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30/09/2021 | FRANCE | N°18VE04061

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 septembre 2021, 18VE04061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

- sous le n° 1705985, d'annuler l'arrêté du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 18 mai 2017 l'affectant au poste de second de cuisine au sein du collège François Mitterrand de Noisy-le-Grand à compter du 18 avril 2017, d'enjoindre au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de le réintégrer à son poste de chef cuisinier au sein du collège Jacques Prévert sous astreinte de 50 euros par jour de retard

et de reconstituer sa carrière, à compter de la notification de la décision à inter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil :

- sous le n° 1705985, d'annuler l'arrêté du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 18 mai 2017 l'affectant au poste de second de cuisine au sein du collège François Mitterrand de Noisy-le-Grand à compter du 18 avril 2017, d'enjoindre au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de le réintégrer à son poste de chef cuisinier au sein du collège Jacques Prévert sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de reconstituer sa carrière, à compter de la notification de la décision à intervenir, et de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n°1706007, d'annuler la décision prise par cette même autorité le 17 février 2017 l'affectant aux fonctions de second de cuisine au collège François Mitterrand de Noisy-le-Grand à compter du 20 février 2017, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de le réintégrer à son poste de chef cuisinier au sein du collège Jacques Prévert sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de reconstituer sa carrière, à compter de la notification de la décision à intervenir, et de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n°1706009, d'annuler l'arrêté pris par cette même autorité le 4 mai 2017 l'affectant au poste de cuisinier au collège François Mitterrand de Noisy-le-Grand à compter du 16 janvier 2017, d'enjoindre à l'administration de le réintégrer à son poste de chef cuisinier au sein du collège Jacques Prévert, de reconstituer sa carrière sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge du département une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement nos 1705985 - 1706007 - 1706009 du 10 octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé un non-lieu à statuer sur les demandes tendant à l'annulation des arrêtés des 4 et 18 mai 2017 et a rejeté la demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 7 décembre 2018 et le 11 juin 2021, M. B..., représenté par Me Lacroix, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 17 février 2017, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de le réintégrer à son poste de chef cuisinier au sein du collège Jacques Prévert et de reconstituer sa carrière à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du conseil départemental la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il n'avait pas été mis à même de demander la communication de son dossier ;

- sa demande était recevable dès lors que la décision en litige constitue une sanction disciplinaire ; cette décision a entraîné une diminution de ses attributions et responsabilités ainsi que de sa rémunération, elle porte atteinte à ses perspectives de carrière et la volonté de l'administration était bien de le sanctionner ;

- la décision en litige a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- la procédure disciplinaire issue du décret du 18 septembre 1989 applicable aux fonctionnaires territoriaux aurait dû être mise en œuvre ;

- la commission administrative paritaire aurait dû être saisie, en application de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 ;

- la décision en litige est entachée d'un détournement de procédure ;

- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle n'est pas au nombre des sanctions disciplinaires prévues à l'article 89 de la loi du 26 janvier 1989 ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

- à titre subsidiaire, quand bien même la décision en litige ne constituerait pas une sanction disciplinaire, elle est une mesure prise en considération de la personne de l'exposant qui aurait dû être mis à même de solliciter la communication de son dossier.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 22 avril 1905, notamment son article 65 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Langlet, pour le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjoint technique territorial de 2ème classe, doit être regardé comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 10 octobre 2018 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 17 février 2017 l'affectant, à compter du 20 février 2017, au poste de second de cuisine du collège François Mitterrand de Noisy-le-Grand.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre une telle mesure, à moins qu'elle ne traduise une discrimination, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d'affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent public concerné.

3. Contrairement à ce que fait valoir le département de la Seine-Saint-Denis, la décision contestée affectant M. B... au poste de second de cuisine du collège François Mitterrand a eu pour effet de faire perdre à l'intéressé le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire de quinze points à laquelle il pouvait prétendre en qualité de chef de cuisine du collège Jacques Prévert de Noisy-le-Grand. En outre, il ressort des pièces du dossier, en particulier des fiches des postes concernés, que ce changement d'affectation s'est accompagné d'une perte de ses attributions d'encadrement et de supervision du travail d'équipe, l'intéressé n'étant plus chargé de l'élaboration des menus et de l'évaluation des besoins du service mais ayant seulement des fonctions d'assistance au chef de cuisine. Dans ces conditions, la décision de changement d'affectation de M. B... a entraîné une perte de rémunération et une diminution sensible de ses attributions et responsabilités. Par suite, la décision du 17 février 2017 n'est pas une simple mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours. Dès lors, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande comme irrecevable.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2017.

Sur la légalité de la décision contestée :

5. D'une part, aux termes de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " L'autorité territoriale procède aux mouvements des fonctionnaires au sein de la collectivité ou de l'établissement ; seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation des intéressés sont soumises à l'avis des commissions administratives paritaires. (...) ". Et aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. " En vertu de ces dernières dispositions, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier préalablement à la mesure.

6. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. Il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un rapport du gestionnaire du collège Jacques Prévert, d'un courrier de la direction départementale de la protection des populations adressé à la principale du collège après un contrôle intervenu à la suite d'une suspicion d'intoxication alimentaire et d'un courrier de la principale proposant une formation à M. B... pour remédier aux désordres constatés, que la décision en litige a été prise pour assurer le bon fonctionnement du service, altéré par le comportement et les insuffisances professionnelles de l'intéressé. Elle constitue donc une mesure prise en considération de la personne du requérant. Par ailleurs, ce changement d'affectation a entraîné, ainsi qu'il a été dit au point 3, une modification sensible des attributions et responsabilités de M. B... et une diminution de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre. Dans ces conditions, un telle décision devait être précédée de la communication de son dossier à M. B... et de la consultation de la commission administrative paritaire. Faute pour l'administration d'avoir respecté ces procédures, M. B... a été privé de garanties de nature à entacher d'illégalité la décision litigieuse, sans que le département puisse utilement se prévaloir de la circonstance que l'intéressé aurait consulté son dossier postérieurement à cette décision.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation de la décision contestée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation de la décision du 17 février 2017 prononçant le changement d'affectation de M. B... oblige l'autorité compétente à replacer l'intéressé, à la date de ce changement d'affectation, dans l'emploi qu'il occupait précédemment et à reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière.

10. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de replacer M. B..., à compter du 20 février 2017, dans l'emploi de chef de cuisine du collège Jacques Prévert qu'il occupait précédemment et de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas la partie perdante, verse au département de la Seine-Saint-Denis la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis la somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement nos 1705985 - 1706007 - 1706009 du tribunal administratif de Montreuil du 10 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : La décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 17 février 2017 affectant M. B... au poste de second de cuisine au collège François Mitterrand de Noisy-le-Grand est annulée, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Article 3 : Il est enjoint au département de la Seine-Saint-Denis de replacer M. B..., à compter du 20 février 2017, dans l'emploi de chef de cuisine du collège Jacques Prévert qu'il occupait précédemment et de prendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le département de la Seine-Saint-Denis versera à M. B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du département de la Seine-Saint-Denis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 18VE04061 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04061
Date de la décision : 30/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-01-01-01 Procédure. - Introduction de l'instance. - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours. - Actes constituant des décisions susceptibles de recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-09-30;18ve04061 ?
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