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07/10/2021 | FRANCE | N°19VE00591

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 07 octobre 2021, 19VE00591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 30 mars 2016 par laquelle le maire de Boulogne-Billancourt l'a affectée d'office sur un poste d'assistante administrative au sein du département services techniques et urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1607003 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février et

14 juin 2019, Mme B..., représentée par Me Ledesert, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 30 mars 2016 par laquelle le maire de Boulogne-Billancourt l'a affectée d'office sur un poste d'assistante administrative au sein du département services techniques et urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1607003 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 février et 14 juin 2019, Mme B..., représentée par Me Ledesert, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au maire de Boulogne-Billancourt de la réintégrer sur le poste de responsable administrative de l'école municipale des sports ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;

- sa demande de première instance était recevable ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure, le principe de respect des droits de la défense ayant été méconnu et son dossier individuel ne lui ayant pas été communiqué ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt du service ;

- elle est entachée de détournements de pouvoir et de procédure.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mai et 26 août 2019, la commune de Boulogne-Billancourt, représentée par Me Abrassart, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 30 mars 2016 ayant le caractère d'une mesure d'ordre intérieur, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable ;

- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Albertini, président de chambre,

- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ledesert, pour Mme B..., et de Me Naoui, substituant Me Abrassart, pour la commune de Boulogne-Billancourt.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée par la commune de Boulogne-Billancourt en 1983. Elle a été titularisée en qualité d'adjointe administrative de 2ème classe en 1989 et a exercé les fonctions de responsable de l'école municipale des sports, puis celles de responsable administrative de ce même service, à compter de l'année 2010. Par une décision du 30 mars 2016, le maire de Boulogne-Billancourt l'a affectée d'office en qualité d'assistante administrative au sein du service administratif et budget du département services techniques et urbanisme de la commune. Mme B... relève régulièrement appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la dénaturation des pièces du dossier :

2. Si Mme B... soutient que les premiers juges auraient dénaturé les pièces du dossier qui leur était soumis, un tel moyen ne constitue pas un moyen d'irrégularité du jugement pouvant être utilement soulevé devant le juge d'appel et se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle dont le contrôle est opéré par l'effet dévolutif de l'appel. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne l'insuffisance de motivation du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

4. Mme B... soutient que le tribunal administratif n'aurait pas suffisamment exposé les motifs pour lesquels il a dénié l'existence d'une attitude discriminatoire de l'administration à son encontre. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux premiers juges que l'intéressée s'était bornée à relater devant eux un incident survenu dans le cadre de l'exercice d'un mandat syndical avec le maire de Boulogne-Billancourt en janvier 2015, sans invoquer expressément, en première instance, l'existence d'un comportement discriminatoire à raison de son appartenance syndicale prétendument révélé par cet incident. Dès lors, en indiquant qu'il ne ressortait d'aucune des pièces du dossier que Mme B... aurait fait l'objet de discrimination du fait de son appartenance syndicale, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la requérante, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

5. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d'affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné.

6. En premier lieu, aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version applicable au litige : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. (...) ". L'article 3 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux dispose quant à lui : " I. - Les adjoints administratifs territoriaux sont chargés de tâches administratives d'exécution, qui supposent la connaissance et comportent l'application de règles administratives et comptables. / Ils peuvent être chargés d'effectuer divers travaux de bureautique et être affectés à l'utilisation des matériels de télécommunication. (...) II. - Lorsqu'ils relèvent des grades d'avancement, les adjoints administratifs territoriaux assurent plus particulièrement les fonctions d'accueil et les travaux de guichet, la correspondance administrative et les travaux de comptabilité. / Ils peuvent participer à la mise en œuvre de l'action de la collectivité dans les domaines économique, social, culturel et sportif. / Ils peuvent être chargés de la constitution, de la mise à jour et de l'exploitation de la documentation ainsi que de travaux d'ordre. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que les missions confiées à Mme B... dans le cadre de ses fonctions d'assistante administrative au sein du département services techniques et urbanisme de la commune de Boulogne-Billancourt, au nombre desquelles figurent notamment l'accompagnement administratif pour la passation de marchés publics, la réalisation de travaux de bureautique, la réception d'appels téléphoniques, la rédaction de comptes rendus ou encore le la réception, le traitement et la diffusion d'informations, sont des missions ayant normalement vocation à être confiées à des adjoints administratifs territoriaux en vertu des dispositions précitées de l'article 3 du décret du 22 décembre 2006. Si l'administration n'était tenue de soumettre pour avis aux commissions administratives paritaires que les seules mutations emportant changement de résidence ou modification de la situation des agents, la circonstance que le changement d'affectation en litige ait été examiné par la commission administrative compétente lors de sa séance du 29 mars 2016 n'est pas, par elle-même, de nature à révéler que cette mesure modifierait de façon effective la situation de Mme B.... Par suite, la décision attaquée, dont il n'est pas soutenu qu'elle porterait atteinte à l'exercice des droits et libertés fondamentaux de l'appelante, laquelle n'est titulaire que de son grade et non de son emploi, ne saurait être analysée comme portant atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut.

