Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge, ou subsidiairement la réduction, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1606706 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a constaté le non-lieu à statuer sur ces conclusions à hauteur de la somme de 220 972 euros et en a rejeté le surplus.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 avril 2019, le 16 octobre 2019 et le 12 juin 2020, M. et Mme D..., représentés par Me C..., avocat, demandent à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il ne leur donne pas entière satisfaction ;
2° de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3° de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme correspondant aux frais d'instance.
M. et Mme D... soutiennent que :
- les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues ;
- l'avis de dégrèvement du 18 décembre 2014 leur a été irrégulièrement notifié ;
- les conditions pour qu'ils puissent bénéficier, en application de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, de l'exonération de l'imposition de la plus-value qu'ils ont réalisée lors de la cession en 2009 de leurs titres de la CIEC, étaient remplies ;
- ils ne pouvaient être assujettis à des cotisations supplémentaires de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus puisqu'en 2009, date de la cession de leurs titres, cette contribution n'existait pas.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour M. et Mme A... D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a créé en 1979 la SA Compagnie internationale d'engineering pour la
Construction (CIEC) dont il était le président directeur général et dont son épouse était administrateur. En 2009, son épouse et lui-même ont vendu à la SA Sofinfra les parts de cette société qu'ils détenaient en totalité. Ils ont réalisé à cette occasion une plus-value qui leur a été versée en deux temps, à hauteur de 12 007 551 euros en 2009 puis à hauteur de 891 880 euros en 2010. Ils ont déclaré cette plus-value comme un revenu totalement exonéré d'impôt en vertu du régime transitoire prévu à l'article 150-0 D ter du code général des impôts. La SA CIEC a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle l'administration a diligenté un contrôle sur pièces de la situation de M. et Mme D.... A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé que les conditions n'étaient pas remplies par M. et Mme D... pour bénéficier de l'exonération mentionnée, faute pour ces derniers d'avoir cessé toute fonction dans la SA CIEC, au sens et pour l'application du c du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans les deux années qui ont suivi la cession de titres, soit en 2011. L'administration a réintégré la plus-value de cession de titres réalisée par M. et Mme D... à leur revenu des années 2009 et 2010, et en a tiré les conséquences en mettant à la charge des requérants les cotisations supplémentaires correspondantes d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Elle en a prononcé le dégrèvement total, le 18 décembre 2014, ce dont elle a avisé M. et Mme D... le 22 décembre suivant. Elle leur a toutefois notifié, le surlendemain, les mêmes rectifications, au titre de l'année 2011 et non plus des années 2009 et 2010. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires correspondantes d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; (...) " .
3. S'il appartient en principe à l'administration de procéder à la notification d'une proposition de rectification à l'adresse indiquée par le contribuable aux services fiscaux, elle peut toutefois, lorsqu'elle apporte la preuve de ce que le domicile dont l'adresse lui a été indiquée présente un caractère fictif, retenir une autre adresse, si elle a établi qu'elle est celle où il réside effectivement.
4. Il résulte de l'instruction que l'administration a notifié, le 22 décembre 2014, l'avis de dégrèvement mentionné au point 1 à l'adresse des requérants à Sarcelles, où l'huissier mandaté a remis le pli à l'employée de maison des requérants. Le lendemain 23 décembre 2014, M. et Mme D... ont saisi l'administration d'une demande de mainlevée des saisies conservatoires effectuées en garantie de paiement des impositions dégrevées, et par le même courrier, ont informé l'administration de leur changement d'adresse au 59 rue de Prony dans le 17ème arrondissement de Paris. Le courrier comportant cette demande et cette information a été signifié au service des impôts des particuliers (SIP) du Val-d'Oise par voie d'huissier. C'est cependant à l'adresse des requérants à Sarcelles que l'administration a notifié, à la fois par voie d'huissier et par courrier simple, le 24 décembre 2014, la proposition de rectification par laquelle elle les informait des rectifications prononcées au titre de l'année 2011.
5. L'administration fait valoir que les requérants s'attendaient, à la suite de l'avis de
dégrèvement notifié le 22 décembre 2014, à être destinataires, au cours des derniers jours de l'année 2014, d'une proposition de rectification interruptive de prescription de l'impôt sur leur revenu de l'année 2011. Selon elle, les requérants n'ont déclaré un changement d'adresse que pour faire obstacle à la notification de la proposition de rectification attendue et ainsi à l'interruption de la prescription. A cet égard, elle argue de ce que le 22 décembre 2014, l'avis de dégrèvement a été réceptionné par l'employée de maison des requérants qui n'a annoncé à l'huissier aucun changement d'adresse de ses employeurs, alors que le 24 décembre, la domiciliation à Sarcelles de M. et Mme D..., absents de chez eux, a été confirmée à l'huissier par le voisinage. L'administration relève en outre que M. et Mme D... sont toujours propriétaires de leur logement à Sarcelles dont ils acquittent les taxes locales alors qu'ils n'établissent ni avoir déménagé entre le 22 et le 24 décembre ni que leur résidence se trouvait alors à Paris, tandis que les formalités liées au réacheminement de leur courrier de Sarcelles à leur adresse parisienne et les démarches de changement d'adresse auprès de l'établissement bancaire de Mme D... n'ont été effectuées, respectivement, qu'aux mois de janvier et avril 2015. Elle ajoute enfin que les requérants ont à dessein prévenu de leur changement d'adresse le SIP du Val-d'Oise plutôt que la brigade en charge de leur contrôle en sachant que le SIP mentionné était fermé au public le 23 décembre.
6. Il résulte toutefois de l'instruction que l'adresse parisienne indiquée par les requérants le 23 décembre 2014 comme étant celle à laquelle devait être dorénavant adressé le courrier qui leur était destiné est celle d'un appartement de sept pièces, d'une superficie de 230 m² habitables où logeait leur fille, dont ils sont les propriétaires à hauteur de 25% par le truchement d'une SCI familiale. Dès le mois de janvier 2015, M. et Mme D... ont fait suivre à cette adresse le courrier qui leur était adressé à leur logement de Sarcelles, partiellement vidé de son mobilier en raison d'une saisie mobilière réalisée le 17 décembre 2014, qu'ils ont déclaré comme leur résidence secondaire à compter du 1er janvier 2016. Ils ont effectué, au cours du premier semestre de l'année 2015, des démarches auprès de leurs établissements bancaires et de leur opérateur téléphonique pour changer d'adresse. Au demeurant, cette adresse est celle que les requérants ont mentionnée dans un courrier du 30 décembre 2014 adressé à direction nationale des vérifications de situations fiscales pour régulariser leur situation au regard des avoirs étrangers qu'ils détenaient alors, et celle à laquelle cette même direction ainsi que le SIP du Val-d'Oise, la direction départementale des finances publiques du Val-d'Oise, le pôle de recouvrement spécialisé de ce même département et la direction de contrôle fiscale d'Ile-de-France leur ont adressé des courriers en 2015, 2016 et 2017.
7. Dans ces circonstances, l'administration n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, du caractère fictif du logement situé au 59 rue de Prony dont M. et Mme D... lui ont indiqué l'adresse. Par suite, M. et Mme D... soutiennent valablement que la proposition de rectification du 23 décembre 2014, signifiée à Sarcelles, leur a été notifiée dans des conditions irrégulières le 24 décembre 2014 de telle sorte que la régularité de la procédure d'imposition s'en est trouvée entachée dans son ensemble. Dès lors, ils sont fondés à demander la décharge des impositions litigieuses.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. et Mme D... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1606706 du 21 février 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : M. et Mme D... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.
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N° 19VE01256