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17/11/2021 | FRANCE | N°19VE01243

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 17 novembre 2021, 19VE01243


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Axa France Iard a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner in solidum M. A..., la SARL Ingénierie-Etudes-Entreprise et la SA Bureau Veritas à lui verser la somme de 218 716,77 euros TTC avec intérêts au taux légal et anatocisme et de mettre à leur charge, in solidum, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1702931 du 18 février 2019, le président de la 2ème chambre du tri

bunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Axa France Iard a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner in solidum M. A..., la SARL Ingénierie-Etudes-Entreprise et la SA Bureau Veritas à lui verser la somme de 218 716,77 euros TTC avec intérêts au taux légal et anatocisme et de mettre à leur charge, in solidum, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 1702931 du 18 février 2019, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 8 avril 2019 et le 22 mars 2021, la Société Axa France Iard, représentée par Me Caron, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de renvoyer le dossier au tribunal administratif de Versailles ou de condamner in solidum M. A..., la SARL Ingénierie-Etudes-Entreprise, la mutuelle des architectes français et le SA Bureau Veritas à lui verser la somme de 218 716,77 euros TTC, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de ces derniers la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le juge de première instance a déclaré sa demande irrecevable ;

- elle justifie être subrogée dans les droits de la commune de Boussy-Saint-Antoine à concurrence de 218 716,77 euros et, ainsi, de son intérêt et de sa qualité pour agir ;

- la prescription de l'action en garantie décennale n'est pas acquise ;

- la clause d'exclusion de solidarité du contrat d'architecte est inopposable aux tiers ;

- le rapport de l'expert judiciaire conclut à la responsabilité de M. A..., architecte, du bureau Ingénierie Etudes Entreprise, de l'entreprise Arche Construction et du contrôleur technique Bureau Veritas.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mathieu, substituant Me Caron, pour la société Axa France Iard.

Considérant ce qui suit :

1. La société Axa France Iard relève appel de l'ordonnance du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles rejetant comme irrecevable la demande dont elle avait saisi le tribunal en sa qualité d'assureur subrogé aux droits de la commune de Boussy-Saint-Antoine et tendant à la condamnation in solidum de M. A..., de la SARL Ingénierie-Etudes-Entreprise et de la SA Bureau Veritas à lui payer la somme de 218 716,77 euros sur le fondement de la garantie décennale à laquelle ils étaient tenus à raison de la construction du bâtiment destiné à accueillir la maison de l'enfance de la commune.

Sur l'intervention de la mutuelle des architectes français :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct ".

3. L'intervention de la mutuelle des architectes français a été présentée non par un mémoire distinct mais dans le mémoire de M. A... et de la SARL Ingénierie-Etudes-Entreprise enregistré le 2 juillet 2019. Dès lors, cette intervention n'est pas recevable.

Sur la recevabilité des conclusions de la société Axa France Iard dirigées contre la mutuelle des architectes français :

4. Ces conclusions sont nouvelles en appel. Par suite, elles sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

5. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) ". Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré. Il peut justifier, à tout moment de la procédure devant les juges du fond, y compris pour la première fois en appel, de son intérêt pour agir.

6. Il résulte de l'instruction que si la société Axa France Iard s'est bornée à produire en première instance le protocole d'accord conclu entre elle et la commune de Boussy-Saint-Antoine, pour justifier être subrogée dans les droits et actions de cette dernière, elle produit pour la première fois en appel un courrier du 12 juillet 2010 par lequel elle adresse à son conseil un chèque de 218 716,77 euros à l'ordre de la CARPA en exécution de ce protocole d'accord, une lettre chèque du même montant de son conseil à la CARPA et une lettre du 28 mars 2019 de l'associé du conseil de la commune attestant avoir reçu le 10 août 2010 la somme de 218 716,77 euros par chèque à l'ordre de la CARPA en exécution du protocole d'accord. Elle doit ainsi être regardée comme justifiant du paiement d'une indemnité à son assurée et de sa subrogation dans les droits et actions de la commune de Boussy-Saint-Antoine vis-à-vis des constructeurs de la maison de l'enfance.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Axa France Iard est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée qui a rejeté sa demande comme irrecevable.

Au fond :

8. Aux termes de l'article 2244 du code civil dans sa rédaction alors applicable : " Une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ".

9. Il résulte de ces dispositions, applicables à la responsabilité décennale des architectes et des entrepreneurs à l'égard des maîtres d'ouvrage publics, qu'une citation en justice n'interrompt la prescription qu'à la double condition d'émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait. Toutefois, l'assureur du maître de l'ouvrage bénéficie de l'effet interruptif d'une citation en justice à laquelle il a procédé dans le délai de garantie décennale, alors même qu'à la date de cette citation, n'ayant pas payé l'indemnité d'assurance, il ne serait pas encore subrogé dans les droits de son assuré. Son action contre les constructeurs est recevable dès lors qu'elle est engagée dans le nouveau délai de dix ans ainsi ouvert et que l'indemnité due à l'assuré a été versée avant que le juge ne statue sur le bien-fondé de cette action.

10. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux de construction du bâtiment destiné à accueillir la maison de l'enfance de la commune de Boussy-Saint-Antoine est intervenue le 28 avril 1996. Si le délai de garantie décennale a été interrompu par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Versailles du 15 novembre 2002 désignant un expert chargé d'examiner les désordres constatés sur ce bâtiment à la demande de la commune et par les ordonnances du 14 janvier 2003 et du 16 février 2004 portant extension des opérations d'expertise, ce délai n'a en revanche pas été interrompu par le dépôt du rapport d'expertise le 22 mars 2007 et le protocole d'accord conclu entre la commune et son assureur en 2010. Ainsi, le délai de garantie décennal a expiré au plus tard le 16 février 2014. La société Axa France Iard n'ayant assigné les constructeurs devant le juge judiciaire qu'en septembre 2015 et saisi la juridiction administrative que par sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Versailles le 14 mars 2017, son action est prescrite et doit, par suite, être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., de la SARL Ingénierie-Etudes-Entreprise, de la mutuelle des architectes français et de la SA Bureau Veritas, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, la somme que la société Axa France Iard demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la Société Axa France Iard la somme globale de 2 000 euros à verser à M. A... et à la SARL Ingénierie-Etudes-Entreprise en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la mutuelle des architectes français n'est pas admise.

Article 2 : L'ordonnance n° 1702931 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Versailles du 18 février 2019 est annulée.

Article 3 : La demande présentée par la société Axa France Iard devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 4 : La société Axa France Iard versera à M. A... et à la société Ingénierie-Etudes-Entreprise la somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 19VE01243 4


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