Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, à titre principal, de prononcer la décharge de l'obligation de payer procédant d'une mise en demeure valant commandement de payer qui lui a été adressée le 7 décembre 2017 pour le recouvrement de la somme de 42 304 euros, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge partielle, à hauteur de 31 450 euros de droits et 10 854 euros de pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1800354 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2019 et des mémoires en réplique enregistrés les 5 et 8 février 2021, Mme A... épouse E..., représentée par Me Becquart, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler la décision du 31 octobre 2017 de rejet de sa réclamation d'assiette, la mise en demeure du 7 décembre 2017 et, à titre subsidiaire, les avis de saisie administrative à tiers détenteur qui lui ont été délivrés 12 novembre 2020 ;
3° de prononcer la décharge de l'obligation de payer contestée ;
4° subsidiairement, de prononcer la décharge des impositions en litige ;
5° plus subsidiairement, de prononcer la décharge des sommes de 2 289,72 euros en droits et 10 854 ou 6 217 euros de majoration ;
6° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action en recouvrement est prescrite, dès lors que plus de quatre années se sont écoulées entre la mise en demeure qui lui a été adressée le 30 décembre 2012 et la mise en demeure valant commandement de payer datée du 7 décembre 2017 ;
- elle est fondée à demander la décharge partielle des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés, à concurrence de la taxe afférente aux prestations d'enseignement qu'elle a dispensées à ses élèves, qui devaient en être exonérées en application du b du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ;
- les avis de saisie administrative à tiers détenteur ne lui ont pas été notifiés ;
- elle est de bonne foi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dorion, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- les observations de Me Augustin, pour Mme A....
Une note en délibéré a été présentée le 24 novembre 2021, pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse E... exerce son activité de professeur de musique au sein de l'école de musique " Flash music " qu'elle exploite à titre individuel au Blanc-Mesnil. Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au cours de laquelle le service a constaté qu'elle avait employé plusieurs salariés et n'avait pas déclaré de taxe sur la valeur ajoutée. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés, selon la procédure de taxation d'office, sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, assortis d'une majoration de 10 % pour défaut de déclaration. Suite à la mise en recouvrement de ces impositions le 30 décembre 2011, et au rejet de sa réclamation par une décision du 31 octobre 2017, une mise en demeure a été adressée à Mme A... le 7 décembre 2017, valant commandement de payer la somme de 42 304 euros. Elle relève appel du jugement du 14 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge de l'obligation de payer procédant de la mise en demeure du 7 décembre 2017, subsidiairement, à la décharge des impositions restant en litige, pour un montant de 31 450 euros de droits, correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations qu'elle a réalisées à titre personnel, et 10 854 euros de pénalités.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En faisant valoir que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés ne sont pas justifiés et que sa dette fiscale est prescrite, Mme A... présente des recours d'assiette et de recouvrement qui relèvent pas nature du plein contentieux. Ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 31 octobre 2017 rejetant sa réclamation préalable et de la mise en demeure valant commandement de payer du 7 décembre 2017 doivent être regardées comme tendant à la décharge des suppléments d'imposition qui lui sont réclamés et de l'obligation de payer procédant de cette mise en demeure.
Sur les conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
3. Aux termes de l'article 132, paragraphe 1, de la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, dont les dispositions reprennent celles de l'article 13, A, paragraphe 1, point j de la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 : " Les Etats membres exonèrent les opérations suivantes : / (...) j) les leçons données, à titre personnel, par des enseignants et portant sur l'enseignement scolaire ou universitaire ". Ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes par son arrêt du 14 juin 2007 rendu dans l'affaire C-445/05, Werner Haderer, ces dispositions désignent les leçons données par un enseignant pour son propre compte et sous sa propre responsabilité. Aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) 4. (Professions libérales et activités diverses) : / (...) 4° (...) / b. les cours ou leçons relevant de l'enseignement scolaire, universitaire, professionnel, artistique ou sportif, dispensés par des personnes physiques qui sont rémunérées directement par leurs élèves ". Il résulte de ces dispositions que les leçons qu'un enseignant ou moniteur donne avec le concours de personnes qu'il salarie ne peuvent être regardées comme dispensées à titre personnel, quelles que soient les fonctions exercées par ces personnes salariées, et ne peuvent dès lors être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts.
