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28/06/2021 | FRANCE | N°20VE00069

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 juin 2021, 20VE00069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du ministre de l'action et des comptes publics du 28 novembre 2018 l'excluant de ses fonctions pour une durée d'un an à titre de sanction disciplinaire.

Par un jugement n° 1812709 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2020, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action

et des comptes publics demandent à la cour d'annuler ce jugement.

Ils soutiennent que :

- ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du ministre de l'action et des comptes publics du 28 novembre 2018 l'excluant de ses fonctions pour une durée d'un an à titre de sanction disciplinaire.

Par un jugement n° 1812709 du 8 novembre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2020, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics demandent à la cour d'annuler ce jugement.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'une erreur de qualification juridique des faits et d'erreur de droit ; M. A... a manqué à son obligation de probité ; les agents de la DGFPI doivent adopter un comportement irréprochable au regard de leurs obligations fiscales, tant déclaratives que contributives ; les agents qui occupent une place élevée dans la hiérarchie administrative, à l'instar de M. A..., sont astreints à un devoir d'exemplarité renforcé ; M. A... connaît les risques encourus par la minoration mentionnés sur ses déclarations annuelles d'imposition ; même si M. A... et son épouse sont mariés sous le régime de la séparation des biens, il assurent en commun l'entretien et la gestion du foyer ; leurs revenus et patrimoine font l'objet de déclarations et d'impositions communes et M. A... intervient dans la gestion des biens immobiliers de son foyer ; l'épouse de M. A... a elle-même indiqué que les retraits provenant du compte en Suisse ont servis à améliorer le train de vie du foyer et à aménager une maison que le couple a fait construire au Portugal ; la faute disciplinaire n'est pas conditionnée à la démonstration de l'intention coupable de l'agent ; M. A... reconnaît la matérialité des faits ;

- s'agissant des autres moyens de légalité externe et interne soulevés en premier instance, il s'en rapporte au mémoire produit devant le tribunal le 23 mai 2019.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Clot rapporteur public,

- et les observations de Mme B..., pour le ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du ministre de l'action et des comptes publics du 28 novembre 2018, M. A..., administrateur des finances publiques adjoint, a fait l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions d'un an à titre de sanction disciplinaire. Le ministre fait appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 novembre 2019 annulant cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

3. Il résulte de l'arrêté du 28 novembre 2018 que le ministre de l'action et des comptes publics a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions au motif que " M. A... a déposé des déclarations minorées au titre des revenus des années 2006 à 2013 et de l'impôt de solidarité sur la fortune des années 2007 à 2013, dès lors qu'il n'a pas pris en considération le compte détenu par son épouse à l'étranger " et que par ces agissements, il a manqué à l'obligation de probité.

4. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 24 décembre 2013, l'épouse de M. A... a déclaré à l'administration fiscale être détentrice d'un compte en Suisse dont elle a hérité lors du décès de son père au cours de l'année 2000. Elle a déposé le 26 juillet 2014 des déclarations rectificatives au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 2006 à 2013 et au titre de l'impôt sur la fortune pour les années 2007 à 2013 afin de bénéficier du dispositif de régularisation des avoirs non déclarés à l'étranger. En raison de l'origine successorale des avoirs et de l'absence d'alimentation du compte entre 2000 et 2013, la détention de compte a été regardée comme passive. Les époux A... ayant bénéficié d'une atténuation des majorations et amendes, ont souscrit le 4 février 2015 une transaction avec l'administration fiscale s'élevant à 86 591 euros en droits, 24 002 euros au titre des intérêts de retard et 33 654 euros au titre des majorations et amendes.

