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31/05/2021 | FRANCE | N°18VE02317

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 31 mai 2021, 18VE02317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du ministre du travail du 13 avril 2017 ayant autorisé la société RLD2 à le licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 1705189 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2018, M. B..., représenté par Me Rilov, avocat, demande à la cour d'annuler ce jugement et cette décision.

Il sou

tient que :

- cette décision est insuffisamment motivée en fait, et en droit dès lors qu'elle se bor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du ministre du travail du 13 avril 2017 ayant autorisé la société RLD2 à le licencier pour motif économique.

Par un jugement n° 1705189 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2018, M. B..., représenté par Me Rilov, avocat, demande à la cour d'annuler ce jugement et cette décision.

Il soutient que :

- cette décision est insuffisamment motivée en fait, et en droit dès lors qu'elle se borne à viser l'article L. 2411-8 du code du travail, et omet les articles applicables au licenciement pour motif économique, qui sont les articles L. 1233-2, L. 1233-3, L. 1233-4 et L. 1233-4-1 du code du travail et que la ministre n'a pas fait référence aux règles de droit qui fondent son contrôle ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation car la ministre n'a pas caractérisé le motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail en se bornant à faire état d'une " menace sur la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité ", sans faire état de la position concurrentielle du groupe RLD ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation car la ministre n'a pas contrôlé le périmètre du reclassement.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me D..., pour la société RLD 2, devenue Kalhyge 2.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... a été embauché le 24 novembre 1997 en qualité de technicien de maintenance par l'entreprise RLD 2, devenue la société Kalhyge 2. Depuis le 18 novembre 2009, il détient les mandats de membre titulaire du comité central d'entreprise, de membre titulaire du comité d'établissement des Lilas, ainsi que de membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement des Lilas. Il a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 13 avril 2017 de la ministre du travail portant autorisation de le licencier pour motif économique, mais sa demande a été rejetée par le jugement attaqué n° 1705189 du 2 mai 2018 dont il relève appel.

Sur la légalité externe :

2. Selon les articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ".

3. M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision du 13 avril 2017 de la ministre du travail autorisant son licenciement, serait insuffisamment motivée en tant qu'elle ne vise pas les articles du code du travail concernant le licenciement pour motif économique, que la ministre n'a pas fait référence aux règles de droit qui fondent son contrôle et enfin, est insuffisamment motivée en fait.

4. Une omission ou une erreur dans les visas d'un acte administratif ne sont pas de nature à en affecter la légalité. Dès lors, la circonstance que la décision du 13 avril 2017 de la ministre du travail ne viserait que l'article L. 2411-8 du code du travail, qui impose d'obtenir l'autorisation de l'inspecteur du travail avant de procéder au licenciement d'un salarié possédant un mandat, est sans incidence sur sa légalité. S'il est exact que ne sont pas visés les articles L. 1233-2 à L. 1233-5 du code du travail, relatives au licenciement pour motif économique, ceci n'est pas de nature à entacher d'un défaut de motivation en droit la décision en litige, dont les motifs font d'ailleurs explicitement apparaître, à six reprises, le fondement économique de la demande de licenciement, ainsi que les conditions de reclassement qui ont été proposées à l'intéressé. En effet la décision précise que M. B... a refusé trois propositions de reclassement. Ils détaillent par ailleurs les éléments d'appréciation sur lesquels la ministre du travail a fait porter son contrôle, premièrement s'agissant de la réalité du motif économique et de la réalité de la suppression du poste du requérant à raison de ce motif économique, deuxièmement, pour ce qui concerne les propositions de reclassement et enfin, s'agissant de l'absence de lien avec le mandat syndical. En conséquence, la décision contestée, qui est dépourvue de toute ambiguïté sur les considérations de droit l'ayant fondée, comporte l'ensemble des éléments de droit et de fait permettant de la contester. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation, doit être écarté dans toutes ses branches.

Sur la légalité interne :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, issue de l'article 67 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 et en vigueur du 1er décembre 2016 au 24 septembre 2017 : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : / 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. (...) / 2° A des mutations technologiques ; / 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; / 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. / La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise (...) ".

6. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés protégés, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière. Pour apprécier la réalité des motifs économiques allégués à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative est tenue de faire porter son examen sur la situation économique de l'ensemble des sociétés du groupe intervenant dans le même secteur d'activité que la société en cause. A ce titre, le groupe s'entend, ainsi qu'il est dit au I de l'article L. 2331-1 du code du travail, de l'ensemble constitué par les entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Lorsque le juge administratif est saisi d'un litige portant sur la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative a autorisé le licenciement d'un salarié protégé pour un motif économique ou a refusé de l'autoriser pour le motif tiré de ce que les difficultés économiques invoquées ne sont pas établies et qu'il se prononce sur le moyen tiré de ce que l'administration a inexactement apprécié le motif économique, il lui appartient de contrôler le bien-fondé de ce motif économique en examinant la situation de l'ensemble des entreprises du groupe intervenant dans le même secteur d'activité dans les conditions susmentionnées.

