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08/07/2021 | FRANCE | N°18VE00058

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 08 juillet 2021, 18VE00058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... F... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 24 juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Gennevilliers a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de Gennevilliers de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de condamner la commune de Gennevilliers

à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi, a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... F... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 24 juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Gennevilliers a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à la commune de Gennevilliers de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation ou, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme totale de 15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de plusieurs fautes commises par son employeur et enfin, de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508171 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande et l'a condamné à verser à la commune de Gennevilliers une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 janvier 2018 et des mémoires en production de pièces enregistrés les 22 juin et 2 août 2018, M. A... F..., représenté par Me Guillon, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice subi, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation ou, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme totale de 15 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de fautes commises par son employeur, augmentée des intérêts légaux et de leur capitalisation ;

4°) d'enjoindre à la commune de Gennevilliers de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges n'ont pas suffisamment accordé de valeur à la note du 18 septembre 2017 réorganisant la surveillance de nuit et la confiant à un prestataire extérieur, à l'attestation fournie par Mme H..., au fait que les surveillants de nuit disposaient d'une bannette à l'extérieur de leur logement de fonction, à l'incidence de l'apposition du logo de la ville sur le véhicule de service des surveillants de nuit, au contenu des tracts syndicaux de septembre et novembre 2015 ainsi qu'à celui de la note de service du 6 avril 2016 relative au dépôt des demandes de congés ;

- les premiers juges ne se sont pas émus, à tort, qu'il ait été maintenu dans le statut de vacataire pendant 13 ans, ni de la différence de traitement entre les demandes de protection fonctionnelle des surveillants de nuit, et celles formulées par la hiérarchie des surveillants de nuit ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait et d'une " dénaturation des pièces du dossier " en tant que les premiers juges ont estimé à tort que les faits qui lui étaient reprochés à l'occasion de la procédure disciplinaire, avaient été tous reconnus comme établis par le conseil de discipline du 23 septembre 2016 et qu'ils ont estimé que les faits exposés dans le dossier ne permettaient pas de présumer qu'il avait été l'objet d'un harcèlement moral ;

S'agissant des conclusions indemnitaires :

- il a subi, dans l'exercice de ses fonctions, des agissements répétés de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, premièrement en tant qu'il a été maintenu, à tort et pendant 13 ans, dans un statut de vacataire à temps plein, ce qui a d'ailleurs été sanctionné et indemnisé par le jugement n° 1310194-1407873 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 19 mai 2016, deuxièmement en tant que sa fiche de poste a été modifiée unilatéralement en septembre 2013 puis en juillet 2015 ce qui a alourdi ses tâches, troisièmement en tant que son supérieur M. I... avait à son égard un comportement " inapproprié et harcelant " et effectuait une surveillance constante et tatillonne en service et en-dehors du service, quatrièmement en tant que son logement de fonction a été visité à plusieurs reprises en violation du " principe général d'inviolabilité du domicile ", cinquièmement en tant que son employeur l'a " mis en danger par l'apposition injustifiée du logo de la ville sur le véhicule de service destiné aux rondes de nuit " en zones urbaines sensibles, sixièmement en tant que la directrice de l'enseignement et des services scolaires lui a fait des reproches injustifiés, septièmement en tant qu'il a fait l'objet d'une discrimination syndicale, huitièmement en tant qu'il a fait l'objet d'une procédure disciplinaire au regard de divers faits et manquements non établis, relatifs à un congé maladie du 22 avril 2015, à un retard et à un non-respect de consignes de sécurité le 15 juillet 2015, à l'utilisation indue de son véhicule de service le 26 juillet 2015 à 20h45, au fait qu'il n'aurait pas rendu compte de son intervention pendant la nuit du 15 au 16 juillet 2015, à l'exécution de la ronde de surveillance dans la nuit du 30 au 31 octobre 2015, au non-respect de la consigne de dépôt d'un double de clés en date du 29 août 2016, neuvièmement en tant qu'il a subi un refus injustifié de congés payés, dixièmement en tant que la commune a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et onzièmement en tant qu'il fait l'objet d'une absence d'évaluation et d'avancement depuis sa titularisation il y a deux ans ;

