Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS ST Microelectronics Grand Ouest a demandé au tribunal administratif de Montreuil de rétablir les déficits réduits à hauteur de 27 987 064 euros et 23 281 061 euros, respectivement au titre des années 2009 et 2010, et de prononcer la décharge du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée qui en a résulté au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 1711717 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société le rétablissement de ces déficits et la décharge de ce supplément d'imposition.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 mai 2019 et le 24 novembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué ;
2° d'annuler le rétablissement des déficits reportables au titre des années 2009 et 2010 ;
3° de rétablir le supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2010.
Il soutient que :
- les rectifications en litige résultent uniquement de la réintégration dans les coûts de recherche et développement, refacturés par la SAS ST Microelectronics Grand Ouest à sa société-mère, du montant des subventions et du crédit d'impôt recherche dont elle a bénéficié au titre des années 2009 et 2010, et non de la majoration de ces coûts par l'application du taux de marge de 7% sur lequel l'administration et la SAS ST Microelectronics Grand Ouest se sont accordées à l'issue de l'interlocution départementale ; c'est donc à tort que le tribunal a prononcé la réduction des déficits reportables et la décharge litigieux en tant qu'ils résultaient de l'application de ce taux ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration n'établissait pas la réalité du transfert indirect de bénéfice réalisé par la SAS ST Microelectronics Grand Ouest au profit de sa société-mère la SA ST-Ericsson, imposable sur le fondement de l'article 57 du code général des impôts ; elle établit en effet suffisamment, à titre principal, par comparaison avec un panel de sociétés indépendantes et dont les caractéristiques sont comparables à celles de la SAS ST Microelectronics Grand Ouest, que les prix pratiqués par cette dernière à l'égard de sa mère ne sont pas ceux du marché, et à titre subsidiaire, que la déduction de ces mêmes coûts du crédit d'impôt recherche constitue un avantage par nature.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 décembre 2019 et le 4 mars 2021, la SAS ST Microelectronics Grand Ouest, représentée par Me Bazaille, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SAS ST Microelectronics Grand Ouest soutient que :
- l'année 2009 était prescrite lorsque les opérations de contrôle ont été diligentées en 2013, qui ne pouvaient donc porter, au plus tôt, que sur l'année 2010 ;
- les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 mars 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2021, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameau,
- et les conclusions de M. Met, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS ST Microelectronics Grand Ouest exerce une activité de recherche et développement dans le domaine des composants électroniques, pour laquelle elle perçoit de l'Etat des subventions issues du fonds de compétitivité des entreprises ainsi que des sommes au titre du crédit d'impôt recherche. Elle est détenue à 100% par la société SA ST Ericsson, société de droit suisse avec laquelle elle a conclu un contrat-cadre dit " A... ". En vertu de ce contrat, la société défenderesse réalise des opérations de recherche et développement pour le compte de la SA ST Ericsson qui est titulaire des droits de propriété intellectuelle résultant de ces opérations. Elle a versé à la SAS ST Microelectronics Grand Ouest, en 2009 et 2010, une rémunération calculée par l'application d'un taux de marge de 7% au titre du mois de janvier 2009, puis de 4% au titre des mois de février à décembre 2009 et de l'année 2010, aux coûts des opérations de recherche et développement supportés par la société défenderesse, diminués du montant des crédits d'impôt recherche et des subventions publiques liées aux opérations de recherche reçus par la SAS ST Microelectronics Grand Ouest. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2009 et 2010, l'administration a estimé que le taux de marge de 4% était insuffisant et que la déduction des crédits d'impôt recherche et des subventions publiques de la base des coûts refacturés par la société défenderesse induisait un transfert indirect de bénéfice à l'étranger, au sens de l'article 57 du code général des impôts. A la suite d'une interlocution départementale, la société défenderesse a admis l'application du taux de marge de 7% sur l'ensemble de la période vérifiée. L'administration a finalement rehaussé les produits comptabilisés par la SAS ST Microelectronics Grand Ouest à concurrence de la réintégration du montant, majoré par l'application du taux de marge de 7%, de ces subventions et du crédit d'impôt recherche dans le coût de revient retenu pour la détermination du prix de cession et a notifié à la société défenderesse les réduction des déficits reportables comptabilisés à la fin des exercices clos en 2009 et 2010 ainsi que la cotisation supplémentaire de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui en a résulté au titre de l'année 2010. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement n° 1711717 du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rétabli les déficits reportables comptabilisés par la société défenderesse à la fin des exercices clos en 2009 et 2010 et la décharge de la cotisation supplémentaire de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui a résulté de leur réduction.
