Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I. Par une demande, enregistrée sous le n° 1808996, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 20 juillet 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a prononcé son licenciement à l'issue de sa période d'essai, d'enjoindre à cette autorité de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jours de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Par une demande, enregistrée sous le n° 1811151, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 mai 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a prolongé sa période d'essai jusqu'au 20 juillet 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1808996 et 1811151 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 20 juillet 2018 prononçant le licenciement de Mme B... à l'issue de sa période d'essai, a enjoint au ministre de la justice de procéder à la réintégration juridique de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, a condamné l'Etat à verser à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des deux demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 24 janvier 2020 et le 28 février 2020, le ministre de la justice demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a annulé la décision de licenciement du 20 juillet 2018.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé ;
- le tribunal administratif a commis une erreur d'appréciation en estimant que la matérialité des faits n'était pas établie.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris en qualité de psychologue par un contrat à durée déterminée de trois ans à compter du 1er décembre 2017 et affectée au service pénitentiaire d'insertion et de probation de Seine-Saint-Denis. L'intéressée ayant été placée en congé maladie au cours de la période d'essai prévue par le contrat, l'administration a, par une décision du 3 mai 2018, décidé de prolonger cette période d'une durée équivalente à ce congé, soit jusqu'au 20 juillet 2018. Par une décision du 20 juillet 2018, l'administration a prononcé le licenciement de Mme B.... Le ministre de la justice relève appel du jugement du 22 novembre 2019 en tant que le tribunal administratif de Montreuil, saisi par Mme B..., a annulé cette décision.
2. Il ressort des pièces du dossier que la décision de licenciement du 20 juillet 2018 est fondée sur les difficultés rencontrées par Mme B... quant au travail en équipe pluridisciplinaire et en termes de positionnement, ainsi que sur les difficultés pour l'institution d'exploiter les travaux rendus par l'intéressée. Le tribunal administratif a annulé cette décision au motif qu'en l'absence de tout élément versé au dossier par l'administration, la matérialité des griefs invoqués à l'encontre de Mme B... n'était pas établie. Toutefois, le ministre de la justice produit en appel plusieurs courriers électroniques émanant de Mme B..., notamment celui du 26 mars 2018, qui révèlent les difficultés de l'intéressée à travailler en équipe et les difficultés qu'elle rencontre en terme de positionnement. Dans ces conditions, le ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision de licenciement au motif que la matérialité de ces faits n'était pas établie.
3. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif.
4. Aux termes de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le contrat ou l'engagement peut comporter une période d'essai qui permet à l'administration d'évaluer les compétences de l'agent dans son travail et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. (...). La durée initiale de la période d'essai peut être modulée à raison d'un jour ouvré par semaine de durée de contrat, dans la limite : (...) -de trois mois lorsque la durée initialement prévue au contrat est supérieure ou égale à deux ans (...). La période d'essai peut être renouvelée une fois pour une durée au plus égale à sa durée initiale. La période d'essai et la possibilité de la renouveler sont expressément stipulées dans le contrat ou l'engagement. Le licenciement en cours ou au terme de la période d'essai ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La décision de licenciement est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Aucune durée de préavis n'est requise lorsque la décision de mettre fin au contrat intervient en cours ou à l'expiration d'une période d'essai. Le licenciement au cours d'une période d'essai doit être motivé. Le licenciement au cours ou à l'expiration d'une période d'essai ne donne pas lieu au versement de l'indemnité prévue au titre XII. ".
5. En premier lieu, Mme B... soutient que la décision de licenciement est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la période d'essai prévue par son contrat était expirée à la date du licenciement et que la décision de l'administration, dont elle a été informée par un courriel du 14 mai 2018, de prolonger la période d'essai jusqu'au 20 juillet 2018 était illégale. Toutefois, eu égard à l'objet de la période d'essai, qui, selon les termes mêmes des dispositions précitées de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986, permet à l'administration d'évaluer les compétences de l'agent dans son travail et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent, la circonstance que l'agent a été placé en position de congé maladie permet à l'administration de reporter pour une durée égale à celle de ce congé le terme de la période d'essai, alors même que le contrat ne le prévoit pas expressément. Dans ces conditions, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris a pu légalement, par sa décision du 3 mai 2018, prolonger la période d'essai de Mme B... jusqu'au 20 juillet 2018. Par suite, Mme B... était bien en période d'essai à la date de la décision contestée du 20 juillet 2018 et son licenciement est intervenu au terme de cette période d'essai.
