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16/09/2021 | FRANCE | N°20VE01902

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 16 septembre 2021, 20VE01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 avril 2018 prononçant son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 1803832 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2020, Mme C..., représentée par Me Perrier, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet

arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 avril 2018 prononçant son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 1803832 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2020, Mme C..., représentée par Me Perrier, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ; l'arrêté de délégation du 2 février 2018 sur lequel le tribunal administratif s'est fondé n'a pas été versé au dossier et doit être écarté dès lors que cette pièce n'a pas été contradictoirement débattue ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation ; ainsi que la commission d'expulsion l'a estimé dans son avis du 23 mars 2008, sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; elle est intégrée en France et sans ancrage dans la mouvance islamiste ;

- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son retour au Pakistan lui fait courir un risque pour sa santé et sa sécurité.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- et les observations Me Perrier, pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante pakistanaise née le 9 août 1998, relève appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 juin 2020 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 avril 2018 prononçant son expulsion du territoire français.

2. En premier lieu, Mme C... reprend en appel, sans apporter de précisions supplémentaires et pertinentes par rapport à celles qu'elle a déjà fait valoir devant le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté est entaché d'incompétence et qu'il n'est pas suffisamment motivé. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit, aux points 2 et 3 du jugement attaqué, par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui, d'une part, et en tout état de cause, n'a commis aucune erreur de fait en relevant que l'arrêté contesté visait notamment les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qui, d'autre part, n'était pas tenu de communiquer à l'intéressée l'arrêté n°18-004 de délégation du préfet du Val-d'Oise du 2 février 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le Val-d'Oise du même jour.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ".

4. Si Mme C... soutient que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des deux notes blanches des services de renseignement produites par le préfet qui ont été soumises au débat contradictoire, que l'intéressée a personnellement manifesté son adhésion aux thèses de l'islam radical faisant l'apologie d'actes de terrorisme, cette adhésion se manifestant notamment par l'évolution de sa tenue vestimentaire ou sa participation active sur un réseau social crypté favorable à l'organisation terroriste " Etat islamique ". En outre, Mme C... reconnaît avoir entretenu une liaison avec un ressortissant russe pro-djihadiste originaire de Tchétchénie, désormais incarcéré en France et à l'occasion de laquelle elle s'est retrouvée enceinte. Il n'est pas sérieusement contesté que l'intéressée est devenue son épouse religieuse. Les deux notes produites par le préfet comportent des éléments suffisamment précis et circonstanciés pour établir la radicalisation de Mme C.... Elles constituent des éléments de preuve suffisants alors même qu'elles ne sont pas datées et signées. Contrairement à ce que fait valoir Mme C..., elles concernent sa propre situation et non uniquement celle du ressortissant russe avec lequel elle a entretenu une liaison. Est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, la circonstance que la seconde note blanche produite par le préfet a été établie postérieurement à son édiction dès lors qu'elle éclaire la situation antérieure de Mme C.... Dans ces conditions, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la commission départementale d'expulsion des étrangers a émis un avis défavorable à l'expulsion de Mme C..., cette dernière n'est pas fondée à soutenir que sa présence en France ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public.

5. En troisième lieu, si Mme C... peut être regardée comme soutenant qu'elle relève des étrangers protégés contre l'expulsion en application des dispositions des articles L. 521-2 et L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées dans sa requête, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France à l'âge de huit ans dans le cadre du regroupement familial. Si ses parents sont titulaires de cartes de résident portant la mention " vie privée et familiale ", elle est elle-même célibataire et sans charge de famille. Elle indique avoir quitté la France le 29 septembre 2016 pour se rendre dans son pays d'origine à l'occasion du mariage de son frère et de sa sœur et y être restée jusqu'au mois d'août 2017. Dans ces conditions, et eu égard à la gravité de la menace à l'ordre public que fait peser la présence de l'intéressée en France, son intégration sociale et professionnelle et ses liens en France ne sont pas tels que l'arrêté doit être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Enfin, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. Si un certificat médical établi par un médecin ophtalmologiste le 5 décembre 2017 fait apparaître que Mme C... présente un nystagmus rotatoire congénital avec amblyopie bilatérale sévère, ni cet élément, ni les considérations générales sur la situation du Pakistan, ne permettent d'établir que la santé ou la sécurité de l'intéressée serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine, où elle a d'ailleurs séjourné récemment pendant plusieurs mois.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

4

N° 20VE01902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01902
Date de la décision : 16/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : PERRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-09-16;20ve01902 ?
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