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23/12/2021 | FRANCE | N°20VE00536

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 23 décembre 2021, 20VE00536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Rueil-Malmaison à lui verser la somme totale de 15 783,27 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les refus successifs opposés à ses demandes d'autorisation en vue d'exercer l'activité accessoire d'entraineur de natation pour le compte du Cercle des nageurs d'Asnières et de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative.

Par un jugement n° 1707443 du 17 décembre 2019, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner la commune de Rueil-Malmaison à lui verser la somme totale de 15 783,27 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les refus successifs opposés à ses demandes d'autorisation en vue d'exercer l'activité accessoire d'entraineur de natation pour le compte du Cercle des nageurs d'Asnières et de mettre à la charge de cette commune le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1707443 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Rueil-Malmaison à verser à M. B... la somme totale de 15 783,27 euros en réparation du préjudice subi et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2020, la commune de Rueil-Malmaison, représentée par Me Carrère, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) de rejeter la requête de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard du régime de la preuve de la discrimination syndicale ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- elle n'a pas commis d'illégalité fautive, dès lors que le cumul d'activités aurait pu générer des troubles dans le service, puisqu'elle aurait dû faire face à des refus opposés par les agents de la piscine d'effectuer des heures de travail au-delà de 18h30 ;

- le préjudice subi par l'agent n'est pas certain.

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ;

- le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fremont,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Verger-Giambelluco, substituant Me Carrère, pour la commune de Rueil-Malmaison et de Me Halpern pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., éducateur territorial des activités physiques et sportives titulaire, exerce les fonctions de maitre-nageur sauveteur au sein de la piscine municipale des Closeaux à Rueil-Malmaison. Par des décisions des 5 novembre 2014 et 24 novembre 2015, le maire de Rueil-Malmaison a rejeté des demandes d'autorisation de cumul d'activité auprès du Cercle des nageurs d'Asnières présentées pour une durée hebdomadaire de 6 heures et couvrant respectivement les périodes du 21 novembre 2014 au 20 novembre 2015 et du 4 décembre 2015 au 3 décembre 2016. M. B... a formé le 28 avril 2017 un recours indemnitaire préalable auprès de la commune en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice causé par ces décisions, qui a été expressément rejeté par une décision du 22 juin 2017 du maire de Rueil-Malmaison. A la suite de ce rejet, M. B... a formé un recours indemnitaire auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Par un jugement n° 1707443 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la commune de Rueil-Malmaison à verser à M. B... la somme totale de 15 783,27 euros en réparation du préjudice subi et la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Rueil-Malmaison forme appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". La commune de Rueil-Malmaison soutient que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé, dès lors que les premiers juges auraient inversé la charge de la preuve quant à la discrimination syndicale. Toutefois, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la commune appelante, pour retenir que les décisions en litige étaient constitutives d'une discrimination illégale fondée sur l'engagement syndical de M. B..., les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement au point 10. Par suite, les moyens doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir :

3. D'une part, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " I.- Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. (...) Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n'affecte pas leur exercice ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 susvisé : " Dans les conditions fixées au dernier alinéa du I de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 (...) et celles prévues par le présent décret, les fonctionnaires [et] les agents non titulaires de droit (...) peuvent être autorisés à cumuler une activité accessoire à leur activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance ou à la neutralité du service (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Les activités accessoires susceptibles d'être autorisées sont les suivantes : I.- Dans les conditions prévues à l'article 1er du présent décret : (...) 3° Activité à caractère sportif ou culturel, y compris encadrement et animation dans les domaines sportif, culturel, ou de l'éducation populaire (...) ". Aux termes du I de l'article 3 du décret du 25 août 2000, rendu applicable aux agents de la fonction publique territoriale par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 : " L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures (...) ".

