Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Pimalo Sperone a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer le remboursement, assorti des intérêts moratoires, d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 259 038 euros au titre du quatrième trimestre 2014, et d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 29 354 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014.
Par un jugement n°s 1704893, 1704895, 1800318, 1800320 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2019 et le 5 août 2020, la SARL Pimalo Sperone, représentée par Me Lagneaux, avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° de prononcer le remboursement de ces crédits de taxe sur la valeur ajoutée ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Pimalo Sperone soutient que :
Sur le rejet de sa demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre du quatrième trimestre 2014 :
- sa comptabilité a été rejetée à tort à l'issue d'opérations de contrôle menées de façon déloyale par l'administration, en méconnaissance de sa propre doctrine référencée BOI-CF-IOR-60-40-20-20131213 ;
- son activité au cours de la période litigieuse était bien celle de loueur en meublé avec fourniture de services para-hôteliers ; cette activité n'étant pas exonérée, elle devait pouvoir bénéficier du remboursement du crédit d'impôt litigieux ;
- la SARL FNPI, qui se trouve dans une situation identique à la sienne, a obtenu le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée équivalent ;
Sur la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont elle bénéficiait au titre du 1er janvier au 31 décembre 2014 :
- dès la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2012, au cours de laquelle le crédit litigieux trouve son origine, son activité avait pour finalité la location en meublé avec fourniture de services para-hôteliers ;
- la SARL FNPI, qui se trouve dans une situation identique à la sienne, a obtenu le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée équivalent ;
- la décision de rejet que lui a opposée l'administration est contraire à sa doctrine référencée BOI-TVA -DED-50-20-10 n°90.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Pimalo Sperone, créée en 2010, détenait 48 % des parts de la société civile immobilière de construction attribution (SCA) Les trois coeurs Sperone, dont l'objet social consistait en l'acquisition de terrains à bâtir situés en Corse, à Bonifacio, Falatte et Piantarella et en la construction sur ces terrains de trois maisons individuelles à usage d'habitation. Dans le cadre de la dissolution partage de cette SCA, intervenue le 16 septembre 2014, la SARL Pimalo Sperone, par ailleurs détenue à 100 % par la société luxembourgeoise Pimalo Invest, s'est vu attribuer le lot n° 1, constitué d'une villa avec piscine édifiée sur une parcelle de 5 090 m² à Bonifacio. Les deux autres lots ont été attribués à deux autres associés. Par ailleurs, la SCA Les trois coeurs Sperone a déposé le 21 octobre 2014 une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée faisant apparaître une taxe sur la valeur ajoutée collectée de 539 662 euros et une taxe sur la valeur ajoutée nette due d'un montant de 168 567 euros, correspondant à la livraison à soi-même réalisée dans le cadre de la construction des trois maisons mentionnées précédemment. La SARL Pimalo Sperone a sollicité, le 22 décembre 2014, le remboursement, au titre du 4ème trimestre 2014, d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 259 038 euros, correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée collectée lors de cette livraison à soi-même, rapportée à sa participation (48% comme précédemment dit) dans le capital de la SCA Les trois coeurs Sperone. Elle a également sollicité, le 30 avril 2015, le remboursement, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014, d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 29 354 euros. L'administration a rejeté ces demandes par deux propositions de rectification datées des 27 juillet 2015, après avoir procédé à la vérification des éléments comptables qui y étaient relatifs. Elle a en effet considéré que l'activité exercée par la société, au cours de la période sur laquelle portaient les demandes, consistait en la location meublée d'une villa destinée à l'habitation, était ainsi exonérée de taxe sur la valeur ajoutée et ne pouvait, dès lors, faire l'objet d'aucune déduction de cette taxe. La requérante fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions à fin de remboursement des crédits litigieux.
Sur le bien-fondé de la demande de remboursement :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
S'agissant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée 259 038 euros :
2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures (...) / IV. La taxe déductible dont l'imputation n'a pu être opérée peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions, selon les modalités et dans les limites fixées par décret en Conseil d'Etat. ".
3. Aux termes de l'article 261 D du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4° Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation. Toutefois, l'exonération ne s'applique pas : a. Aux prestations d'hébergement fournies dans les hôtels de tourisme classés, les villages de vacances classés ou agréés et les résidences de tourisme classées lorsque ces dernières sont destinées à l'hébergement des touristes et qu'elles sont louées par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans à un ou plusieurs exploitants qui ont souscrit un engagement de promotion touristique à l'étranger dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'État ; b. Aux prestations de mise à disposition d'un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle, comportant en sus de l'hébergement au moins trois des prestations suivantes, rendues dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements d'hébergement à caractère hôtelier exploités de manière professionnelle : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle. c. Aux locations de locaux nus, meublés ou garnis consenties à l'exploitant d'un établissement d'hébergement qui remplit les conditions fixées aux a ou b, à l'exclusion de celles consenties à l'exploitant d'un établissement mentionné à l'article L. 633-1 du code de la construction et de l'habitation dont l'activité n'ouvre pas droit à déduction. ".