8. En deuxième lieu, il est constant que les nouvelles fonctions de Mme B... ne comportent pas de responsabilités d'encadrement ni d'exercice d'un pouvoir hiérarchique sur d'autres agents. L'intéressée soutient, à cet égard, qu'elle exerçait de telles missions sur son ancien poste, de telle sorte que la décision attaquée emporterait une diminution du niveau de ses responsabilités. Si la fiche de l'ancien poste de Mme B... produite par cette dernière fait mention de ces missions, la commune fait valoir en défense que ces missions n'étaient plus assurées, dans les faits, par l'intéressée, laquelle ne disposait d'aucun pouvoir hiérarchique sur les éducateurs ni d'aucune prérogative d'organisation du service. Aucune des pièces versées aux débats par Mme B... n'est ainsi de nature à révéler l'exercice effectif, par elle-même, de ces missions lors de l'édiction de la décision du 30 mars 2016, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'appelante a été déchargée de ces différentes responsabilités à la suite de la réorganisation des services de l'école municipale des sports en 2010 pour que celles-ci soient effectivement confiées au responsable pédagogique nouvellement nommé. Cette circonstance est dès lors antérieure à l'adoption de la décision attaquée, qui n'a, par elle-même, pas emporté de tels effets.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la comparaison des bulletins de paie de Mme B... durant sa dernière année sur son ancien poste et durant sa première année sur son nouveau poste, que la modification de son affectation n'a eu aucune incidence sur le niveau moyen de sa rémunération.

10. En quatrième lieu, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. Mme B..., qui soutient être victime d'un comportement discriminatoire du fait de son appartenance syndicale, expose qu'alors qu'elle exerçait un mandat de représentante syndicale, le maire aurait refusé, au cours du mois de janvier 2015, de prendre part à une réunion entre des représentants de l'administration et ceux de différentes organisations syndicales au motif qu'elle-même y participait, et qu'elle aurait été contrainte de quitter cette réunion afin que celle-ci puisse débuter. Cet incident, isolé et antérieur de plus d'un an à l'édiction de la décision attaquée, n'est pas, à lui seul et alors que des propositions de postes ont été adressées à l'appelante avant l'adoption de la décision en litige, de nature à faire présumer que cette décision serait empreinte de discrimination à raison de l'appartenance syndicale de Mme B....

12. En cinquième et dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 7 à 9 que la décision attaquée n'a qu'un impact limité sur la situation professionnelle de Mme B.... Dès lors, et sans qu'il soit besoin de rechercher si l'autorité administrative aurait poursuivi l'intention de la sanctionner, cette décision ne saurait s'analyser comme ayant le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 30 mars 2016 par laquelle le maire de Boulogne-Billancourt a affecté d'office Mme B... sur un poste d'assistante administrative au sein du département services techniques et urbanisme a le caractère d'une mesure d'ordre intérieur ne faisant pas grief à l'appelante. Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. La présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par l'appelante doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Boulogne-Billancourt, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme que la commune de Boulogne-Billancourt demande sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Boulogne-Billancourt au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Boulogne-Billancourt.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

M. Albertini, président de chambre,

M. Mauny, président assesseur,

Mme C..., prmière conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

Le président-assesseur,

O. MAUNYLe président-rapporteur,

P.-L. ALBERTINILa greffière,

F. PETIT-GALLAND

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°19VE00591 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE00591
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-01-02-01 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'annulation. - Introduction de l'instance. - Décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: M. Paul-Louis ALBERTINI
Rapporteur public ?: Mme BOBKO
Avocat(s) : LEDESERT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-07;19ve00591 ?
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