Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 avril 2017 du maire de Fourqueux le révoquant à compter du 22 mai 2017 et d'enjoindre à la commune de le réintégrer dans ses fonctions, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, de condamner la commune de Fourqueux à lui verser la somme de 50 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et d'enjoindre à la commune de lui régler les sommes dues à compter du 22 mai 2017, enfin, de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1705172 du 15 avril 2019 le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté attaqué, en enjoignant à la commune de Fourqueux de le réintégrer juridiquement dans ses fonctions d'adjoint technique à compter du 22 mai 2017 et de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux à compter de cette même date, dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de cette commune le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en rejetant le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces enregistrés les 14 et 17 juin 2019 et le 19 novembre 2020, la commune de Saint-Germain-en-Laye, venant aux droits de la commune de Fourqueux, représentée par Me Blard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1 à 4 du dispositif du jugement du tribunal administratif de Versailles ;
2°) de rejeter intégralement le recours de première instance présenté par M. E... ;
3°) de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ne pouvaient entendre à l'audience les parents de M. E... ;
- ils ont commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation des faits de l'espèce ;
- la sanction de révocation n'est pas disproportionnée eu égard à la gravité de la faute et à son caractère répété et aussi compte tenu de l'assistance apportée par la commune à son agent.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,
- et les observations de Me A... pour la commune de Saint-Germain-en Laye et de Me D... pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E... a été reconnu travailleur handicapé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées depuis le 30 avril 2007, à un taux compris entre 50 et 79 %, à raison de son handicap mental. Après avoir occupé un emploi en espaces verts par le biais de l'établissement et service d'aide par le travail (ESAT) de Buc entre 2002 et 2011, il a été recruté par la commune de Fourqueux, au bénéficie d'un contrat d'accompagnement à l'emploi du 30 janvier 2012 d'une durée d'un an, au grade d'adjoint technique, sur un emploi à temps complet de chargé d'entretien des espaces verts, dans le cadre duquel la médecine du travail a rendu un avis du 14 février 2012 concluant à son aptitude à exercer ses fonctions à temps plein en milieu ordinaire. Son contrat a été renouvelé pour un an, par un contrat à durée déterminée du 31 janvier 2013, qui prévoyait, notamment, un suivi personnalisé médical et professionnel, puis l'intéressé a été titularisé au sein de la commune. Durant les années qui ont suivi, M. E... a d'abord fait l'objet d'un avertissement du maire, le 12 septembre 2014, puis d'un blâme, par arrêté du 28 mai 2015, en raison de faits de désobéissance et d'attitudes agressives à l'égard de son chef de service. Suite à un nouvel incident, M. E... a été suspendu de ses fonctions le 7 avril 2016, puis par arrêté du 28 mai 2016, le maire a suspendu l'intéressé sans limitation de durée. Dans le cadre de la procédure disciplinaire, le conseil de discipline a rendu un avis le 20 avril 2016 proposant qu'une exclusion temporaire des fonctions pendant un an, dont neuf mois avec sursis lui soit infligée. Par arrêté du 26 avril 2017, le maire de Fourqueux a décidé de le révoquer à compter du 22 mai 2017. M. E... a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2017 du maire de Fourqueux, lui infligeant la sanction de la révocation à compter du 22 mai 2017 et à enjoindre à la commune de le réintégrer dans ses fonctions, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, à la condamnation de la commune de Fourqueux à lui verser la somme de 50 000 euros en indemnisation de son préjudice moral et de lui enjoindre de lui régler les sommes dues à compter du 22 mai 2017. Par un jugement n° 1705172 du 15 avril 2019, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté attaqué, en enjoignant à la commune de Fourqueux de le réintégrer juridiquement dans ses fonctions d'adjoint technique à compter du 22 mai 2017 et de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux à compter de cette même date, dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de cette commune le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. La commune de Saint-Germain-en-Laye, venant aux droits de la commune de Fourqueux à la suite d'un arrêté préfectoral de fusion du 19 décembre 2018, relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'annulation, d'injonction et au titre des frais irrépétibles présentées par M. E....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 731-2 du code de justice administrative : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. Lorsque le rapporteur public ne prononce pas de conclusions, notamment en application de l'article R. 732-1-1, le président donne la parole aux parties après le rapport. La formation de jugement peut également entendre les agents de l'administration compétente ou les appeler devant elle pour fournir des explications. Au tribunal administratif, le président de la formation de jugement peut, au cours de l'audience et à titre exceptionnel, demander des éclaircissements à toute personne présente dont l'une des parties souhaiterait l'audition ". Si ces dispositions confèrent aux parties au litige le droit de présenter des observations orales, elles ne font pas obstacle à ce que le président de la formation de jugement autorise une autre personne intéressée au litige à prendre la parole au cours de l'audience.
3. La commune de Saint-Germain-en-Laye fait grief aux premiers juges d'avoir permis aux parents de M. E... de présenter leurs observations à l'occasion de l'audience du 1er avril 2019. Toutefois, il est constant que M. E... a fait l'objet d'une sanction de révocation, alors qu'il est atteint d'un handicap mental affectant tant sa compréhension que son expression et qu'il réside au domicile de ses parents. Par suite, le président de la formation de jugement pouvait, sans méconnaître les dispositions susmentionnées de l'article R. 731-2 du code de justice administrative, permettre aux parents de l'intéressé de présenter des observations.