4. Il résulte de ces dispositions que les locations d'appartements meublés ou garnis à usage d'habitation sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée lorsque le loueur en meublé soit offre au moins trois des quatre prestations à caractère hôtelier suivantes, " le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle ", soit dispose des moyens nécessaires pour répondre aux éventuelles demandes. Pour apprécier si des prestations para-hôtelières sont proposées dans des conditions plaçant le loueur en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières, les conditions de qualité et de prix caractérisant ces prestations peuvent être prises en compte.
5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
6. En premier lieu, le rejet d'une demande de remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée n'a pas le caractère d'une procédure de reprise ou de rectification, permettant au redevable de se prévaloir des garanties inhérentes à la procédure de rectification contradictoire. Il s'ensuit que les irrégularités qui auraient éventuellement entaché la procédure de vérification qui a précédé le refus, opposé par l'administration, de rembourser à la requérante les crédits de taxe sur la valeur ajoutée mentionnés au point 1 sont sans incidence sur le bien-fondé de ce refus. La requérante ne s'en prévaut pas utilement.
7. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait fourni des prestations de loueur en meublé avec fourniture de services parahôteliers au cours du quatrième trimestre de l'année 2014, même étendu au 16 septembre 2014, en l'absence de tout contrat de location afférent à cette période. La circonstance que le contrat conclu entre la requérante et son mandataire SO.GE. Immobilière Sperone, qui stipule que la requérante entend donner sa villa en location " avec prestations parahôtelières " n'est pas de nature à combler cette lacune, dès lors que la requérante indique, dans sa requête, que de telles prestations ne sont fournies que si tel est le choix du locataire. Les pièces produites par la requérante à l'appui de ses prétentions sont en grande partie postérieures à la période litigieuse, notamment le contrat d'embauche d'une employée polyvalente, datant de l'année 2015. La facture de prestation de gardiennage, conciergerie et petit-déjeuner, pour les mois de juillet et août 2014 émane d'une entreprise qui a cessé son activité en 2010. Enfin, le mandat donné à la société SO.GE Immobilière Sperone, en vue de la location meublée saisonnière de sa villa de Bonifacio présente des discordances avec celui présenté au cours de l'instruction de la réclamation. Dans ces conditions, faute pour la requérante d'avoir exercé une activité de location immobilière avec fourniture de prestations parahôtelières lors de la livraison à soi-même à l'origine du crédit de 259 038 litigieux, elle n'est pas fondée à demander le remboursement de celui-ci.
S'agissant du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 29 354 euros :
8. Il est constant que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont se prévaut la requérante au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 trouve son origine dans des charges engagées entre 2010 et 2012, dont la requérante soutient qu'elles l'ont été en vue de la location, avec fourniture de prestations parahôtelières, de la villa de Bonifacio. Les factures produites par la requérante concernent toutefois principalement des notes d'honoraires relatives à des prestations comptables ainsi que diverses dépenses, telles que l'achat de matériel de cuisine, d'éléments de mobilier et de décoration, ou encore de dispositifs de protection incendie dont le lien avec l'activité de location de la villa de Bonifacio, achevée plus de deux ans après, n'est pas certain. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 29 354 euros correspond à des dépenses engagées dans le but d'exercer une activité de location immobilière avec fourniture de prestations à caractère hôtelier, soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et ouvrant droit à déduction. La requérante n'est par suite pas fondée à en demander le remboursement.
En ce qui concerne l'application de la doctrine :
9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : /1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. (...) ".
10. En premier lieu, la requérante ne se prévaut pas utilement de la doctrine référencée BOI-CF-IOR-60-40-20-20131213 et de celle référencée BOI-TVA-DED-50-20-10 n°90, qui n'ajoutent rien à la loi.
11. En second lieu, la requérante soutient que la SARL FNPI, l'un des associés de la SCA Les trois coeurs Sperone, a réalisé la livraison à soi-même mentionnée au point 1 et a bénéficié, à raison de cette opération et en qualité de loueur en meublé avec fourniture de prestations parahôtelières, d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dont le remboursement lui a été accordé. Si elle entend ainsi se prévaloir de la situation de fait de son ex-associée et de la position prise par l'administration sur cette situation, elle ne le fait pas valablement dès lors que, d'une part et comme dit au point 7, elle-même n'exerçait pas une activité de loueur en meublé avec fourniture de prestations parahôtelières au cours de la période concernée par sa demande de remboursement du crédit de 259 038 euros et que, d'autre part, le crédit de 168 567 euros trouve son origine dans des dépenses qu'elle a engagées entre 2010 et 2012 et est sans lien avec la livraison à soi-même mentionnée.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Pimalo Sperone n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. L'Etat n'étant pas, en l'espèce, les conclusions de la SARL Pimalo Sperone présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Pimalo Sperone est rejetée.
2
N° 19VE03817