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21/07/2021 | FRANCE | N°20VE01172

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 21 juillet 2021, 20VE01172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1903404 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregi

strée le 15 avril 2020, M. B..., représenté par Me Boulassel, avocat, demande à la cour :

1° d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1903404 du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2020, M. B..., représenté par Me Boulassel, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

- l'arrêté a été pris au regard d'un avis incomplet du collège de médecins de l'OFII ;

- il a été pris irrégulièrement sans saisine préalable de la commission du titre de séjour des étrangers ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- il procède d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation médicale de l'intéressé ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

- il a été pris en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est affectée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

...................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant algérien né le 24 juin 1975 à Ghazaouet (Algérie), et entré en France le 5 janvier 2012, relève appel du jugement n° 1903404 du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er mars 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement du certificat de résidence algérien dont il a bénéficié du 20 juin 2013 au 11 septembre 2017, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord bilatéral franco-algérien du 17 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Pour rejeter, par l'arrêté du 1er mars 2019 en litige, la demande de renouvellement du certificat de résidence algérien présentée par M. B... en qualité d'étranger malade, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis émis le 17 mars 2018 par le collège des médecins de l'OFII, qui, joint à l'arrêté préfectoral et versé au contradictoire des parties devant les premiers juges, précise notamment que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des nombreux certificats médicaux circonstanciés produits, que M. B... présente un carcinome épidermoïde de la fosse nasale qui a justifié la réalisation en février 2013 d'une opération chirurgicale ayant conduit à une exérèse totale du nez, suivie de plusieurs interventions de chirurgie réparatrice et de séances de radiothérapie. L'état de santé de M. B... nécessitait, à la date de l'arrêté en litige, et contrairement au diagnostic prématuré de rémission qui a été posé, la poursuite des soins pluridisciplinaires engagés sauf à exposer le patient au risque d'une sérieuse aggravation de sa pathologie, voire d'une récidive létale. Ainsi, c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis a, au vu de l'avis du 17 mars 2018 que les documents versés à l'instance viennent infirmer, estimé, pour opposer une décision de refus à la demande de renouvellement de titre de séjour de M. B..., que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé. En outre, M. B..., qui justifie détenir la carte mobilité inclusion " invalidité " délivrée par la maison départementale des personnes handicapées de la Seine-Saint-Denis et valable du 1er juillet 2018 au 31 juillet 2022 et percevoir de la caisse d'allocations familiales de ce département l'allocation aux adultes handicapées et la majoration pour la vie autonome, soutient, sans que cela soit contesté en défense, qu'il ne dispose pas de ressources en Algérie et qu'il est dans l'impossibilité de s'en procurer faute d'être en capacité de travailler. Il produit également au soutien de ses dires, et là encore sans être contredit sur ce point, que les soins continus et spécialisés que son état de santé nécessite ne lui sont pas accessibles en Algérie, compte tenu notamment des coûts du traitement et de l'absence de modes de prise en charge adaptés. Pour ces motifs, et alors même qu'il n'a pas fait état auprès des services de la préfecture de circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle empêchant son accès aux soins dans son pays d'origine, M. B... doit être regardé comme établissant qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Par suite, c'est à tort que le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté la demande de renouvellement du certificat de résidence algérien présentée par M. B... et a décidé d'obliger celui-ci à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays d'éloignement.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 mars 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et à solliciter de la cour l'annulation de ce jugement et de l'arrêté du 1er mars 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

8. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des stipulations, mentionnées au point 2 du présent arrêt, de l'article 6 7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à M. B... le certificat de résidence algérien demandé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a également lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1903404 du 12 mars 2020 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté en date du 1er mars 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Passé ce délai, l'injonction prononcée sera assortie d'une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 20VE01172


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. OLSON
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : BOULASSEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 21/07/2021
Date de l'import : 15/09/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20VE01172
Numéro NOR : CETATEXT000043930206 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-21;20ve01172 ?
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