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07/12/2021 | FRANCE | N°19VE04154

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 07 décembre 2021, 19VE04154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la réduction à hauteur de 26 527 euros des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1707612 du 25 octobre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2019 et le 4 novembre 2021, M. B..., représenté p

ar Me Mainguet et Dotseva, avocats, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la réduction à hauteur de 26 527 euros des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1707612 du 25 octobre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2019 et le 4 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Mainguet et Dotseva, avocats, demande à la cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de prononcer la réduction des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que ses salaires perçus en Suisse n'étaient imposables qu'en France en application des stipulations du 2 de l'article 17 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 au motif qu'il y a travaillé moins de 183 jours par an, alors qu'il était redevable de l'impôt en Suisse sur les rémunérations qui lui ont été versées par une société résidente de ce pays ;

- l'administration fiscale méconnait les stipulations de l'article 25 de la même convention en limitant le crédit d'impôt dont il peut bénéficier à raison de ses revenus imposables en Suisse ; il ne lui appartient pas d'apprécier le taux d'imposition appliqué par les autorités helvétiques, ni de calculer le crédit d'impôt auquel il peut prétendre au prorata du nombre de jours travaillés à l'étranger ; il a travaillé 45 jours en Suisse sur 220 jours travaillés sur l'année et non 20 jours sur 360.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., domicilié en France, salarié depuis le 14 juin 2010 de la société de droit français Patisserie E. Ladurée SAS, a été mis partiellement à la disposition de la société Macaroon SA, filiale de droit suisse du groupe Ladurée, à compter du 1er mars 2013. A la suite d'un contrôle sur pièces de ses déclarations de revenus souscrites au titre des années 2013, 2014 et 2015, qui faisaient état de salaires de source suisse lui ouvrant droit à crédit d'impôt sur le fondement de l'article 25 de la convention fiscale franco-suisse, l'administration fiscale lui a notifié des rehaussements d'imposition, au titre de ces trois années d'imposition, résultant de la réintégration de ses salaires de source suisse dans sa base imposable à l'impôt sur le revenu, et de la remise en cause du montant du crédit d'impôt, que le service a seulement admis au prorata du nombre de jours pris en compte pour la retenue à la source appliquée par les autorités suisses. M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de réduction des impositions supplémentaires qui en ont résulté.

2. Une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision fondant l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt de rechercher d'abord si l'imposition contestée a été valablement établie au regard de la loi fiscale nationale et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Sur l'application de la loi fiscale française :

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ".

4. Il est constant que M. B..., qui est résident fiscal français, est imposable en France sur l'ensemble de ses revenus, à moins que les stipulations d'une convention fiscale y fassent obstacle.

Sur l'application de la convention fiscale franco-suisse :

5. Aux termes des stipulations de l'article 17 de la convention fiscale franco-suisse : " 1. (...) les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre État contractant ne sont imposables que dans le premier État si :/ a) Le bénéficiaire séjourne dans l'autre État pendant une période ou des périodes n'excédant pas au total 183 jours au cours de l'année fiscale considérée ; / b) Les rémunérations sont payées par un employeur ou au nom d'un employeur qui n'est pas résident de l'autre État ; et / c) La charge des rémunérations n'est pas supportée par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur a dans l'autre État. (...) ".

6. Il résulte de ces stipulations que les rémunérations perçues par résident français au titre d'un emploi exercé en Suisse sont en principe imposables dans cet Etat, à moins que l'intéressé y ait séjourné moins de 183 jours au cours de l'année civile, que les rémunérations aient été payées par un employeur ou au nom d'un employeur qui n'est pas un résident suisse et que la charge des rémunérations n'ait pas été supportée par un établissement stable ou une base fixe que l'employeur possède en Suisse. Ces conditions sont cumulatives.