Sur la régularité du jugement :
2. Le ministre fait valoir que le jugement entrepris est irrégulier, les premiers juges étant allés au-delà de leur office en prononçant la réduction des déficits reportables et la décharge litigieux y compris en tant qu'ils résultaient de l'application du taux de marge de 7% sur lequel l'administration et la SAS ST Microelectronics Grand Ouest se sont pourtant accordées à l'issue de l'interlocution départementale. Toutefois, c'est sans excéder les limites de leur office et par suite sans entacher leur jugement d'irrégularité que les premiers juges, ayant considéré que l'intervalle de prix de pleine concurrence déterminé par le service reposait sur un panel de comparables non pertinent, en ont déduit que la preuve du transfert indirect de bénéfices n'était pas apportée par l'administration et que, par conséquent, la réduction des déficits reportables devait être prononcée, alors même que le montant du transfert de prix dont l'existence était allégué par l'administration résultait de l'application d'un taux de marge accepté par la société défenderesse.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Aux termes de l'article 57 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 de ce code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. (...) / A défaut d'éléments précis pour opérer les redressements (...), les produits imposables sont déterminés par comparaison avec ceux des entreprises similaires exploitées normalement ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle constate que les prix facturés par une entreprise établie en France à une entreprise étrangère qui lui est liée sont inférieurs à ceux pratiqués par des entreprises similaires exploitées normalement, c'est-à-dire dépourvues de liens de dépendance, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un avantage qu'elle est en droit de réintégrer dans les résultats de l'entreprise française, sauf pour celle-ci à justifier que cet avantage a eu pour elle des contreparties aux moins équivalentes. A défaut d'avoir procédé à une telle comparaison, le service n'est, en revanche, pas fondé à invoquer la présomption de transfert de bénéfices ainsi instituée mais doit, pour démontrer qu'une entreprise a consenti une libéralité en facturant des prestations à un prix insuffisant, établir l'existence d'un écart injustifié entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé ou du service rendu.
4. En premier lieu, il est constant, en l'espèce, que la SAS ST Microelectronics Grand Ouest est sous la dépendance de la SA ST Ericsson.
5. En second lieu, d'une part, pour établir que la déduction des crédits d'impôt recherche et des subventions publiques de la base des coûts refacturés par la société défenderesse revenait pour cette dernière à minorer ses recettes et à accorder, ainsi, un avantage à sa mère, le ministre de l'action et des comptes publics produit en appel un nouveau panel de huit sociétés dont il soutient qu'elles pratiquaient entre 2009 et 2013 des marges sur leurs coûts de recherche et développement situées, pour 2009, entre 4,67 et 13,22 avec une médiane à 8,20 et, pour 2010, entre 3,48 et 15,44 avec une médiane à 8,27 tandis que les marges pratiquées par la SAS ST Microelectronics Grand Ouest en 2009 et 2010 étaient négatives et donc très significativement inférieures à celles normalement pratiquées. Toutefois, il résulte de l'instruction que les huit sociétés que l'administration a sélectionnées pour établir sa comparaison n'étaient pas toutes indépendantes, que leur chiffre d'affaires même pris globalement était notoirement inférieur à celui de la société requérante, qu'elles opéraient sur le marché local et international et fonctionnaient selon un modèle économique et comptable différent du sien, que plusieurs d'entre elles n'exerçaient pas ou pas principalement des travaux de recherche et développement et qu'a fortiori, il n'est pas justifié qu'elles aient bénéficié, au cours des années étudiées par l'administration, d'un crédits d'impôt recherche pour ces travaux ni qu'elles aient refacturé à leur donneur d'ordre, le cas échéant, des montants nets des subventions et crédit d'impôt qu'elles auraient éventuellement perçus.
6. D'autre part, aucune stipulation du contrat ne faisait obligation à la société intimée d'inclure dans le prix pratiqué une composante telle que la refacturation des subventions publiques et des crédits d'impôts recherche attribués, le ministre n'établissant pas plus, notamment au regard de la pratique d'entreprises comparables, que cette composante aurait dû y figurer. La société intimée ne peut ainsi être regardée comme ayant renoncé à percevoir une partie du prix convenu. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est dès lors pas fondé à soutenir, à titre subsidiaire, que la SAS ST Microelectronics Grand Ouest a accordé à sa mère un avantage par nature en la faisant bénéficier de prestations de recherche pour un prix minoré du crédit d'impôt recherche dont elle a bénéficié.
7. L'administration n'apporte ainsi pas la preuve, dont la charge lui incombe, du transfert par la société défenderesse d'une partie de ses bénéfices à sa société-mère de droit suisse.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rétabli les déficits reportables comptabilisés par la société défenderesse à la fin des exercices clos en 2009 et 2010 et prononcé la décharge du supplément de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui a résulté de leur réduction de ces déficits.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de cet article.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société ST Microelectronics SA la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société ST Microelectronics SA.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président de chambre,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Hameau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2021.
La rapporteure,
M. HAMEAULe président,
P. BEAUJARDLa greffière,
C. FAJARDIE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N° 19VE02002 2