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24/06/2021 | FRANCE | N°18VE01819

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 24 juin 2021, 18VE01819


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Elres a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le titre de recettes n° 7698 émis et rendu exécutoire par la commune d'Asnières-sur-Seine le 12 décembre 2014, de la décharger de l'intégralité des sommes y figurant, d'enjoindre à la commune d'Asnières-sur-Seine de lui restituer une somme de 36 493,24 euros indûment perçue par voie de compensation augmentée des intérêts au taux d'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir,

augmentée de deux points, à compter de la date d'encaissement des sommes par le trésor pu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Elres a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler le titre de recettes n° 7698 émis et rendu exécutoire par la commune d'Asnières-sur-Seine le 12 décembre 2014, de la décharger de l'intégralité des sommes y figurant, d'enjoindre à la commune d'Asnières-sur-Seine de lui restituer une somme de 36 493,24 euros indûment perçue par voie de compensation augmentée des intérêts au taux d'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, augmentée de deux points, à compter de la date d'encaissement des sommes par le trésor public, et de mettre à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500981 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2018, la société Elres, représentée par Me Apelbaum, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ce titre de recettes ;

3°) de la décharger totalement de l'intégralité des sommes y figurant ;

4°) d'enjoindre à la commune d'Asnières-sur-Seine de lui restituer les sommes indûment perçues sur le fondement de ce titre, augmentée des intérêts au taux d'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts ont commencé à courir, augmentée de deux points, à compter de la date d'encaissement des sommes par le trésor public ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu'il est entaché d'une dénaturation des pièces du dossier, d'une erreur d'appréciation et d'erreurs de droit ;

- le titre exécutoire du 12 décembre 2014 ne comporte pas d'annexe et ne fait référence à aucun document dans lequel seraient exposées les bases de liquidation de la somme qui serait due, et notamment pas au courrier du 14 novembre 2014 par lequel la commune d'Asnières-sur-Seine l'informait d'un montant des sommes à mettre à sa charge ; il se borne à mentionner une " finalisation du contrat de DSP ", qui n'a aucune signification particulière s'agissant des bases de liquidation ;

- dès lors qu'aucune stipulation du contrat ne prévoit la constitution d'un fonds de renouvellement ou de provisions pour l'entretien des installations, la commune ne pouvait exiger la restitution de ces provisions librement constituées par la société Elres ; ces provisions doivent être regardées comme une simple opération comptable de la société Elres dans la prise en compte de ces charges, laquelle n'a qu'une obligation d'entretien et de renouvellement des installations sous le contrôle de l'administration en application de l'article 14.2 du traité d'affermage ; la circonstance que le solde positif des provisions non utilisées est financé par une partie du prix des repas payé par les usagers est indifférente ; la commune n'a jamais soutenu que la société Elres n'avait pas respecté son obligation de renouvellement des installations ou d'entretien des matériels ; s'il est vrai qu'en application de l'article 3 du contrat et de son annexe 10.1, le prix unitaire HT d'un repas comprend notamment les " provisions pour renouvellement des équipements et installations ", ces stipulations ont pour unique finalité de déterminer le prix du repas et non d'imposer à la société Elres de réaliser des travaux à hauteur du montant des provisions constituées ; si les articles 53, 56 et 57 du contrat prévoient la restitution des installations à l'échéance contractuelle, aucune autre stipulation n'impose à la société Elres de restituer un éventuel solde excédentaire des provisions susmentionnées ;

- la compensation opérée par le comptable public est irrégulière, dès lors que la créance de la commune n'avait pas un caractère exigible, certain et liquide.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me B..., pour la commune d'Asnières-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat d'affermage conclu le 18 avril 2007, la commune d'Asnières-sur-Seine a confié à la société Avenance enseignement et santé le service public de la restauration scolaire et municipale pour une durée de sept ans. A la suite d'échanges entre la commune et son fermier concernant les modalités de fin de contrat, un titre de recettes d'un montant de 202 440 euros a été émis à l'encontre de la société Elres, venant aux droits de la société Avenance. La société Elres relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 6 avril 2018 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce titre, à la décharge des sommes y figurant, et à ce qu'il soit enjoint à la commune d'Asnières-sur-Seine de lui restituer une somme de 36 493,24 euros perçue par voie de compensation.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