- il a fait l'objet d'une accusation injustifiée de manquement au devoir de réserve en tant que le 28 mai 2015 il a signalé au maire des vols de carburant, très exactement 86 litres pendant l'été 2014 et la disparition de produits d'entretien en 2014, en tant qu'il a dénoncé une situation de harcèlement moral et un dysfonctionnement du service par courrier du 21 juillet 2015, en tant que par courrier du 20 juillet 2015, il a dénoncé le stationnement du véhicule personnel de son supérieur M. I... sur le parking de l'école maternelle Louise Michel, en tant que le 29 septembre 2015, il a dénoncé au directeur général, par l'intermédiaire de la section syndicale, l'attribution préférentielle de services de nuit à M. I... ainsi que l'utilisation de véhicules de service à des fins personnelles, en tant qu'il a dénoncé, les 10 et 16 novembre 2015, avoir été victime d'une agression de M. G..., adjoint à la responsable du service du personnel des écoles ;

- il a fait l'objet d'une accusation injustifiée de manquement au devoir de probité en tant qu'il lui a été reproché le cumul de son activité de gérant d'une société de transports avec une activité de fonctionnaire ;

- il a fait l'objet d'une discrimination injustifiée menant au rejet de sa demande de protection fonctionnelle qui n'a pas été soumise à l'approbation du conseil municipal alors que celle de ses supérieurs hiérarchiques l'a été ;

- l'altération de sa santé physique et mentale est avérée en tant qu'il a consulté le psychologue de la ville et que plusieurs arrêts de travail lui ont été prescrits au titre d'un syndrome dépressif lié à un conflit professionnel, que sa dépression devient chronique, ainsi que le constate le certificat médical du 19 mai 2017 et que son état de santé a entraîné son placement en congé de longue maladie depuis le 4 mai 2017 ;

- l'indemnisation du préjudice moral subi à raison du harcèlement moral s'élève à 15 000 euros ;

- à titre subsidiaire, l'indemnisation du préjudice moral subi à raison de la modification sans concertation de sa fiche de poste en septembre 2013 et juillet 2015 s'élève à 3 000 euros, l'indemnisation du préjudice moral subi à raison de la violation du logement de fonction s'élève à 6 000 euros, et enfin l'indemnisation du préjudice moral subi à raison de l'apposition du logo de la ville sur le véhicule de service des surveillants de nuit s'élève à 6 000 euros.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,

- et les observations de Me D..., substituant Me B..., pour la commune de Gennevilliers.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... F... a été recruté par la commune de Gennevilliers en qualité de vacataire pour assurer la surveillance des équipements municipaux en mai 2000, puis nommé adjoint technique territorial de 2ème classe à compter du 1er novembre 2014. Il travaille de 19 h à 7 h du matin et bénéficie à cet effet d'équipements partagés avec ses collègues, en particulier une loge de nuit et un véhicule de service, afin d'intervenir dans l'une des 23 écoles de la ville en cas de déclenchement d'une alarme ou sur appel téléphonique, sa mission étant d'assurer la sécurité des équipements municipaux. Il a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, l'annulation de la décision du 24 juillet 2015 par laquelle le maire de la commune de Gennevilliers a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et, d'autre part, une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont il affirme avoir été victime de la part de son administration ou, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Gennevilliers à lui verser la somme totale de 15 000 euros en réparation de préjudices résultants de plusieurs fautes commises par son employeur. Toutefois, par un jugement n° 1508171 du 22 novembre 2017, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il en relève appel.