7. M. B... reprend à l'identique et sans élément nouveau, le moyen déjà soulevé en première instance et tiré de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du bien-fondé du motif économique fondant son licenciement et fait valoir que la ministre du travail n'a pas examiné la position concurrentielle de l'entreprise. D'une part il est constant que la notion de position concurrentielle de l'entreprise n'est pas mentionnée dans les dispositions légales précitées. D'autre part, le requérant, qui ne produit au demeurant aucune pièce nouvelle, ne remet pas en cause l'appréciation motivée portée par les premiers juges au point 5. du jugement attaqué. Le tribunal administratif a en effet retenu le bien-fondé du motif économique invoqué au soutien du licenciement en litige, tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise par une réorganisation, motif entrant dans les dispositions légales précitées et justifié par la baisse du chiffre d'affaires du groupe entre 2012 et 2015, par son résultat négatif de 6 279 000 euros en 2015 et par la diminution de près d'un tiers du bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement entre 2012 et 2015, en deuxième lieu s'agissant de la société RLD 2, par la baisse du chiffre d'affaires depuis 2012, par un déficit constant s'élevant à 7,8 millions d'euros et par une dégradation ininterrompue du résultat d'exploitation depuis cette date atteignant 7,11 millions d'euros ainsi que des besoins d'investissement de 5 millions d'euros ne pouvant pas être autofinancés du fait des difficultés de trésorerie de l'entreprise et ne pouvant pas davantage être financés par le groupe en raison de sa position financière fragilisée telle que susdécrite, en troisième lieu, par la concentration de l'activité industrielle de location de linge de la société RLD 2 sur cinq sites en Ile-de-France, dont le site des Lilas, vétuste et en surcapacité de production, dans un contexte de baisse des volumes de linge à traiter et d'optimisation des coûts de production, qui a conduit à la décision managériale de fermeture du site des Lilas et de relocalisation de l'activité de location de linge sur les autres sites de la région parisienne. En outre, la ministre a relevé que M. B... a refusé, le 8 juillet 2016, l'offre de poste qui lui a été faite au titre de la modification de son contrat de travail en qualité de technicien de maintenance, statut technicien, niveau 5.1 sur le site des Mureaux. Il suit de tout ce qui précède, que la ministre du travail, en estimant le motif économique du licenciement établi, n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation, et que les moyens susanalysés doivent être écartés.

8. En second lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce, issue de l'article 290 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et en vigueur entre le 8 août 2015 et le 24 septembre 2017 : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie./ Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ".

9. Il résulte de ces dispositions que, pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à la recherche des possibilités de reclassement du salarié dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. L'employeur doit s'efforcer de proposer au salarié des offres de reclassement écrites, précises et personnalisées portant, si possible, sur un emploi équivalent.

10. En se bornant à reprendre, à l'identique et sans pièce nouvelle, le moyen déjà soulevé en première instance et tiré de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation relative à l'obligation de reclassement, M. B... n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'appréciation motivée des premiers juges, qui ont notamment relevé d'une part, que les recherches de reclassement ont bien été effectuées au sein du groupe RLD ainsi, en tout état de cause, que dans la société MNH alors même qu'il n'existait aucune permutabilité de personnel avec cette dernière, ayant une activité de mutuelle. D'autre part, le tribunal administratif a estimé, à bon droit, que les trois propositions faites à l'intéressé le 20 juillet 2016 en qualité de technicien de maintenance au sein de deux blanchisseries et celle, en cette même qualité, sur le site des Mureaux constituaient des offres sérieuses de reclassement, étant au demeurant suffisamment précises et individualisées. Dans ces conditions, la ministre du travail, en estimant que la société RLD 2 avait satisfait à son obligation de reclassement en application de l'article L. 1233-4 du code du travail, n'a commis ni erreur de droit ni erreur d'appréciation. Ces deux moyens doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 avril 2017 de la ministre du travail autorisant son licenciement pour motif économique. Ses conclusions en annulation doivent donc être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société RLD 2 devenue la société Kalhyge 2, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la société RLD 2 devenue Kalhyge 2, est rejeté.

N° 18VE02317 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE02317
Date de la décision : 31/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique. Obligation de reclassement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALBERTINI
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: Mme MARGERIT
Avocat(s) : SCP RILOV

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-05-31;18ve02317 ?
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