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04/06/2021 | FRANCE | N°20VE01215-20VE01712

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 juin 2021, 20VE01215-20VE01712


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi et d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut

de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi et d'enjoindre à ce préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trente jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1905667 du 8 avril 2020, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 avril 2020, le 7 juillet 2020 et le 13 octobre 2020, sous le n° 20VE01215, M. C..., représenté par Me E..., avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3° d'enjoindre aux services préfectoraux de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- l'avis médical de l'office français de l'immigration et de l'intégration doit lui être communiqué ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'incompétence de son auteur ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 6 (7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, dans la mesure où le traitement médical que rend indispensable son état de santé est indisponible en Algérie ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

....................................................................................................................

II. Par une requête enregistrée le 1er juillet 2021, sous le n° 20VE01712, M. C..., représenté par Me E..., avocat, demande à la cour :

1° de prononcer la suspension de l'exécution du jugement attaqué ;

2° de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête à fins d'annulation de cette décision ;

3° d'enjoindre aux services préfectoraux de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

- il y a urgence à statuer sur sa requête en suspension ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté préfectoral attaqué.

....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me D..., substituant Me E..., pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par les requêtes n° 20VE01215 et 20VE01712, M. A... C..., ressortissant algérien né le 3 juin 1963, demande à la Cour respectivement l'annulation du jugement n° 1905667 du 8 avril 2020 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la requête de l'intéressé tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays d'éloignement, ainsi que la suspension des effets de cet arrêté. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 20VE01215 et le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord bilatéral franco-algérien du 17 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Pour justifier, dans l'arrêté du 15 février 2019 en litige, le rejet de la demande de certificat de résidence algérien présentée par M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est notamment fondé sur l'avis émis le 4 septembre 2018 par le collège des médecins de l'OFII, qui, joint à l'arrêté litigieux et versé au contradictoire des parties devant les premiers juges, précise que l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, l'Algérie, le patient peut y bénéficier d'un traitement approprié. Cet avis précise par ailleurs qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers l'Algérie. Le préfet a en outre ajouté dans son arrêté que M. C... n'a pas allégué de circonstances exceptionnelles empêchant son accès aux soins dans son pays d'origine.

5. Il est constant que M. C..., atteint d'une insuffisance rénale chronique associée notamment à une hypertension artérielle sévère, suit depuis février 2016 en France un traitement par hémodialyse itérative à raison de trois longues séances par semaine dans l'attente d'une transplantation rénale et est inscrit depuis le 3 avril 2018 sur la liste nationale d'attente d'une greffe du rein. Il ressort des pièces du dossier, versées en première instance et des éléments nouveaux produits pour la première fois en appel, en particulier des certificats médicaux établis par le professeur J. Rottembourg, membre du collège de la Pitié-Salpêtrière, que la disponibilité des équipements et médicaments indispensables à la réalisation du traitement par hémodialyse administré à M. C... n'est pas garantie en Algérie, que la préservation de l'état de santé de l'intéressé nécessite une greffe rénale qui, compte tenu de son âge, est susceptible d'augmenter significativement ses chances de survie, que le projet d'une greffe de rein par donneur vivant familial apparenté a dû être abandonné en raison de la présence d'anticorps chez le patient et qu'en Algérie, où la transplantation rénale avec donneur en état de mort encéphalique n'est pas pratiquée pour des raisons culturelles et religieuses, seule est possible la transplantation rénale par donneur vivant qui, faute de donneurs suffisants, est de fait aléatoire. Dès lors, il n'est pas établi que M. C... peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, la décision du 15 février 2019 portant refus de séjour opposé par le préfet de la Seine-Saint-Denis à M. C..., dont il n'est pas contesté qu'il réside habituellement en France, est illégale, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions distinctes du même jour portant obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ volontaire et détermination du pays de destination.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

En ce qui concerne les conclusions en injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".

8. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis accorde à M. C... un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations, mentionnées au point 2, de l'article 6 (7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité préfectorale, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer le titre de séjour demandé par M. C..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, de prononcer une astreinte.

Sur la requête n° 20VE01712 :

9. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision. ".

10. Dans la mesure où la cour se prononce par le présent arrêt sur les conclusions en annulation présentées par M. C..., ses conclusions en suspension de l'exécution de l'arrêté litigieux et, en tout état de cause, de l'exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée de 1 500 euros à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20VE01712 de M. C....

Article 2 : Le jugement n° 1905667 du 8 avril 2020 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté en date du 15 février 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer un certificat de résidence algérien à M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1500 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 20VE01215 est rejeté.

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Nos 20VE01215...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE01215-20VE01712
Date de la décision : 04/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : MAGDELAINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-06-04;20ve01215.20ve01712 ?
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