4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme A... exerce son activité de professeur de musique au sein de l'école " Flash music " qu'elle exploite à titre individuel en ayant recours à une dizaine d'autres professeurs salariés. En outre, les élèves acquittent un forfait annuel perçu par Mme A... couvrant indistinctement les frais de fonctionnement de l'établissement quel que soit l'enseignant. Dès lors que Mme A... bénéficiait du concours de plusieurs salariés, les recettes de son activité d'enseignement ne pouvaient être regardées comme rémunérant son activité personnelle, alors même qu'elle dispensait personnellement des cours sans l'assistance de personnel salarié et qu'elle exerçait son activité en qualité de travailleur indépendant. Est sans incidence à cet égard la circonstance que les salariés de Mme A..., également professeurs, n'apportent que leur concours pédagogique et non un soutien administratif, technique ou logistique. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à demander, en application de la loi fiscale, le bénéfice de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue en faveur des leçons données à titre personnel par des enseignants rémunérés par leurs élèves.
5. A supposer que Mme A... puisse être regardée comme se prévalant de la garantie contre les changements de doctrine prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, elle ne se prévaut pas utilement des énonciations des paragraphes 360 et 380 de la documentation référencée BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-50, reprenant les réponses ministérielles n° 21577 et n°23641 du 21 janvier 1980 et du 10 mars 1980 aux questions à MM B... et D..., députés, qui ne contiennent aucune interprétation différente de la loi fiscale.
Sur les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".
7. Mme A... ne se prévaut pas utilement de sa bonne foi pour contester la majoration de 10 % pour défaut de déclaration dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés, dès lors que la mise en œuvre d'une telle pénalité est purement objective et exclusive de toute appréciation de la bonne ou de la mauvaise foi du contribuable. Si elle conteste le rejet implicite de sa demande de remise gracieuse de ces pénalités, ces conclusions sont irrecevables comme nouvelles en cause d'appel.
Sur les conclusions à fin de charge de l'obligation de payer la somme de 42 304 euros procédant de la mise en demeure du 7 décembre 2017 :
8. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent. " Il résulte de ces dispositions que les impositions contestées par un contribuable qui a formé une réclamation assortie d'une demande de sursis de paiement cessent d'être exigibles à compter de la date à laquelle le sursis a été accordé, jusqu'à ce qu'une décision définitive soit prise par l'administration, ou jusqu'au prononcé du jugement en cas de recours contentieux. Seule la notification au contribuable d'une décision expresse de rejet de sa réclamation a pour effet de faire courir le délai de deux mois à l'issue duquel cette décision devient définitive.
9. Il résulte de l'instruction que la réclamation du 30 juillet 2012 par laquelle la requérante a contesté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui étaient réclamés, pour la part relative aux leçons de musique qu'elle a dispensées à titre personnel à ses élèves, était assortie d'une demande de sursis de paiement. En vertu de l'article L. 277 du LPF, ce sursis a suspendu les poursuites jusqu'à ce que soit prise une décision définitive par l'administration ou le tribunal compétent. La décision explicite de rejet du 31 octobre 2017 reçue le 17 novembre 2017 ayant fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif de Montreuil introduit dans le délai de recours contentieux, la décision définitive sur la réclamation présentée par Mme A... n'est intervenue, au sens de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, que le 14 octobre 2019, date du jugement par lequel le tribunal a rejeté la contestation des impositions. Il s'ensuit que, Mme A... ayant bénéficié du sursis de paiement jusqu'à la date de ce jugement, l'action en recouvrement du comptable n'était pas prescrite à la date de la mise en demeure valant commandement de payer qui lui a été adressée le 7 décembre 2017. En tout état de cause, cette mise en demeure, notifiée entre la décision de rejet de l'administration fiscale et la saisine du tribunal, a été frappée de caducité par l'effet de cette saisine. Dans ces conditions, la demande de décharge de l'obligation de payer procédant de cet acte de poursuite ne peut qu'être rejetée.
A titre subsidiaire, sur les conclusions tendant à l'annulation des avis de saisie administrative à tiers détenteur :
10. Les conclusions présentées à titre subsidiaire par Mme A..., tendant à l'annulation des avis de saisie administrative à tiers détenteur notifiés le 12 novembre 2020, postérieurement au jugement attaqué, sont nouvelles en cause d'appel et, ainsi que le soutient le ministre, n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable au comptable. Ces conclusions sont par suite irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes. Il s'ensuit que sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
N° 19VE04101 2