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23/11/2021 | FRANCE | N°19VE03276

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 23 novembre 2021, 19VE03276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) CGD Auto a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 15 juin 2016 du contrôleur principal des finances publiques de la direction nationale des enquêtes fiscales portant suspension de son numéro d'identification intracommunautaire à la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un jugement n° 1607916 du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision contestée, enjoint à l'administr

ateur général des finances publiques en charge de la direction nationale des enquêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) CGD Auto a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 15 juin 2016 du contrôleur principal des finances publiques de la direction nationale des enquêtes fiscales portant suspension de son numéro d'identification intracommunautaire à la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un jugement n° 1607916 du 25 juillet 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision contestée, enjoint à l'administrateur général des finances publiques en charge de la direction nationale des enquêtes fiscales de réexaminer la situation de la SASU CGD Auto au regard de son identification intracommunautaire à la taxe sur la valeur ajoutée, dans un délai de trois mois, et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 septembre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué.

Le ministre fait valoir que :

- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision contestée pour incompétence de son signataire dès lors que cette décision entre dans les attributions des contrôleurs des finances publiques définies à l'article 5 du décret n° 2010-982 du 26 août 2010 modifié portant statut particulier du corps des contrôleurs des finances publiques, que l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts donne une compétence générale aux agents des corps de catégorie A et B de la direction générale des finances publiques, la finalité de ces dispositions étant de ne pas autoriser les agents de catégorie C à signer les actes relatifs à l'assiette et à la liquidation de l'impôt, que la décision contestée entre dans les attributions de la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), ainsi que le prévoit le b de l'article 2 de l'arrêté du 24 juillet 2000 relatif à la DNEF, et que l'article 408 de l'annexe II au CGI précise les matières relevant de la compétence exclusive des directeurs, au nombre desquelles ne figure pas la décision de suspension en litige ;

- l'administration disposait, dès le 17 mai 2016, date de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant la procédure de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, d'indices suffisants de l'implication de la SASU CGD Auto dans une fraude à la TVA consistant à appliquer de manière abusive à la revente de véhicules le régime de la taxe sur la marge bénéficiaire, qui justifiait la suspension de son identification.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2010-982 du 26 août 2010 portant statut particulier du corps des contrôleurs des finances publiques et modifiant le décret n° 95-379 du 10 avril 1995 fixant le statut particulier des contrôleurs des impôts et le décret n° 95-381 du 10 avril 1995 fixant le statut particulier des contrôleurs du Trésor public ;

- l'arrêté du 24 juillet 2000 relatif à la direction nationale des vérifications de situations fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Met, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) CGD Auto, qui exerce une activité d'achat revente de véhicules automobiles d'occasion, a fait l'objet d'une procédure de visite et de saisie autorisée par le juge des libertés et de la détention le 17 mai 2016, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, au vu d'indices concordants laissant suspecter une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) par application abusive du régime de la taxe sur la marge bénéficiaire à des acquisitions intracommunautaires n'en relevant pas. Par une décision du 15 juin 2016, le contrôleur principal des finances publiques de la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) a suspendu son numéro individuel d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire au motif que les conditions d'attribution prévues par l'article 286 ter du code général des impôts n'étaient plus satisfaites. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement du 25 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cette décision, au motif, soulevé d'office, de l'incompétence de son signataire, et enjoint à l'administrateur général des finances publiques en charge de la direction nationale des enquêtes fiscales de réexaminer la situation de la SASU CGD Auto au regard de son identification intracommunautaire à la taxe sur la valeur ajoutée, dans un délai de trois mois.

2. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les États membres veillent à ce que le numéro d'identification à la TVA visé à l'article 214 de la directive 2006/112/CE soit signalé comme non valide dans le système électronique visé à l'article 17, au moins dans l'une quelconque des situations suivantes : / a) lorsque les personnes identifiées aux fins de la TVA ont déclaré avoir cessé toute activité économique, au sens de l'article 9 de la directive 2006/112/CE, ou lorsque l'administration fiscale compétente considère qu'elles ont cessé cette activité. (...) / b) lorsque les personnes ont communiqué de fausses données afin d'obtenir une identification à la TVA ou n'ont pas signalé les modifications de leurs données et que, si l'administration fiscale en avait eu connaissance, cette dernière aurait refusé l'identification à la TVA ou aurait radié le numéro d'identification à la TVA. "