Sur la régularité du jugement :

2. M. A... F... soutient que les premiers juges n'auraient pas suffisamment accordé de valeur à la note du 18 septembre 2017 réorganisant la surveillance de nuit et la confiant à un prestataire extérieur, à l'attestation fournie par Mme H..., au fait que les surveillants de nuit disposaient d'une bannette à l'extérieur de leur logement de fonction, à l'incidence de l'apposition du logo de la ville sur le véhicule de service des surveillants de nuit, au contenu des tracts syndicaux de septembre et novembre 2015 ainsi qu'à celui de la note de service du 6 avril 2016 relative au dépôt des demandes de congés, également que les premiers juges ne se seraient pas émus, à tort, qu'il ait été maintenu dans le statut de vacataire pendant 13 ans, ni de la différence de traitement entre les demandes de protection fonctionnelle des surveillants de nuit, et celles formulées par la hiérarchie des surveillants de nuit et, enfin, que le jugement serait entaché d'une erreur de fait et d'une " dénaturation des pièces du dossier " en tant uniquement que les premiers juges auraient estimé à tort que les faits qui lui étaient reprochés à l'occasion de la procédure disciplinaire, avaient été tous reconnus comme établis par le conseil de discipline du 23 septembre 2016 et qu'ils auraient estimé également à tort, que les faits exposés dans le dossier ne permettaient pas de présumer qu'il avait été l'objet d'un harcèlement moral. Tous ces moyens relèvent toutefois du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Ils doivent dès lors être écartés dans leur intégralité, pour ce motif.

Sur les conclusions de plein contentieux :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / (...). ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Le juge du fond porte une appréciation souveraine sur le point de savoir si l'agent public qui soutient avoir été victime de harcèlement moral, soumet des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

5. D'une part, M. A... F... reprend en appel, à l'identique, le moyen déjà soulevé en première instance et tiré de ce qu'il a été victime de faits de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie en tant que sa fiche de poste a été modifiée unilatéralement en septembre 2013 puis en juillet 2015, en tant qu'il a fait l'objet de la part de son supérieur hiérarchique direct d'une surveillance tatillonne, de propos agressifs et de menaces, en tant son logement de fonction a été visité à plusieurs reprises en violation du " principe général d'inviolabilité du domicile ", en tant qu'en apposant le logo de la ville sur son véhicule de service, la commune l'a gravement mis en danger, en tant qu'il a été victime de discrimination syndicale, en tant que les divers faits et manquements reprochés à l'occasion de la procédure disciplinaire engagée à son encontre ne sont pas établis, notamment le fait qu'il n'aurait pas rendu compte de son intervention pendant la nuit du 15 au 16 juillet 2015, en tant que certaines de ses demandes de congés ont été refusées, en tant qu'il a été abusivement maintenu pendant treize ans dans le statut de vacataire, en tant que la commune a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, faisant également de nouveau valoir une accusation injustifiée de manquement au devoir de réserve en tant que le 28 mai 2015 il a dénoncé au maire des vols de carburant, très exactement 86 litres pendant l'été 2014 et la disparition de nombreux produits d'entretien en 2014, en tant qu'il a signalé une situation de harcèlement moral et un dysfonctionnement du service par courrier du 21 juillet 2015, en tant que par courrier du 20 juillet 2015, il a dénoncé le stationnement du véhicule personnel de son supérieur M. I... sur le parking de l'école maternelle Louise Michel, en tant que le 29 septembre 2015, il a dénoncé au directeur général, par l'intermédiaire de la section syndicale, l'attribution préférentielle de services de nuit à M. I... et l'utilisation de véhicules de service à des fins personnelles, et enfin, en tant qu'il a dénoncé, les 10 et 16 novembre 2015, avoir été victime d'une agression de M. G..., adjoint à la responsable du service du personnel des écoles. M. A... F... produit en appel une pièce 113 qui est semblable à la pièce 105 déjà produite en première instance, et deux pièces nouvelles, numérotées 114 et 115, à savoir un document daté du 11 septembre 2017 lui attribuant un congé de longue maladie entre le 4 mai 2017 et le 3 février 2018 et, deux pages d'un rapport d'expertise concluant à l'imputabilité au service de son état de santé, de son état dépressif, des soins et de ses arrêts de travail, daté du 16 avril 2018 et dressé par le docteur Delale, psychiatre à l'attention du comité de réforme du CIG. Toutefois ces pièces et ces éléments, y compris l'attestation datée de février 2017 émanant de Mme H..., agent alors retraité de la collectivité, dont les éléments ne sont corroborés par aucune des autres pièces produites, ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation motivée des premiers juges, qui ont notamment retenu que si les éléments dont l'exactitude et la force probante sont avérées, attestent d'un climat conflictuel entre les surveillants de nuit et leur hiérarchie directe, ils ne suffisent pas, toutefois, à faire présumer de l'existence d'une situation de harcèlement moral, mais uniquement de l'exercice, dans des conditions normales, du pouvoir d'organisation du service, ainsi qu'en avait d'ailleurs conclu en 2015 le directeur général adjoint des ressources humaines, au terme d'une enquête qui s'est déroulée de mars à avril 2015.