5. M. A... fait valoir que son épouse ne l'a informé de l'existence de ce compte qu'à la fin de l'année 2013, qu'il en avait jusque-là ignoré l'existence et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir dissimulé l'existence de ce compte à l'administration fiscale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que cette dernière, qui réside avec son époux en région parisienne, a effectué des retraits importants en espèces sur ce compte entre 2006 et 2013 pour un montant total de 248 200 euros (notamment 125 000 euros en 2008, 59 000 euros en 2009, 21 200 euros en 2011). Elle a elle-même indiqué, dans une attestation du 26 avril 2014, que ces retraits en espèces ont servi à améliorer le train de vie du ménage ainsi qu'à financer l'aménagement d'une maison au Portugal que le couple a déclarée au titre des biens soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune. Par ailleurs, M. A... a signé, sans émettre aucune réserve, la transaction du 12 février 2015 portant sur le paiement par le couple des droits, majorations et amendes consécutives aux déclarations minorées et à l'absence de déclaration de compte à l'étranger. La double circonstance invoquée par le requérant que le couple est marié sous le régime de la séparation des biens et qu'il ne dispose pas de compte-joint, ne permet pas d'établir que M. A... était dans l'ignorance de l'existence de ce compte. Eu égard à la durée de détention de ce compte, aux montants élevés des retraits en espèces opérés pendant plusieurs années, à la circonstance que les époux A... vivent sous le même toit et que les sommes provenant de ce compte ont servi à alimenter le train de vie du ménage, M. A... ne pouvait ignorer avoir souscrit avec son épouse tout au long de ces années des déclarations minorées au titre de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune. Les faits qui lui sont reprochés sont ainsi établis et constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Par suite, les ministres sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 28 novembre 2018.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

Sur la légalité de l'arrêté du 28 novembre 2018 :

7. En premier lieu, M. A... soutient que l'arrêté du 28 novembre 2018 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que deux rapports de synthèse ont été établis le 3 juin 2016 et le 28 août 2018, ce qui a induit une confusion ne lui ayant pas permis de préparer correctement sa défense. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la procédure disciplinaire a été momentanément interrompue à la suite du placement en congé de longue maladie de M. A... et a été reprise après le retour de l'intéressé. Il en a été informé par un courrier du 12 avril 2018. Ayant présenté des observations sur le premier rapport le 1er juillet 2016, le second rapport lui a été remis en main propre le 4 septembre 2018 et un rapport au conseil de discipline a été établi le 14 septembre 2018. Contrairement à ce qui est allégué par le requérant, les poursuites disciplinaires ont constamment été fondées sur les mêmes faits, à savoir l'absence de déclaration des sommes détenues sur un compte détenu à l'étranger. Alors même qu'il n'a pas spécifiquement été invité à présenter ses observations lors de la remise du second rapport de synthèse le 4 septembre 2018, il est établi que M. A... a pleinement eu connaissance des griefs retenus à son encontre, qu'il a été informé de son droit à communication de son dossier et a pu formuler utilement des observations écrites et orales sur les rapports établis par l'administration, en particulier lors de la séance du conseil de discipline le 15 novembre 2018. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure préalable à la sanction doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes du 2ème alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016 : " Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. ". Lorsqu'une loi nouvelle institue ainsi, sans comporter de disposition spécifique relative à son entrée en vigueur, un délai de prescription d'une action disciplinaire dont l'exercice n'était précédemment enfermé dans aucun délai, le nouveau délai de prescription est applicable aux faits antérieurs à la date de son entrée en vigueur mais ne peut, sauf à revêtir un caractère rétroactif, courir qu'à compter de cette date. Il suit de là que le délai institué par les dispositions précitées a couru, en ce qui concerne les faits antérieurs au 22 avril 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 20 avril 2016, à compter de cette date.

9. La procédure disciplinaire ayant conduit à la révocation de M. A... ayant été engagée moins de trois ans après le 22 avril 2016 et ayant donné lieu à une sanction prononcée par l'arrêté contesté du 28 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, alors même que cette sanction est fondée sur des faits antérieurs au 22 avril 2016. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits.

10. En troisième lieu, eu égard à la nature des fonctions exercées par M. A..., à son niveau de responsabilité au sein de l'administration fiscale et à la gravité de la faute commise, la sanction prononcée n'est pas disproportionnée.

11. Enfin, le détournement de pouvoir allégué, tiré de la volonté supposée de l'administration d'évincer M. A... en raison de son état de santé, l'intéressé indiquant souffrir d'un lymphome cancéreux depuis 2009, n'est pas établi. Le moyen ne peut donc qu'être écarté.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1812709 du 8 novembre 2019 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

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N° 20VE00069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00069
Date de la décision : 28/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : CABINET INGELAERE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-28;20ve00069 ?
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