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31/05/2021 | FRANCE | N°20VE00222

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 mai 2021, 20VE00222


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Evry à lui verser une indemnité de 10 198,70 euros en réparation de divers préjudices subis du fait du traitement, par la commune, de sa demande d'indemnisation de chômage et, de mettre à la charge de la commune d'Evry une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1708181 du 3 juin 2019,

le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la commune d'Evry à lui verser une indemnité de 10 198,70 euros en réparation de divers préjudices subis du fait du traitement, par la commune, de sa demande d'indemnisation de chômage et, de mettre à la charge de la commune d'Evry une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1708181 du 3 juin 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2020, M. C..., représenté par Me B..., avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Evry à lui verser une indemnité de 10 198,70 euros en réparation de divers préjudices subis du fait du traitement, par la commune, de sa demande d'indemnisation de chômage ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Evry une somme de 1 800 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la commune d'Evry a commis une faute en estimant qu'il ne pouvait pas être considéré comme ayant été involontairement privé d'emploi, dès lors que l'offre pour laquelle il a été reçu en entretien le 12 mai 2016 ne constituait pas un renouvellement de son contrat de travail au sens de l'article 5 de son contrat, fondé sur l'article 38 du décret n°88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984, mais au contraire une nouvelle offre d'embauche, qu'il pouvait refuser sans être considéré comme n'étant pas involontairement privé d'emploi et radié de la liste des demandeurs d'emploi ;

- elle a commis une seconde faute en le privant d'indemnisation au titre du chômage pendant sept mois ;

- il est fondé à réclamer une indemnité de 4 198,70 euros au titre du préjudice matériel, correspondant au montant brut de l'allocation journalière à savoir 34,70 euros, multiplié par les 121 jours de carence, et 6 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, dès lors qu'il a été injustement privé de toute ressource pendant sept mois, plongé dans une grande anxiété et craint d'être expulsé de son logement.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- l'arrêté du 25 juin 2014 portant agrément de la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage, le règlement général annexé et son accord d'application n° 12 ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., substituant Me A..., pour la commune d'Evry.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... C... a été employé par la commune d'Evry à compter d'avril 2013, en qualité d'adjoint administratif contractuel de catégorie C, aux termes de plusieurs contrats de travail à durée déterminée. Il a ainsi assuré des fonctions d'agent d'accueil, puis de comptable au centre municipal de santé. Par courrier du 17 août 2017, il a demandé à la commune d'Evry une indemnité de 4 198,70 euros au titre du préjudice matériel et 6 000 euros au titre du préjudice moral, dans le cadre d'un litige faisant suite à ses deux derniers contrats de travail à temps complet, conclus pour des durées déterminées allant respectivement du 14 septembre 2015 au 31 mars 2016, et du 1 avril au 8 mai 2016. Cette demande indemnitaire a toutefois été rejetée par un courrier du maire de la commune d'Evry en date du 26 octobre 2017. M. C... a saisi le tribunal administratif de Versailles mais, par le jugement attaqué dont il relève appel, sa demande a été rejetée.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune d'Evry :

2. La commune fait valoir la tardiveté de la requête, introduite le 20 janvier 2020. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le jugement litigieux a été rendu le 3 juin 2019 et notifié en date du 4 juin 2019, puis que M. C... a demandé l'aide juridictionnelle le 2 août 2019 et que celle-ci lui a été accordée par décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 22 novembre 2019. Dans ces conditions, sa requête introductive d'instance devant la cour administrative d'appel, enregistrée le 20 janvier 2020, a été présentée dans le délai de recours qui était de deux mois. Elle n'était donc pas tardive et dès lors, la fin de non-recevoir susanalysée doit écartée.

Sur la compétence de la cour pour statuer au fond en dernier ressort :

3. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : / 1° Sur les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi, mentionnés à l'article R. 772-5, y compris le contentieux du droit au logement défini à l'article R. 778-1 ; (...) / 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique, sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées n'excède pas le montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; ".

4. Le présent litige est relatif à une action indemnitaire dirigée contre la commune d'Evry, repose sur la faute de l'administration résultant de la délivrance de renseignements erronés ayant conduit à la radiation de M. C... et tend à l'indemnisation de divers préjudices résultants des conséquences de cette situation, pour un montant total de 10 198,70 euros qui excède le montant de 10 000 euros déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du même code. Ce litige n'entre donc ni dans le champ d'application du 1° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ni dans celui du 8° du même article et, par suite, la cour est compétente pour statuer en dernier ressort sur les conclusions de la requête de M. C....