6. D'autre part, M. A... F... ajoute en appel deux arguments au soutien du moyen tiré du harcèlement moral, à savoir que la directrice de l'enseignement et des services scolaires lui a fait des reproches injustifiés et, qu'il fait l'objet d'une absence d'évaluation et d'avancement depuis sa titularisation il y a deux ans. La commune conteste le caractère injustifié des reproches de sa hiérarchie et produit plusieurs pièces établissant la réalité et l'intensité du climat d'opposition systématique qui régnait entre le requérant et ses deux collègues surveillants de nuit, et leur hiérarchie, la constatation de plusieurs manquements aux obligations de service en date des 15 juillet 2015, 30 octobre 2015, 27 août 2016, ainsi que la violation caractérisée, par M. A... F..., de la règle du non cumul d'emploi, constatée le 31 août 2015, l'intéressé ayant cumulé son emploi public et son activité de gérant d'une société de transports pendant une année complète, de novembre 2013 à novembre 2014. Il résulte également de l'instruction, qu'en 2015, à la suite d'une réunion tenue le 5 mars, M. A... F... et ses deux collègues ont pris à partie leurs supérieurs hiérarchiques, notamment M. I... nouvellement nommé agent de maîtrise, par des propos blessants et virulents et ce, devant les représentants de la direction générale. De plus, M. A... F... a adressé en son nom propre de nombreux mails et courriers à sa hiérarchie, aux élus et au maire de Gennevilliers, notamment les 28 mai 2015, 20 et 21 juillet 2015, 17 août 2015, 10 et 16 novembre 2015, ainsi que plusieurs écrits par l'intermédiaire de l'organisation syndicale qu'il a créée en septembre 2015, dans lesquels il met en cause nommément et avec virulence la probité de son encadrement direct, en particulier M. I..., et ses supérieurs hiérarchiques, se livrant à des attaques personnelles et à des dénonciations qui ne sont pas étayées de preuves et doivent donc être regardées comme étant revêtues d'un caractère malveillant voire diffamatoire, et affectant gravement la bonne marche du service. Enfin, si l'intéressé fait valoir qu'il n'a pas été évalué pendant deux ans, la commune explique que compte tenu du climat délétère dans le service des surveillants de nuit et surtout des accusations sans preuve, virulentes et calomnieuses, à l'encontre de l'ensemble de leur hiérarchie, il lui était devenu impossible de tenir sereinement un entretien d'évaluation dans l'optique d'un avancement, dans une ambiance constructive et ce, du fait même de son propre comportement. Il résulte de tout ce qui précède, que les deux éléments ci-dessus ne sauraient suffire à faire présumer de l'existence d'une situation de harcèlement moral à l'encontre de M. A... F....

7. En deuxième lieu, M. A... F... reprend en appel, à l'identique, le moyen déjà soulevé en première instance, tiré de ce qu'il a fait l'objet d'une discrimination injustifiée menant au rejet de sa demande de protection fonctionnelle qui d'ailleurs n'a pas été soumise à l'approbation du conseil municipal contrairement à celles de ses supérieurs hiérarchiques. Après prise en compte des pièces nouvelles produites en appel, détaillées et analysées ci-dessus, le requérant n'apporte pas d'élément permettant de remettre en cause l'appréciation motivée des premiers juges. Le moyen susanalysé doit ainsi être écarté par adoption des motifs retenus au point 13. du jugement attaqué.