3. Aux termes de l'article 286 ter du code général des impôts : " Est identifié par un numéro individuel : / 1° Tout assujetti qui effectue des livraisons de biens ou des prestations de service lui ouvrant droit à déduction, autres que des livraisons de biens ou des prestations de services pour lesquelles la taxe est due uniquement par le destinataire ou par le preneur ; (...) / 2° Tout assujetti ou toute personne morale non assujettie qui effectue des acquisitions intracommunautaires de biens soumises à la taxe sur la valeur ajoutée conformément au I de l'article 256 bis (... ) ". L'article L. 10 BA du livre des procédures fiscales dispose que : " I. - Avant ou après la délivrance du numéro individuel d'identification prévu à l'article 286 ter du code général des impôts, l'administration peut demander des informations complémentaires pour statuer sur l'attribution ou le maintien de cet identifiant ainsi que tout élément permettant de justifier de la réalisation ou de l'intention de réaliser des activités économiques prévues au cinquième alinéa de l'article 256 A du même code. (...) IV. - Le numéro individuel d'identification n'est pas attribué ou est invalidé dans l'un des cas suivants : / 1° Aucune réponse n'a été reçue dans le délai mentionné au II ; / 2° Les conditions prévues à l'article 286 ter du code général des impôts ne sont pas remplies ; / 3° De fausses données ont été communiquées afin d'obtenir une identification à la taxe sur la valeur ajoutée ; / 4° Des modifications de données n'ont pas été communiquées. "

4. L'objectif essentiel de l'identification des assujettis prévue à l'article 214 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d'assurer le bon fonctionnement du système de la TVA. Si les États membres peuvent légitimement prévoir, conformément à l'article 273, premier alinéa, de cette directive, des mesures aptes à empêcher l'usage abusif des numéros d'identification, en particulier par des entreprises dont l'activité, et par conséquent la qualité d'assujetti, serait purement fictive, ces mesures ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer l'exacte perception de la taxe et éviter la fraude et ne doivent pas remettre en cause le droit à déduction de la TVA et, partant, la neutralité de cette taxe. Au demeurant, l'inscription de l'assujetti au registre des assujettis à la TVA est une exigence formelle destinée à faciliter et garantir les transactions commerciales entre entreprises de l'Union européenne, de sorte qu'un assujetti ne saurait être empêché d'exercer son activité, son droit à déduction ou son droit à l'exonération de la TVA au titre d'une livraison intracommunautaire, au motif qu'il n'aurait pas été identifié à la TVA. Il en résulte que le numéro individuel d'identification d'un assujetti à la TVA intracommunautaire', qui peut être invalidé en application des dispositions citées aux points 2 et 3, lorsque l'intéressé n'a pas répondu à une demande d'information dans le délai de trente jours, lorsque les conditions prévues à l'article 286 ter du code général des impôts ne sont pas remplies, lorsque de fausses données ont été communiquées afin d'obtenir une identification à la TVA ou lorsque des modifications de données n'ont pas été communiquées', ne saurait être suspendu, ni invalidé, au motif que le contrôle a révélé, à l'occasion des opérations économiques réalisées par l'assujetti conformément aux données communiquées pour son identification, une utilisation abusive du régime de la TVA sur la marge constitutive d'une fraude.

5. Pour considérer que la SASU GCD Auto ne remplissait plus les conditions prévues à l'article 286 ter du code général des impôts, l'administration fiscale s'est fondée sur les circonstances que la société a fourni de fausses informations en faisant des déclarations annuelles au lieu des déclarations mensuelles auxquelles elle était tenue et en faisant une application abusive de la TVA sur la marge bénéficiaire au moyen de certificats d'acquisition de véhicules dont les données se sont révélées fausses. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la SASU CGD Auto ait fourni de fausses informations pour obtenir son immatriculation, ni qu'elle ait cessé de réaliser des opérations économiques justifiant son identification à la TVA intracommunautaire. Si les indices de nature à faire suspecter une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée étaient de nature à motiver la mise en œuvre d'une procédure de contrôle en vue de la notification de rappels d'imposition, ces éléments ne pouvaient légalement justifier la suspension de son identification individuelle en qualité d'un assujetti à la TVA intracommunautaire.

6. Le ministre fait également valoir, au demeurant sans solliciter formellement une substitution de base légale, que les dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 citées au point 2, prescrivant que les Etats membres veillent à ce que le numéro d'identification à la TVA soit invalidé " au moins " lorsque la personne identifiée a cessé toute activité ou transmis des fausses données, ne donnent pas une liste limitative des motifs pour lesquels le numéro d'identification individuelle peut-être suspendu ou retiré. Cependant, ces dispositions ne peuvent être interprétées comme autorisant les Etats membres à suspendre la numéro d'identification d'un assujetti en cas de suspicion d'utilisation abusive du régime de la TVA sur la marge bénéficiaire. Il en est de même des dispositions de l'article 273 de directive 2006/112/CE du conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, qui sont dépourvues d'effet direct et ne peuvent, dès lors, être utilement invoquées pour fonder la décision contestée.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé sa décision du 15 juin 2016 portant suspension du numéro d'identification de la SASU CGD Auto à la TVA intracommunautaire.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

N° 19VE03276 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE03276
Date de la décision : 23/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal - Recours pour excès de pouvoir.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. MET

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-11-23;19ve03276 ?
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