4. En second lieu, la commune de Saint-Germain-en-Laye soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation des faits de l'espèce. Toutefois, ces moyens relèvent d'une contestation du bien-fondé de la décision juridictionnelle et non de sa régularité. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. D'une part, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Et aux termes de l'article 30 de cette même loi : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale modifiée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ".
7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
8. Il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de Fourqueux a décidé de révoquer M. E... en raison d'une agression commise le 7 avril 2016, pendant laquelle l'intéressé a arraché une feuille des mains de sa supérieure hiérarchique, en lui saisissant violement le bras, tout en la secouant. Cette agression n'a cessé qu'à la suite de l'intervention d'autres agents et a causé des hématomes à sa supérieure hiérarchique, ainsi qu'un climat de crainte au sein du service. En outre, M. E... a été sanctionné auparavant à deux reprises de deux sanctions du premier groupe, à savoir un avertissement du maire, par arrêté du 12 septembre 2014, puis un blâme, infligé par arrêté du 28 mai 2015, en raison de faits de désobéissances et d'attitudes agressives, se traduisant par des grossièretés, à l'égard de son chef de service. Il ressort au demeurant des différents rapports d'entretien d'évaluation que des difficultés de sociabilité et de communication avec l'ensemble de ses collègues ont été relevées, ainsi que des manquements récurrents aux devoirs de réserve et de discrétion, qui ont amené l'autorité hiérarchique à lui demander à plusieurs reprises un changement radical de comportement. Ainsi, le comportement de M. E... s'est aggravé ou cours de ces années et a eu un impact sur le fonctionnement du service. Enfin, il ressort du bilan psycho-professionnel établi par le service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés des Yvelines, le 17 septembre 2013, que l'intéressé a conscience du caractère fautif de son comportement et qu'au demeurant, il a aussi été reconnu apte à exercer ses fonctions en milieu ordinaire par la maison départementale des personnes handicapées. Par suite, M. E... a commis des fautes graves et répétées qui ont eu un impact sur le fonctionnement du service, de nature à justifier une sanction.
9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si la commune de Fourqueux a pris certaines mesures d'accompagnement individualisées, notamment en sollicitant l'appui de la société Arhim Conseil ou encore du service d'appui au maintien dans l'emploi des Yvelines, qui a, notamment, établi le seul rapport susmentionné, en lui permettant de s'entretenir avec un psychologue ou un médecin entre novembre 2013 et février 2014 ou en l'assistant à l'occasion du dépôt de ses demandes de renouvellement de la reconnaissance de travailleur handicapé auprès de la maison départementale des personnes handicapées, ces mesures ont présenté un caractère insuffisant au regard de la nature et de l'importance du handicap dont souffre M. E... qui se caractérise par de graves problèmes de sociabilité, de repli sur soi, de mémoire, de compréhension des consignes, de difficultés de gestion des émotions et d'une très faible opinion de lui-même, qui l'amène à ne pas pouvoir comprendre, ni maîtriser ses attitudes à l'égard de sa supérieure hiérarchique et de ses collègues. Au demeurant, si la commune de Saint-Germain-en-Laye fait valoir que des tuteurs ont été nommés et que tant ses collègues de travail, que les agents d'encadrement auraient été formés à l'accompagnement de M. E..., elle ne le démontre pas. Ainsi, l'insuffisance des mesures d'assistance quotidienne prises par la commune de Fourqueux sur une période comprise entre 2012 et 2017, a constitué un facteur de dégradation des relations de travail entretenues par M. E... avec sa hiérarchie, qui a participé à la faute commise par cet agent. En outre, il ressort tant de l'avis du conseil de discipline du 20 avril 2016 que des différentes évaluations établies par l'autorité hiérarchique que les compétences professionnelles et la qualité du travail de l'intéressé sont reconnues. Dans ces conditions, compte tenu de l'état de santé du requérant et de ce contexte professionnel, l'autorité disciplinaire, qui disposait d'un éventail de sanctions de nature et de portée différentes, a, en faisant le choix de la sanction de la révocation qui met définitivement fin à la qualité de fonctionnaire, prononcé à l'encontre de M. E... une sanction hors de proportion avec les fautes commises. En outre, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Germain-en-Laye, pour annuler l'arrêté en litige du 26 avril 2017, les premiers juges ne se sont pas uniquement fondés sur sa manière de servir, mais ont également pris en compte, la gravité de la sanction de la révocation parmi celles citées par l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 et la gravité des précédentes sanctions, qui relèvent du premier groupe. Par suite, la commune de Saint-Germain-en-Laye n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté litigieux, en enjoignant à la commune de Fourqueux de le réintégrer juridiquement dans ses fonctions d'adjoint technique à compter du 22 mai 2017 et de procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux à compter de cette même date, dans le délai de trois mois à compter de la notification de leur jugement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la commune de Saint-Germain-en-Laye tendant à l'annulation des articles 1 à 4 du dispositif du jugement attaqué du tribunal administratif de Versailles, doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. M. E... n'étant pas la partie perdante, les conclusions de la commune de Saint-Germain-en-Laye tendant à mettre à sa charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Germain-en-Laye le versement à M. E... d'une somme de 1 000 euros en application de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Saint-Germain-en-Laye est rejetée.
Article 2 : La commune de Saint-Germain-en-Laye versera à M. E... une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 19VE02177 2