8. En troisième lieu, M. A... F... fait valoir que l'altération de sa santé physique et mentale est avérée et que son état de santé, causé par le harcèlement moral dont il se prévaut, est imputable au service. Il résulte de l'instruction, notamment des pièces déjà produites en première instance, que M. E..., psychologue interne de la mairie de Gennevilliers a attesté les 2 juin 2015, 14 avril 2016 et 2 mars 2017, avoir reçu M. A... F... de façon régulière depuis le mois de mars 2015 et qu'il cite ses dires, relatifs à un conflit avec sa hiérarchie, et fait référence de façon non circonstanciée à un suivi pour dépression à compter de mars 2017, qu'un médecin généraliste fait également état, le 19 mai 2017 de façon non circonstanciée, d'un tel suivi, et que plusieurs arrêts de travail d'une durée de quelques jours ont été prescrits à l'intéressé en juin, aout, septembre et novembre 2015 ainsi qu'en mars, avril et mai 2016, en avril 2018 puis en mai 2019. M. A... F... produit en appel d'une part, un document daté du 11 septembre 2017 lui attribuant, sans imputabilité au service, le bénéfice d'un congé de longue maladie du 4 mai 2017 au 3 février 2018 et d'autre part deux pages d'un rapport d'expertise dressé le 16 avril 2018 par le docteur Delale, psychiatre concluant à l'imputabilité au service de l'état dépressif, des soins et des arrêts de travail de M. A... F... et adressé à la commission de réforme mais, toutefois, celle-ci, réunie le 18 mars 2019 s'est prononcée à l'unanimité contre l'imputabilité au service. Dans ces conditions, ces éléments, dont plusieurs sont d'ailleurs postérieurs aux faits en litige, ne sont pas revêtus d'une force probante suffisante pour faire présumer de l'existence d'une situation de harcèlement moral qui aurait pu entraîner les arrêts de travail et la dégradation de l'état de santé du requérant. Le moyen susanalysé doit ainsi être écarté.

9. Il suit de tout ce qui précède, que les faits décrits par M. A... F..., pris isolément ou dans leur ensemble, ne peuvent pas être regardés comme constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Ainsi, le moyen tiré de ce que M. A... F... aurait été victime d'une situation de harcèlement moral, doit être écarté dans toutes ses branches, pour les motifs exposés ci-dessus ainsi que par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 6. à 13. du jugement attaqué. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de ce que le requérant aurait fait l'objet d'une accusation injustifiée de manquement au devoir de probité en tant qu'il lui aurait été reproché à tort le cumul de son activité de gérant d'une société de transports avec son activité de fonctionnaire.

10. M. A... F... n'établit pas dans ces conditions que la responsabilité pour faute de la commune serait engagée à raison d'un prétendu harcèlement moral. Par suite, les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation des préjudices résultant d'un prétendu harcèlement moral, ne peuvent qu'être rejetées.

11. A titre subsidiaire, M. A... F... fait valoir que la commune de Gennevilliers a fait preuve à son égard d'une gestion fautive de sa situation de nature à engager sa responsabilité en invoquant les faits fautifs précédemment allégués mais non avérés, à savoir premièrement la modification unilatérale de sa fiche de poste en septembre 2013 et juillet 2015, deuxièmement la violation de son logement de fonction et enfin l'apposition du logo de la ville sur le véhicule de service des surveillants de nuit. Il suit de tout ce qui précède, que M. A... F... n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune à lui verser une indemnité pour ces motifs.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions à fin d'annulation et ses conclusions indemnitaires et à fin d'injonction doivent être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... F... une somme de 500 euros à verser à la commune de Gennevilliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... F... est rejetée.

Article 2 : M. A... F... versera une somme de 500 euros à la commune de Gennevilliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 18VE00058 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00058
Date de la décision : 08/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SELURL GUILLON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-07-08;18ve00058 ?
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