4. D'autre part, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision en litige repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Il résulte de l'instruction qu'alors que M. B... a été autorisé à exercer une activité accessoire d'entraineur de natation entre 2004 et 2013 auprès du Cercle des nageurs d'Asnières à raison de 5 h 30 par semaine, le maire la commune de Rueil-Malmaison a mis fin à cette autorisation par une décision du 18 octobre 2013. Cette décision a été annulée par un précédent jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise 13 juillet 2016, devenu définitif, au motif que la commune ne démontrait pas que la poursuite par M. B... de l'activité accessoire d'entraîneur au Cercle des nageurs d'Asnières l'aurait empêché d'assurer correctement ses fonctions au sein de la piscine municipale des Closeaux et aurait ainsi porté atteinte à l'intérêt et à la continuité du service. Par ailleurs, il résulte des pièces versées en première instance que les décisions litigieuses des 5 novembre 2014 et 24 novembre 2015 ont été prises dans contexte de conflit social entre la mairie et des agents en service à la piscine des Closeaux, amenant la commune à souhaiter formaliser un cadre pour le fonctionnement et l'organisation du service. Toutefois, la commune de Rueil-Malmaison ne pouvait subordonner la délivrance de ces autorisations à la signature de ce protocole qui, au demeurant, concernait l'organisation générale du service et ne s'opposait pas directement au cumul des activités. Si la commune de Rueil-Malmaison fait valoir en appel que les décisions litigieuses ne seraient pas illégales, dès lors que le cumul d'activités aurait pu générer des troubles dans le service, puisqu'elle aurait dû faire face à des refus opposés par les agents de la piscine d'effectuer des heures de travail au-delà de 18 h 30, elle ne verse aucune pièce probante tant en appel qu'en première instance de nature à démontrer le bienfondé de ses allégations. Au demeurant, un avis de la commission administrative paritaire en date du 20 avril 2016 relevait l'absence de toute justification aux décisions prises par l'autorité administrative, lesquelles ne pouvaient être fondées sur la circonstance que la collectivité souhaitait qu'un protocole d'accord concernant l'organisation du service soit conclu avec les syndicats. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que les dysfonctionnements de la piscine existants résulteraient du cumul d'activités, ni que l'activité accessoire assurée par M. B..., à raison de quelques heures par semaine et en dehors de ses heures de service, aurait été préjudiciable à l'exercice de ses missions. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que cette activité aurait eu, à partir de 2013, une incidence quant au fonctionnement normal de la piscine municipale. Au surplus, il ressort du contrat d'intermittent à temps incomplet et de ses avenants relatifs à l'activité accessoire de M. B... auprès de l'association sportive du Cercle des nageurs d'Asnières que les horaires de travail étaient flexibles en fonction de ses cycles de travail au sein de la piscine des Closeaux, afin qu'il ne dépasse pas la durée maximale de travail fixée par les dispositions susmentionnées du décret du 12 juillet 2001. Dans ces conditions, le maire la commune de Rueil-Malmaison a entaché les décisions litigieuses des 5 novembre 2014 et 24 novembre 2015 d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 1er du décret du 2 mai 2007 précités. Par suite, la commune de Rueil-Malmaison n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient considéré à tort que le maire aurait commis, sur ce fondement, des illégalités fautives, susceptibles d'engager sa responsabilité.

6. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... avait produit l'avis de la commission administrative paritaire, cité au point précédent, qui à l'issue de sa séance du 20 avril 2016, a relevé qu'elle ne " dispos[ait] d'aucun élément sur la nature des dysfonctionnements relevés " par la commune et que " la différence de traitement entre les agents du même établissement n'[était] ni argumentée ni justifiée ", ainsi que différents témoignages circonstanciés démontrant que la commune a refusé d'octroyer des autorisations de cumul d'activités à cinq autres agents également investis de responsabilités syndicales, alors qu'au cours des mêmes périodes, plusieurs agents travaillant au sein de la piscine et n'exerçant pas de responsabilité syndicale ont continué d'en bénéficier. Par ailleurs, les pièces versées par M. B... démontrent le contexte de conflit social relatif à l'organisation et au fonctionnement de la piscine, qui ont amené la collectivité à rejeter les demandes de cumul, tant qu'un protocole n'était pas signé avec les syndicats. Par suite, M. B... a produit des éléments qui suffisent à faire présumer de l'existence d'une discrimination illégale fondée sur l'engagement syndical de M. B.... Pour sa part, la commune n'a produit tant en première instance qu'en appel aucune pièce permettant d'établir que les décisions litigieuses reposeraient sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En outre, ainsi qu'il a été évoqué au point précédent, la commune ne démontre pas que le cumul des activités, qui ne concerne que quelques heures par semaine, hors des heures de service, affecterait la manière de servir de M. B..., agent qui avait pourtant bénéficié d'autorisations jusqu'en 2013 et, par suite, elle n'établit pas que ce cumul aurait un quelconque impact sur le fonctionnement de la piscine. Dans ces conditions, la commune de Rueil-Malmaison n'est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, qui n'ont au demeurant pas inversé la dialectique de la preuve, mais se sont d'abord prononcés aux points 9 et 10 du jugement attaqué au regard des éléments versés par M. B..., puis sur l'absence de preuve contraire produite par le défendeur, ont considéré que la commune avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, en prenant des décisions constitutives d'une discrimination syndicale.

7. Il résulte de l'instruction que pour condamner la commune de Rueil-Malmaison à verser à M. B... la somme totale de 15 783,27 euros en réparation du préjudice matériel causé par les décisions illégales, les premiers juges se sont fondés sur les rémunérations pour les périodes concernées au titre de cette activité accessoire dont a été privé M. B... en raison des décisions de refus d'autorisation de cumul illégales. Contrairement à ce que se borne à alléguer la commune de Rueil-Malmaison, ce préjudice, qui a été évalué sur la base de volumes horaires définis sur le contrat et sur la circonstance que M. B... a effectivement dû cesser son activité accessoire en 2013, présente un caractère suffisamment certain et résulte directement des illégalités dont sont entachées les décisions litigieuses.

8. Dans ces conditions, la commune de Rueil-Malmaison n'est, par suite, pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient, à tort, fait droit aux conclusions indemnitaires présentées par M. B... en la condamnant à lui verser la somme totale de 15 783,27 euros en réparation du préjudice subi.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. M. B... n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par la commune de Rueil-Malmaison tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Rueil-Malmaison le versement d'une somme de 2 000 euros à M. B... en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Rueil-Malmaison est rejetée.

Article 2 : La commune de Rueil-Malmaison versera à M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 20VE00536 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00536
Date de la décision : 23/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Cumuls.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Marc FREMONT
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : CABINET SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-23;20ve00536 ?
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