3. Le titre de recettes du 12 décembre 2014 mettant à la charge de la société Elres une somme de 202 440 euros, ne comporte pas d'annexe et ne contient aucune référence précise à un document dans lequel seraient exposées les bases de liquidation de cette créance, et notamment pas au courrier du 14 novembre 2014, par lequel la commune d'Asnières-sur-Seine a informé la société Elres qu'elle était redevable de ladite somme au titre du solde des provisions pour le renouvellement des équipements et des installations mis à sa disposition pendant la durée du contrat. A cet égard, la seule mention dans le titre exécutoire d'une " finalisation du contrat de DSP " est insuffisante et ne saurait être regardée comme une référence précise au courrier du 14 novembre 2014. Dans ces conditions, faute d'indication des bases de la liquidation, la société Elres est fondée à demander l'annulation du titre exécutoire du 12 décembre 2014. Par suite, la société Elres est fondée à demander l'annulation du titre de recettes en litige.

4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société Elres est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recettes du 12 décembre 2014.

5. En deuxième lieu, l'annulation par une décision juridictionnelle d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation éventuelle par l'administration, que les sommes perçues par l'administration sur le fondement du titre ainsi dépourvu de base légale soient immédiatement restituées à l'intéressé. Lorsqu'une juridiction est saisie de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de restituer des sommes perçues sur le fondement d'un titre de perception ainsi annulé, il lui appartient de prescrire la mesure demandée en fixant le délai au terme duquel l'administration devra restituer ces sommes, si elle n'a pas émis, avant l'expiration de ce délai, un nouveau titre de perception dans des conditions régulières.

6. Il résulte de l'instruction que le trésorier municipal a procédé le 15 décembre 2014, à la suite d'un mandat émis le même jour par la commune d'Asnières-sur-Seine au profit de la société requérante, à une compensation entre la somme de 202 440 euros mise à la charge de cette dernière par le titre en litige et la créance d'un montant de 36 493,24 euros détenue par celle-ci à l'encontre de la commune d'Asnières-sur-Seine au titre des tarifs sociaux pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013.

7. L'annulation du titre de recettes en litige implique qu'il soit enjoint à la commune d'Asnières-sur-Seine de restituer à la société Elres, la somme perçue le cas échéant par elle sur ce fondement après compensation par le trésorier municipal, augmentée des intérêts au taux légal, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, si la commune n'a pas émis avant l'expiration de ce délai un nouveau titre dans des conditions régulières.

8. En troisième lieu, si la commune demande, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Elres à lui verser une somme de 202 440 euros et à compenser cette somme avec celle de 36 493,24 euros due par elle, elle n'apporte aucune précision et justification quant au principe, au fondement et au montant de sa créance. Ainsi, ces conclusions doivent être rejetées.

9. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Elres, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune d'Asnières-sur-Seine au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Elres et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1500981 du 6 avril 2018 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Le titre de recettes émis et rendu exécutoire le 12 décembre 2014 mettant à la charge de la société Elres la somme de 202 440 euros est annulé.

Article 3 : Il est enjoint à la commune d'Asnières-sur-Seine de restituer à la société Elres la somme perçue le cas échéant par elle sur le fondement du titre de recettes annulé par l'article 2 ci-dessus, augmentée des intérêts au taux légal, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, si la commune n'a pas émis avant l'expiration de ce délai un nouveau titre dans des conditions régulières.

Article 4 : La commune d'Asnières-sur-Seine versera la somme de 2 000 euros à la société Elres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N° 18VE01819 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01819
Date de la décision : 24/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats.


Composition du Tribunal
Président : M. CAMENEN
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CLOT
Avocat(s) : SELARL LEXCASE SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-24;18ve01819 ?
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