6. En deuxième lieu, Mme B... soutient qu'à supposer que la période d'essai ait été légalement prolongée jusqu'au 20 juillet 2018, cette période était expirée le 24 juillet 2018, date à laquelle la décision de licenciement lui a été notifiée, de sorte qu'elle doit être regardée comme ayant fait l'objet d'un licenciement en cours de contrat. Toutefois, dès lors que Mme B... était bien en période d'essai à la date à laquelle son licenciement a été décidé, la circonstance que cette mesure lui a été notifiée à une date postérieure à la fin de la période d'essai est sans incidence sur la qualification du licenciement et, par suite, sur sa légalité.
7. En troisième lieu, Mme B..., qui ne conteste pas avoir été reçue le 17 juillet 2018 pour un entretien préalable au licenciement, ne peut faire utilement état de ce que la convocation à cet entretien lui aurait été notifiée en méconnaissance des dispositions de l'article 47 du décret du 17 janvier 1986 imposant un délai minimum de cinq jours entre la convocation à l'entretien et la date de celui-ci, dès lors que le licenciement à l'expiration de la période d'essai n'est pas régi par ces dispositions mais par celles de l'article 9 précité du même décret qui ne fixent aucun délai minimum. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B..., qui indique avoir reçu le 11 juillet 2018 la convocation à l'entretien du 17 juillet suivant, n'aurait pas été mise à même de préparer utilement cet entretien.
8. En quatrième lieu, Mme B... soutient que la décision de licenciement est entachée d'un défaut de motivation. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le licenciement de Mme B... est intervenu au terme de la période d'essai de sorte que les dispositions précitées de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 en vertu desquelles le licenciement au cours d'une période d'essai doit être motivé ne sont pas applicables. Par ailleurs, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 45-7 du décret du 17 janvier 1986 qui ne sont pas applicables aux licenciements en cours ou au terme de la période d'essai. Enfin, le licenciement d'un agent public au terme de la période d'essai prévue par le contrat n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision de licenciement doit être écarté. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été informée des motifs de son licenciement par une lettre du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris du 18 juillet 2018.
9. En cinquième lieu, Mme B... soutient qu'elle n'a été informée ni des griefs retenus contre elle, ni de son droit à avoir communication de son dossier. Toutefois, aucun texte ne faisait obligation à l'administration d'informer la requérante des griefs retenus contre elle avant la tenue de l'entretien préalable. Par ailleurs, alors même que cette décision aurait été prise en considération de la personne, Mme B... n'avait pas davantage à être mise en mesure de consulter son dossier s'agissant d'un licenciement en fin de période d'essai.
10. En sixième lieu, Mme B... soutient que la décision est entachée d'une rétroactivité illégale. Toutefois, l'intéressée ne peut utilement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 45-7 du décret du 17 janvier 1986 aux termes desquelles " L'administration notifie à l'agent la décision de licenciement par tout moyen permettant d'en établir la date de réception. Cette notification précise le motif du licenciement, ainsi que la date à laquelle celui-ci doit intervenir. " dès lors qu'elles ne lui sont pas applicables. Par ailleurs, s'agissant d'un licenciement prononcé au terme de la période d'essai, la circonstance que Mme B... a reçu notification le 24 juillet 2018 de la décision de licenciement du 20 juillet 2018 n'a pas pour effet d'entacher la décision de licenciement d'une rétroactivité illégale. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté.
11. Enfin, Mme B... soutient que la décision de licenciement n'est pas justifiée. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le ministre de la justice a mis fin à son contrat de travail en raison des difficultés rencontrées par Mme B... dans le travail en équipe pluridisciplinaire et en termes de positionnement, et des difficultés pour l'institution d'exploiter les travaux rendus par l'intéressée. Si Mme B... produit trois courriels où l'une de ses supérieures évalue positivement son travail, le ministre de la justice produit des courriels qui établissent les difficultés de positionnement de l'intéressée et ses difficultés dans les relations de travail avec d'autres agents. Dans ces conditions, la décision de licenciement au terme de la période d'essai du 20 juillet 2018 n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de licenciement du 20 juillet 2018. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme B... aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1808996 et 1811151 du tribunal administratif de Montreuil du 22 novembre 2019 est annulé en tant qu'il annule la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris du 20 juillet 2018 prononçant le licenciement de Mme B....
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montreuil tendant à l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Paris du 20 juillet 2018 prononçant son licenciement ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 20VE00265