée supérieure à trois ans, en application des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 169 du livre des procédures fiscales.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les impositions litigieuses ont été établies selon la procédure d'évaluation d'office. La preuve de l'exagération de ces impositions incombe par suite aux requérants.

7. En se bornant à soutenir, sans aucune précision ni élément de preuve, que l'administration aurait utilisé des " données douteuses, voire fictives ", pour fixer les bases d'imposition, M. E... et de Mme C... n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'exagération des impositions contestées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

8. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cour administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

9. Les passages de la requête de M. E... et Mme C... commençant par les mots " En revanche " et se terminant par les mots " infraction pénale " excèdent le droit à la libre discussion et présentent un caractère outrageant. Par suite, il y a lieu d'en prononcer la suppression.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée, y compris en ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les passages mentionnés ci-dessus de la requête de M. E... et Mme C... sont supprimés.

2

N° 20VE01248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01248
Date de la décision : 11/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office - Pour défaut ou insuffisance de déclaration.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Mohammed BOUZAR
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : NOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-01-11;20ve01248 ?
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