7. Il résulte de l'instruction que M. B..., salarié de la SAS Patisserie E. Ladurée depuis 2010, responsable du " supply chain " et des achats, a conclu le 1er mars 2013 un contrat de travail à temps partiel avec la société de droit suisse Macaroon SA, filiale du groupe Ladurée, pour exercer les fonctions de responsable des productions et de la " supply chain " de l'atelier de production sis à Enney, dans le canton de Fribourg, sans quotité de travail définie, les parties convenant que cet emploi ne requérait pas sa présence en Suisse plus de 120 jours par an, moyennant un salaire brut de 41 100 euros par an, l'intéressé restant assujetti à la sécurité sociale en France. Parallèlement, par un avenant du 14 février 2013 au contrat de travail à temps complet liant M. B... à son employeur principal, sa rémunération fixée initialement à 68 000 euros en 2010, a été réduite à 46 000 euros. Il ressort également des décomptes de salaire établis par la société Macaroon SA et d'une attestation du responsable administratif et financier de cette société, que celle-ci a versé à M. B... les salaires correspondants, de mars 2013 à décembre 2015. Si ces sommes figurent également sur les bulletins de paie établis par la SAS Pâtisserie E. Ladurée, et ont ainsi été inclus dans la base du salaire brut assujettis aux cotisations sociales salariale et patronale, ces bulletins de paie mentionnent au titre des " autres déductions " le salaire versé par la société suisse, ce qui corrobore que les rémunérations en cause ont été supportées par la société de droit suisse. Il en résulte que les salaires versés à M. B... par la société Macaroon SA, société résidente suisse, étaient imposables en Suisse.

8. Aux termes de l'article 25 de la même convention : " Il est entendu que la double imposition sera évitée de la manière suivante : /A En ce qui concerne la France / 1. Nonobstant toute autre disposition de la présente convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'en Suisse conformément aux dispositions de la convention, et qui constituent des revenus imposables d'un résident de France, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt suisse n'est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux a et b, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : / a) Pour les revenus non mentionnés au paragraphe 1, b, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt suisse à raison de ces revenus ; (...). "

9. Il résulte de ces stipulations que, lorsque les salaires perçus par un résident de France au titre d'un emploi salarié exercé en Suisse sont imposables en France et en Suisse, l'intéressé bénéficie d'un crédit d'impôt imputable sur le montant de l'impôt français, égal à l'impôt français correspondant aux revenus de source suisse, à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt suisse à raison de ces revenus. Dès lors qu'il a effectivement été imposé dans cet Etat, la circonstance que le contribuable n'a acquitté qu'un impôt réduit ou forfaitaire est sans incidence sur le droit de l'intéressé à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français sur la totalité de ces revenus.

10. Il est constant que les salaires versés à M. B... par la société Macaroon SA ont été soumis dans cet Etat à un impôt sur le revenu prélevé par voie de retenue à la source, ainsi qu'il ressort des décomptes de salaires délivrés par la société Macaroon SA. La circonstance que ces revenus n'auraient été effectivement imposées par les autorités fiscales suisse que sur la base de vingt jours par an est sans incidence sur le bénéfice du crédit d'impôt correspondant à l'impôt français sur ces revenus, dès lors qu'il n'est pas établi que M. B... a été exonéré d'imposition en Suisse sur tout ou partie de ces revenus. C'est par suite à tort que l'administration fiscale a limité le crédit d'impôt auquel M. B... a droit à 20/270ème au titre de l'année 2013 et 20/360ème au titre des années 2014 et 2015 de l'impôt français sur ses revenus de source suisse.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015, à hauteur du crédit d'impôt correspondant à l'impôt français sur la totalité de ses revenus de source suisse. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. B... au titre des années 2013, 2014 et 2015 sont réduites à concurrence du crédit d'impôt calculé sur la totalité de ses revenus de source suisse.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

N° 19VE04154 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE04154
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET
Avocat(s) : SELARL INTERVISTA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-12-07;19ve04154 ?
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