Sur les fautes commises par la commune d'Evry :

5. D'une part, aux termes de l'article 38 du décret du 15 février 1988 susvisé, pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) / 2° Au début du mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 5422-1 du code du travail : " Ont droit à l'allocation d'assurance les travailleurs involontairement privés d'emploi (...) aptes au travail et recherchant un emploi qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure " et selon l'article L. 5424-1 du même code : " Ont droit à une allocation d'assurance (...) 2°) Les agents non titulaires des collectivités territoriales (...) ". Il résulte de ces dispositions ainsi que de celles des articles L. 5422-2, L. 5422-3 et L. 5422-20 du même code que les agents publics involontairement privés d'emploi ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions définies par l'accord prévu par l'article L. 5422-20, dès lors qu'un tel accord est intervenu et a été agréé et qu'il n'est pas incompatible avec les règles qui gouvernent l'emploi des agents publics. Aux termes de l'article 2 du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 susvisée : " Sont involontairement privés d'emploi ou assimilés, les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte : (...) / d'une fin de contrat de travail à durée déterminée, dont notamment le contrat à objet défini, ou de contrat de mission ; (...) ". Il appartient à l'autorité administrative compétente d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les circonstances du non-renouvellement d'un contrat à durée déterminée permettent d'assimiler celui-ci à une perte involontaire d'emploi.

7. Il résulte de l'instruction que M. C... a été recruté par la commune d'Evry à compter du 1er avril 2013 en qualité d'adjoint administratif contractuel pour assurer les fonctions d'agent d'accueil puis, à compter du 14 septembre 2015, en tant que comptable au sein du centre municipal de santé par deux contrats successifs couvrant une période comprise entre le 14 septembre 2015 et le 8 mai 2016. Il est constant qu'il n'a reçu aucune offre de la part de l'administration tendant au renouvellement de son engagement, dans les délais énoncés au 2° de l'article 38 du décret du 15 février 1988, précité. Puis, à une date non spécifiée, dont il est constant et d'ailleurs, non contesté qu'elle est postérieure à la date du 8 mai 2016 à laquelle expirait son dernier contrat de travail, la direction des ressources humaines l'aurait invité, de façon non formalisée, à candidater pour un poste d'agent d'accueil à la Maison de quartier. C'est dans ces conditions que M. C... a été reçu en entretien le 12 mai 2016, entretien qui était organisé par l'employeur afin de lui présenter ledit poste. Il ressort des éléments ci-dessus, que cette offre de poste contractuel, présentée dans les conditions détaillées ci-dessus, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 38 du décret du 15 février 1988 précité. Dès lors, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. C... aurait refusé ledit poste proposé lors de l'entretien du 12 mai 2016, il doit être regardé comme ayant été, à la date du 8 mai 2016, involontairement privé d'emploi à raison de l'expiration de son contrat de travail à durée déterminée, au sens de l'article 2 du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 susvisée. Il pouvait donc prétendre, à compter de cette date, à l'allocation d'assurance dévolue aux travailleurs involontairement privés d'emploi, en application de l'article L. 5422-1 du code du travail précité. M. C... est, dès lors, fondé à soutenir que la commune d'Evry a commis plusieurs illégalités fautives en estimant à tort qu'il n'était pas involontairement privé d'emploi, en lui appliquant un délai de carence de 121 jours et en lui refusant l'allocation qui lui était due, pendant une période de sept mois qui s'étend de mai à décembre 2016, ainsi que le confirment les termes du courrier du maire du 26 octobre 2017.

Sur les conclusions indemnitaires :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la commune d'Evry a procédé au versement de l'allocation de retour à l'emploi qui était due à M. C..., avec un rattrapage à compter de septembre 2016 et non de mai 2016, appliquant le délai de carence de 121 jours prévu au paragraphe 1 de l'accord d'application n°12 pris pour l'application du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014, dans le champ d'application duquel l'intéressé n'entrait pourtant pas, ainsi qu'il vient d'être dit. Par suite, M. C... a été irrégulièrement privé du versement de cette allocation pendant 121 jours d'allocation. Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande indemnitaire présentée en réparation du préjudice matériel à raison de ce motif et de mettre à la charge de la commune d'Evry la somme de 4 198,70 euros qui correspond au montant brut de l'allocation journalière à savoir 34,70 euros, multiplié par les 121 jours de carence.

9. En second lieu, M. C... fait valoir son préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence du fait de la privation totale de ressources pendant sept mois ainsi que son anxiété, en particulier quant à l'expulsion potentielle de son logement. Il sera fait une juste appréciation de la réparation due au titre de ces chefs de préjudices, en mettant à la charge de la commune d'Evry une somme de 1 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1708181 du 3 juin 2019, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant notamment à condamner la commune d'Evry à lui verser une indemnité de 10 198,70 euros en réparation de divers préjudices subis du fait du traitement, par la commune, de sa demande d'indemnisation de chômage. Il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de condamner la commune d'Evry à verser à M. C..., compte tenu de ce qui a été jugé aux points 7. et 8., une somme de 5 198,70 euros en indemnisation de ses préjudices, et de rejeter le surplus de ses conclusions indemnitaires. La commune d'Evry, partie perdante, versera à Me B..., conseil de M. C..., une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1708181 du 3 juin 2019 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La commune d'Evry versera à M. C... une somme de 5 198,70 euros en indemnisation de ses préjudices.

Article 3 : La commune d'Evry versera à Me B..., conseil de M. C..., une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

5

N° 20VE00222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20VE00222
Date de la décision : 31/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : CLORIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-31;20ve00222 ?
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